Obscurité

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La vague de panique qui me serre le cœur me fouette quasiment. Je ne suis pas le genre de fille qui a peur de tout. Je suis même du genre téméraire. Alors avoir peur, ça m'arrive peu souvent. Je cherche à tâtons une issue, un petit quelque chose qui pourrait me délivrer. Mais rien, rien ne vient sous mes mains. Je sens mes longs cheveux emmêlés fouetter mes bras tant je gesticule. Je suis dans une situation critique, c'est le cas de le dire. Le bruit recommence, un peu plus proche cette fois et je perds mon sang froid. Je me mets à paniquer réellement et gesticule encore plus, mauvaise idée. Le bruit agonisant et de gargouillis se rapproche encore, si bien que j'ai l'impression de l'entendre dans mon oreille gauche. Je me retourne et perd l'équilibre. Je me retrouve allongée sur le sol dur du Tunnel, et prie tout les dieux existants pour que je survive.

Soudain, j'entends le bruit des rails au loin. Je reprends espoir, tandis que la chose qui menace de me hacher menu est toute proche. Si bien que ses yeux vides et blanchâtres luisent à quelques mètres de moi.
Le bruit des Tireurs arrivent plus près et j'entends des voix dans le fond du Tunnel. Je ne peux pas faire de bruit cependant, la bête est complètement aveugle et se repère aux sons. Elle se retourne vivement, puisque je ne vois plus ses yeux. Elle semble avoir entendu les Tireurs qui se rapproche inexorablement.

"Comment s'est-elle enfoncée aussi loin ?! Rouspète l'un d'entre eux.
- Du calme Franck, on va la retrouver !
- Ça m'étonnerait qu'elle soit encore en vie."

Ils sont vraiment tout près et la dernière réplique me donne envie de hurler "EH LES GARS JE SUIS EN VIE MERCI POUR VOTRE SOUTIEN SANS BORNES !" mais j'entends encore les gargouillis de cette chose.
Une lumière aveuglante se fait entrevoir, les Tireurs sont enfin là. L'un d'entre eux hurle que je suis là et vivante, tandis que l'autre hurle en même temps qu'il y a un Perdu à côté de moi. Ils s'arrêtent sur les rails et descendent prestement avec leurs lampes torches, et éclairent la bête qui se met à siffler. La forte luminosité l'embête, et c'est pour le mieux. Elle se met à détaler dans les galeries du Tunnel en se prenant des bouts de mur. Je me relève, chancelante, et m'avance vers les Tireurs.

Puis je m'évanouis.

***

F R I G G

Comment percevoir le réel de l'imaginaire ? C'est la question que le monde se pose depuis des générations. Il y a longtemps, une énorme guerre a éclaté dans le monde entier. Les USA s'en sont pris à la Chine, et ainsi faisant ont déclenché une guerre nucléaire qui décima plus de deux tiers de l'humanité. Aujourd'hui, la vie à la surface de la terre est presque impossible. Les humains restés à la surface ont muté à cause des trop fortes radiations nucléaires et sont désormais maîtres de la surface. Ils n'ont plus possession de leur capacité à réfléchir et penser, mais se comportent férocement et s'entretuent sans aucuns remords. Une maladie s'est donc répandue sur le globe, et l'humanité telle qu'on la connait aujourd'hui n'est plus que vestiges. Malgré tout, il existe des endroits qui comptent des humains, des vrais, qui pensent et survivent efficacement. Ils vivent sous terre, dans de grands endroits où des villes se sont construites, autrefois des nappes phréatiques énormes. Il n'en existe que trois : Yggdrasil, inspirée de la mythologie nordique, qui se trouve donc en Europe. New Tokyo, qui se trouve elle sous le continent asiatique. Et enfin Hope, qui se trouve sous le continent américain. Ces énormes villes sont toutes reliées par des Tunnels quasiment sans fin, qui sont d'une dangerosité absolue tant ils sont entrecoupés de galeries.
Aujourd'hui l'humanité est réduite à la cachette et à la peur. L'espoir d'habiter une nouvelle fois à la surface s'est estompé les années passant, et la vie sous terre est aussi dangereuse que celle à la surface.

***

Je me réveille en papillonnant des yeux, tant la lumière de la pièce est puissante. La blancheur de la pièce n'arrange rien.
Je me redresse difficilement en jurant, sentant un mal de crâne ignoble monter. Je suis seule sur un lit décrépi, dans mes habits qui datent de ma fuite. Je ne sais pas comment expliquer tout ce qu'il s'est passé en si peu de jours. Tout d'abord, il faut expliquer que je vivais à Yggdrasil, où la vie est clairement difficile. Des trois capitales, nous sommes la plus pauvre. Car la ville gère mal ses ressources. Je vivais donc là bas, jusqu'au jour où tout a basculé. La découverte de mes capacités m'a obligée à fuir, et l'aide que j'ai reçu n'a pas toujours été une réussite. Je me suis enfuie un soir en essayant de faire le moins de bruit possible. Je vivais dans un orphelinat, comme beaucoup d'autres jeunes gens et enfants d'Yggdrasil. Les humains de nos jours ne veulent plus d'enfants ou les gardent rarement, étant donné le manque de moyen évident. Tellement évident qu'il n'y a plus assez de médecins pour assurer les avortements. Alors les orphelinats sont devenus un vrai business. Je suis donc une gosse normale, si on veut. La seule chose qui me différenciait, c'était mes cheveux. Blancs, de naissance. Ils n'ont jamais pris une autre couleur. Ce n'est même pas un blond platine, c'est blanc. Et je ne suis pas albinos, un médecin m'a auscultée étant gamine (ce qui est un privilège extrême) et en a déduit que c'était seulement une mutation génétique. En tout cas, ça ne plaisait pas à grand monde. La différence est encore moins tolérée qu'avant la guerre. Les choses sont devenues extrêmement compliquées. Et donc un soir, lorsque je revenais de mon travail (je travaillais dans les cuisines pour la ville), quelque chose s'est jeté sur moi. Au premier moment je n'ai pas su quoi faire et ai seulement réagi comme je pouvais.

J'ai shooté dedans en gros.

Je ne suis pas de nature très très douce, j'ai été élevée à la dure et seule. Je m'appelle Frigg. On m'a dit que dans les croyances nordiques, c'était la déesse de la fertilité. Moi, je suis juste une gamine téméraire qui se laisse pas faire par un machin agressif. Je me suis relevée, prête à remettre un coup. Le truc en question s'avérait être un gamin, qui s'est relevé en jurant de tout les noms et en me traitant de cinglée. C'était un peu fort de café venant d'un môme qui avait essayé de me scalper. Il m'a dit qu'il était venu me chercher parce que j'avais une mission à accomplir, blablabla. Sur le coup j'étais à deux doigts de sortir mon tazzer et de l'électrocuter sans demander si c'était assez piquant pour lui. Mais lorsqu'il m'a appelé par mon prénom, j'ai quand-même un peu calmé mes pulsions meurtrières. Je n'ai jamais divulgué mon prénom à qui que ce soit en dehors de la gérante de l'orphelinat. Même mon patron ne sait pas comment je m'appelle, je lui ai donné un prénom bateau. Pour lui, je m'appelle Chloé. Pas Frigg. J'ai honte de ce prénom. C'est celui que ma mère biologique a choisi avant de me jeter à la rue quasiment. On m'a retrouvé en train de hurler couchée dans un caniveau. Autant dire que ce prénom est le seul vestige de ma mère et qu'il ne me plaît pas.

J'ai au final décidé de suivre ce gamin monté sur du 440 volts, qui s'appelait Esteban. Il n'était pas bien méchant au final et m'a emmené dans un endroit qui était en fait une sorte de QG (j'avoue que j'ai pas tout compris à ce moment-là, et je m'en fichais pas mal pour être honnête) à des genre de rebelles qui voulaient renverser Yggdrasil blablabla.

Ok super, j'aime bien le genre mais en gros, qu'est ce que j'avais à foutre là dedans ?

Haha.

Attendez, vous allez rire : moi je devais buter le maire d'Yggdrasil en fait. Et le gamin, qui devait avoir grand max 10 ans, m'a annoncé ça comme si je devais aller chercher du pain au boulanger du coin.

Sur le coup je vous avoue que j'ai réagi de manière sardonique.

Mais quand j'ai compris que c'était pas une blague, c'était la quatrième guerre mondiale dans mon froc.

J'ai cru que j'allais me faire dessus oui.
Je suis téméraire, mais pas suicidaire. Ouais vous connaissiez pas ? C'est ma manière de dire courageuse mais pas téméraire, mais un degré au dessus. Je trouve ça pas mal.

Bref, trêve de conneries. J'ai donc débloqué salement et envoyé bouler le pauvre gosse. Puis deux gars bien grands sont arrivés et j'ai fermé mon clapet. Les deux gars s'appelaient respectivement Jeff et Rick, mais ça c'est pas important parce qu'ils servent pas à grand chose dans l'histoire à part servir d'amoire à glace pour Lisa.

Lisa, c'est celle qui est arrivée juste après. Elle devait avoir la quarantaine et elle avait un visage qui respirait la gentillesse et la sagesse. Elle m'a annoncé qu'Esteban allait juste vite en besogne, et que je devais m'entraîner avant d'accomplir ma mission.

Sauf que moi, ben j'ai rien demandé. Donc j'ai refusé net et me suis tournée pour partir, sauf que les armoires à glace se sont interposées. Du coup, j'ai du refaire face à Lisa, qui me regardait d'un œil du style "de toute façon t'as pas vraiment le choix".

J'ai accepté, et voilà où j'en suis aujourd'hui : dans la panade.

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⏰ Dernière mise à jour : Nov 22, 2017 ⏰

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