Prologue

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Lorsque je fis mon entrée dans le salon de mon ami, les couleurs chatoyantes dont il avait tapissé ses murs ainsi que l'odeur très forte de tabac froid qui y régnait agressèrent mes sens. L'endroit se trouvait être le repère de quelques rats et souris que je suspectais avec inquiétude d'avoir investi la maison toute entière. Je n'eus pas d'autre réflexe que celui de me précipiter pour ouvrir la fenêtre, ce qui ne sembla pas avoir été fait depuis longtemps en jugeant de la résistance que celle-ci m'opposa. Tentant de garder un semblant de sang froid, je tournai mon regard vers le corps du défunt Andrew Miller gisant au sol dans ce qui me sembla être un amat d'insectes agglutinés.

"Mon vieux", s'exclama Paul Hosban, ses grosses mains gonflées par l'arthrite accrochées fermement aux plis de son pardessus. "C'est l'inspecteur qui ne va pas être content! Je vais faire venir d'autres gars, ça devient trop important pour cacher ça plus longtemps aux autres."

Je capitulai avec amertume, ne pouvant plus soutenir l'odeur de mort imprégnée dans la pièce je fuis à grandes enjambées. L'air froid du palier de l'appartement me brûla les narines. J'étais dans une folle colère contre moi-même: si je n'avais pas su protéger cet homme que je cotoyais depuis de longues années, comment pourrais-je protéger ceux dont même le nom m'est inconnu? Mes doigts se crispèrent contre mes paumes. Ma simple veste ne me protégeait pas du vigoureux vent d'Est fouettant mon visage, je me crus sur le point de perdre le raison lorsque Hosban m'annonça que la voiture tarderait à arriver et que nous ferions mieux de rentrer à pieds.

Sur le chemin du retour, je réfléchis à ce qui avais bien pu me mener jusqu'ici, Paris. Si loin de mon village natal, la ville de lumière me sembla bien fade ce jour là... Avais-je un jour fait le vœux de vivre une aventure aussi incroyable que celle dans laquelle je me retrouvais aussi subitement embarqué? Certainement pas. Le regrettais-je? Je n'arrivais pas à le savoir. Il m'arriva souvent au cours de ces longs mois de péripéties de me demander si je n'aurais pas mieux fait de mourir lors de ma première rencontre avec la jeune femme qui me causait tant de tourments. Mon estime m'interdit de me rendre seul fautif de cette situation, Andrew était aussi coupable que moi. Mais désormais tout un monde nous séparait et j'étais le seul de nous deux encore vivant. J'étais le prochain mais surement pas le dernier.

Hosban me laissa dans la ruelle étroite et humide qui menait au misérable hôtel que mes maigres économies permettaient de financer le temps que je n'eu plus à me soucier de me cacher ou bien de sauver ma peau. Je me dépêchai d'atteindre le porche en sentant les premières gouttes de pluie couler le long de mon nez rougit par la température hivernale. La chaleur du hall me pris par surprise et je ne pu retenir un éternuement.

Un ricanement gras m'accueilli. Le gérant était un homme seul à la mise négligée. Affublé d'un accent Scandinave un peu exagéré, il avait appris à effrayer les ménagères du quartiers avec de faux récits de guerre parsemés de meurtres et de conspirations contre les puissants. On passait le temps comme on pouvait, parfois lorsque j'étais le seul client présent dans l'hôtel, il me racontait son enfance et son arrivée en France. J'appris a accepter qu'il change les lieux et les dates pour rendre l'histoire plus intéressante comme il apprit a accepter que, perdu dans mes réflexions, je lui fasse répéter plusieurs fois le même passage.

"Faites pas gaffe au changements de température trop brusques, la chaudière vient d'être réparée mais elle marche une fois sur deux et ça c'est quand elle est de bonne humeur... Aujourd'hui c'est l'Afrique Noire mais demain ça sera peut-être l'Alaska..."

J'aquiessai d'un signe de tête, mes talons résonnant sur le parquet alors que je regagnai ma chambre.

Je louais une petite chambre de bonne au premier; des commodités dans la salle d'eau et une petite lampe a pétrole sur la table de chevet. Il y a bien longtemps que l'électricité ne fonctionnait plus et dire que cet immeuble n'était pas aux normes serait un euphémisme des plus total. Je m'assurai que la porte soit bien fermée et je m'assis sur le bord du lit. Tout était sale mais peu m'importait l'hygiène du lieu tant que le prix me permettai encore de me nourrir convenablement. Je défit mes chaussures, les déposai sur le plancher sans faire de bruit puis toujours en silence, j'enlevai ma veste et l'installa aux pieds du lit. Sans prendre la peine de me glisser sous les couvertures, je m'allongeai sur le dessus de lit poussiéreux.

Ils étaient loin les beaux quartiers parisiens.

Je sentis un frisson glacé me parcourir l'échine lorsque de minuscules bruits de pattes se firent entendre. Mon cerveau tentais de suivre le déplacement des nuisibles a travers la pièce. J'avais finit par me demander si ce n'était pas plus leur maison que la mienne. Je me souvint avec dégoût de la première fois que j'avais aperçu les rats courir dans la salle de bain. L'idée de tenter de les brûler avec la lampe a pétrole m'avais souvent tenté, mais la peur de mettre feu a l'hôtel m'avais retenu. Mes orteils se recroquevillèrent et je dus faire un effort incommensurable pour trouver le repos.

Tout est toujours de la faute des rats, songeais-je avant de tomber de sommeil.

Chienne De VieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant