Chapitre 1

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Dehors, la neige commence déjà à tomber doucement. Nous sommes au début du mois de Décembre, à quelques jours de Noël et tout le monde est heureux à cette période de l'année. Tout le monde sauf moi. Je regarde la neige tomber à travers la fenêtre, assise dans mon fauteuil roulant, des larmes coulants le long de mes joues. Je repense à mon enfance et à mon adolescence, quand je pouvais encore sortir en courant de la maison dès que je voyais le premier flocon tomber, quand je pouvais encore faire une bataille de boule de neige ou bien un bonhomme de neige.Cette période de ma vie est loin derrière moi maintenant et je ne peux plus faire tout ça. Je ne pourrais plus jamais le faire.

- Jade ! Tu n'as pas ouvert ton calendrier de l'avant ! » Hurle mon père depuis le salon avec un enthousiasme débordant.

Je secoue la tête et mes larmes redoublent. Pourtant, je prends sur moi et arrive à me calmer.J'essuie mes larmes juste avant que ma mère n'ouvre la porte de ma chambre.

- On est déjà le cinq décembre et le sapin de Noël est encore tout nu ! C'est un scandale ! »S'exclame-t-elle en me souriant.

Je vois pourtant de la tristesse dans son regard. Cette tristesse qui ne l'a pas quitté depuis le jour de mon accident, depuis déjà cinq ans ...

- Tu as raison maman, ça ne va plus !Il faut le faire immédiatement ! » Je confirme avec une fausse joie que je mime à la perfection.

Ma mère semble comblée et elle se précipité vers moi pour pousser mon fauteuil roulant, même si elle sait parfaitement que je déteste ça.

- D'abord, mange ton chocolat avant que ton père ne te le vole ! » Rigole ma mère en m'emmenant jusqu'à la cuisine.

Elle me tend le calendrier qu'ils m'ont acheté avant même que l'on soit en décembre puis m'annonce qu'elle va chercher les cartons avec les décorations de Noël. Je me contente de hocher la tête puis la regarde disparaître. Dès qu'elle quitte la cuisine, je repose le calendrier sur le plan de travail sans même ouvrir la case du cinq et avance jusqu'à la fenêtre. Mon père est dehors, comme chaque année, en train d'accrocher des guirlandes lumineuses de partout dans le jardin.Malgré mon accident, mes parents n'ont jamais perdu leurs fameuses habitudes de Noël. Avant, je trouvais tout ce qu'ils faisaient génial ! Mes Noëls étaient les plus beaux du monde. Mais il ya cinq ans, tout à changé. A cause de ce chauffard, je ne peux plus aider mon père dans le jardin, ni accrocher l'étoile en haut du sapin. Je ne peux plus rien faire ...

J'entends ma mère remonter de la cave et déposer les cartons dans le salon. Je la rejoins, un sourire de façade sur le visage. Elle semble de bonne humeur lorsqu'elle sort les guirlandes, les boules et les petits anges, mes décorations préférées. Chaque année, ma mère m'achète un nouvel ange à mettre dans le sapin, si bien qu'on a maintenant bien plus d'anges que de boules. Ces anges, ce sont les seuls qui arrivent encore à me rendre joyeuse et à me réchauffer le cœur lorsque je les accroche dans le sapin, à ma petite hauteur.

- Commençons par les guirlandes lumineuse ! » Chantonne ma mère tout en me tendant un bout de la guirlande.

Elle me la laisse dans les bras le temps d'allumer son ordinateur et de mettre des chants de Noël. Puis elle revient et commence à mettre la guirlande tout en haut du sapin, me laissant faire le bas. Ensuite, elle me tend des guirlandes en papier, puis les boules et enfin, la touche finale, les anges. Une heure plus tard, notre sapin brille de mille feu et je ne peux m'empêcher de sourire vraiment en le regardant. Puis mon regard se pose sur le sommet du sapin, toujours nu et mon sourire s'évanouit.Pour la cinquième année consécutive, je ne pourrais pas mettre l'étoile en haut du sapin. Ma mère constate mon changement d'humeur mais ne dit rien. Sûrement parce qu'elle ne sait pas quoi dire. Je la vois regarder l'étoile encore dans son carton, puis refermer ce dernier.

