Cours Nafy Cours...

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Khadim me montra la chambre qui m'était destinée et me dit de me mettre à l'aise. J'avais peur qu'il ne veuille passer la nuit avec moi mais après le dîner, il partit se coucher de son côté à mon grand bonheur. Ils étaient aussi nombreux dans cette concession que dans la nôtre. Il y avait donc ma belle-mère (son mari étant décédé), Khadim, Tenning et leur six enfants (la fameuse Ciré était leur aînée et avait une année de plus que moi), les trois grands frères de Khadim avec leurs familles et sa petite sœur qui était veuve et vivait avec ses enfants, des jumelles de 6 ans.

Les premiers jours dans cette concession furent moins pénibles que je ne m'y attendais. Je gardais mes distances avec tout le monde. Restant cloîtrée dans la pièce où on m'avait installée. N'en sortant que pour aller prendre une douche, quand on m'appelait pour manger ou alors quand je devais accompagner ma « belle mère » qui tenait de toute évidence à me présenter à tout le village. Elle m'exhibait fièrement comme un trophée comme pour dire « tenez, regardez la femme qu'a trouvée mon fils ! ». Pourtant sur le chemin, elle ne m'adressait jamais la parole ni même à la concession d'ailleurs.

Mon mari, quant à lui, passait toutes ses journées chez le marabout et ne rentrait qu'au coucher du soleil. Je me demandais même comment il faisait pour gagner sa vie à force. Dès qu'il rentrait, il se dépêchait d'enlever son boubou pour se mettre en pantalon et chemise ou tee-shirt avant de venir me « tenir compagnie ». Il me ramenait souvent des cadeaux. A ma grande surprise, il m'a même ramené une fois des jeans, des débardeurs, hauts et chemises mais je ne vivais que pour faire passer le temps, en attendant de retrouver les miens. Bien évidemment, Khadim n'était pas du même avis et essayait d'instaurer une « complicité » entre nous. Il me faisait pitié avec ses blagues pas drôles mais alors là PAS DU TOUT, ses accoutrements pour avoir l'air « branché » selon lui et ses efforts pour cacher sa perversité.

Il ne voulait pas que je participe aux activités de la maison ni que j'aille aux champs ni nulle part ailleurs d'ailleurs. Je passais donc mes journées à lire et relire mes livres de français et de sciences naturelles que ma mère avait discrètement glissés dans mes affaires, fort heureusement. Le pire moment de la journée, c'était le soir quand j'étais obligée de partager seul à seul le dîner avec lui et ce, dans ma chambre éclairée par la lumière d'une vieille lampe à pétrole et, sous les yeux remplis de courroux de Tenning et Ciré qui devaient se charger de nous servir. Autant dire, tout pour que celles-ci m'exècrent au plus haut niveau et cherchent à me pourrir la vie en permanence.

La journée, en l'absence de Khadim, elles me lançaient des piques en permanence sans oublier de faire exprès de cracher à deux millimètres de moi à chaque fois qu'elles en avaient l'occasion. Les autres habitants de la concession soient m'ignoraient royalement soit me regardaient avec des yeux remplis de dédain, tous décidés apparemment à soutenir Tenning dans sa guerre. Parfois même, on se mettait à faire ses éloges en criant à tue-tête sans aucune raison particulière. Si seulement ils pouvaient juste saisir que je n'en voulais absolument pas de cet homme...

Deux jours après mon arrivée, le fils du grand frère de mon mari qui devait avoir un ou deux ans de plus que moi (vous suivez ? C'est comme si c'était mon neveu sauf qu'il était plus âgée que moi ! Bref...) arriva à la concession. On m'expliqua qu'il vivait à Dakar où il poursuivait ses études à l'Université. C'était bien le seul là-bas à faire des études. Il s'appelait Samba. Souvent, je le voyais me regarder mais je ne sais pourquoi, son regard ne m'intimidait pas comme celui des autres. Cependant, pas une fois, il ne m'adressa la parole à part pour me saluer.

Dix jours passèrent sans que Khadim n'abordent une seule fois le sujet de mon retour chez mes parents. Perdant patience, je lui demandais sans cesse la date mais, à chaque fois, il me répondait « bientôt, bientôt ». Les jours passaient et rien ne se passait. Ça allait bientôt faire un mois que j'étais là-bas. Je commençais vraiment à ne plus supporter tout ça mais j'essayais au maximum de prendre mon mal en patience. Un après-midi, alors que j'avais le nez plongé dans un de mes livres, Samba entra dans ma chambre.

Nasryh : Au clair de lune, les rêves se dessinent...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant