Flashback - Jungkook

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" On doit à chaque fois écrire comme si l'on écrivait pour la première et la dernière fois. Dire autant de chose que si l'on faisait ses adieux, et les dire aussi bien que si l'on faisait ses débuts." 

- Karl Kraus


Sa peau de lait et ses grands yeux de poupées m'avaient frappé droit au cœur. Je ne saurais vous expliquer l'étrange sentiment qui m'avait habité ce jour là, ce jour où nos regards se sont croisés pour la première fois. Ce jour, où mes yeux se sont posés sur elle pour la toute première fois. Vous vous direz certainement qu'un enfant ne peut comprendre ce genre de chose, que seuls les adultes le peuvent. Ce n'est qu'une amourette, des gosses ne peuvent comprendre cela. Peut être bien, néanmoins, j'avais parfaitement conscience qu'elle ne m'était pas indifférente, qu'un étrange sentiment était venu s'emparer de tout mon être, comme si ... comme si l'on avait envoyé cet ange tombé du ciel, béni par les dieux, pour atténuer les cœurs. Elle était adorablement mignonne. Au premier regard j'ai tout de suite pensé, « Je veux la protéger. »

Je n'avais jamais osé l'approcher. L'observant de loin, je restais à l'écart. Lorsque j'étais gosse, croyez-moi ou non, j'étais quelqu'un de plutôt timide, assez renfermé, maladroit, et je passais mes heures à dessiner. Aujourd'hui, bien que rien n'ait tellement changé, je pense que si je l'avais face à moi, je lui avouerai combien j'ai beaucoup pensé à elle, combien elle m'est importante, et combien elle m'a manqué durant toutes ces années.

« Je ... » avec maladresse je lui avais tendu cette feuille colorée sur laquelle j'avais longuement travaillé, avant de me décider de lui offrir. Je m'étais entraîné la veille, devant le miroir de la salle de bain, pendant au moins une longue et interminable heure, bredouillant, heurtant sur des mots, m'imaginant face à elle tandis que mon visage se couvrait d'un manteau rouge. Moi qui pensais pouvoir gérer ce stress, je n'y étais parvenu. C'était bien plus pis que dans mes cauchemars les plus fous. Ressaisis-toi, Jungkook ! Fermant les paupières avec force, je ne souhaitais faire face à la réalité, couvert de honte, je préférais la fuir. Les mains moites, les jambes tremblantes, je serrais avec une telle force le dessin qu'il faillit ne devenir qu'un simple morceau de papier tout froissé. Pitié, faites que tout cesse ! Je veux courir, je veux partir. Il ne fallut pas une minute pour qu'elle finisse par s'emparer du dessin, comprenant certainement le malaise auquel je faisais face. Elle a sûrement dû avoir pitié de moi, avais-je pensé ce jour là.

Alors que le papier glissait tout doucement entre mes phalanges, mes paupières s'ouvrirent lentement lorsque ce dernier les quitta. Relevant timidement la tête, je croisais son regard angélique, avant d'avoir vue sur la totalité de son visage rayonnant. Un sourire s'était dessiné sur ses lèvres, éclairant davantage son visage. C'était la première fois que je la voyais de si près, la première fois que je l'avais face à moi. En l'espace de brèves secondes, toutes craintes et angoisses s'étaient dissipées comme par enchantement. Je n'avais plus peur, grâce à elle, je pouvais affronter la réalité.

« As-tu pu dire au revoir à tous tes amis, Jungkook ? » Tous ? Non. J'aurai tellement aimé pouvoir le lui dire, mais au fond, nous connaissons-nous? Avais-je une place dans son cœur, son esprit ? N'étais-je pas le seul à penser ainsi au final ? Le seul à penser à elle ? « Oui. »

Alors que nous quittions notre terre d'origine, nous nous envolons en direction du pays du soleil levant, abandonnant tout derrière nous, la famille, les amis, et puis, elle aussi.

I AM WAITING FOR YOU, MY LOVEWhere stories live. Discover now