- Je vais faire un tour à l'hôpital. »Déclare ma mère après un long silence gênant.

- D'accord, je souffle en lui souriant faiblement, merci pour ce moment. » J'ajoute avant d'agripper les roues de mon fauteuil et de regagner ma chambre.

Je me replace à côté de la fenêtre et je regarde la neige s'accumuler dans l'herbe, de la tristesse plein le cœur. J'entends ma mère claquer la porte de la maison et démarrer sa voiture. Depuis trois mois, elle va tous les jours à l'hôpital pour aller rendre visite à sa meilleure amie atteinte d'un cancer. Quand j'étais plus petite, je voyais cette femme et son fils quasiment tous les jours. En grandissant, et surtout après mon accident, j'ai cessé de prendre part à ces rendez-vous quotidien.Voilà cinq ans que je n'ai pas revu cette femme et son fils qui était un grand ami à l'époque et dont j'étais secrètement amoureuse. Je me souviens que sa mère était vraiment adorable. Je me doute que ça doit être dur pour lui de la voir mourir à petit feu. Je sais qu'elle est tout ce qu'il a. Encore une fois la vie est injuste, avec elle comme avec moi, cinq ans plus tôt ...

J'ai de nouveau envie de pleurer mais je me contiens. Pour me changer les idées, je retourne dans le salon et allume la télé. Je tombe sur l'un de ces téléfilms de Noël dont on nous bombarde au mois de Décembre. Avant, j'adorais me mettre dans le canapé avec ma mère, un chocolat chaud et une couverture, et regarder ces films bidons. Aujourd'hui, je me rends bien compte que toutes ces histoires sont cul-cul et irréalistes. La magie de Noël a disparu ... Pourtant, je ne change pas de chaîne et je profite de ce stupide happy-end sous la neige, même si ça me rend encore plus triste ...

Ma mère rentre pile au moment où mon film se termine. Je l'attends dans le salon parce que je sais que,comme d'habitude, elle va rentrer encore un peu plus triste et que je dois être là pour qu'elle puisse se confier. La porte s'ouvre et je découvre ma mère et un jeune homme à moitié enlacés. Ils entrent lentement dans la maison, la mine grave. Soudain, un petit garçon apparaît devant eux. Il s'arrête net en me découvrant et me fixe avec curiosité à travers ses petites lunettes rondes. Je le fixe moi aussi, incrédule, avant de lever les yeux vers ma mère. Ce n'est qu'à ce moment qu'elle se rend compte de ma présence dans le salon.

- Jade ..., commence-t-elle d'une voix brisée, tu te souviens de Élias ? Le fils de mon amie ... »

Je hoche la tête. Oui, je me souviens de lui, même si je ne l'ai pas vu depuis cinq ans. Je constate qu'il est toujours aussi beau et je me rappelle pourquoi j'étais tombée amoureuse de lui lorsque j'étais petite. Élias lève les yeux vers moi. Il est gêné de me voir ainsi et la pitié que je lis dans son regard me donne envie de vomir. J'ai envie de partir m'enfermer dans ma chambre mais je me contiens pour ma mère.

- Voici son fils, Oscar. »Continue ma mère pendant que je regarde le petit garçon avec étonnement.

Si mes souvenirs sont bons, Élias n'a que deux ans de plus que moi. Pourtant, ce petit Oscar à l'air d'être déjà un assez grand garçon. A quel âge a-t-il eu son fils ? Et où est la mère ? Cette fois-ci, Élias évite mon regard, ce qui n'est absolument pas le cas de son fils qui semble analyser mon fauteuil roulant avec intérêt.

- Ils vont rester à la maison quelques temps ... On ... On vient de la perdre ... Je crois qu'on a tous besoin d'un moment pour s'en remettre alors ils vont prendre la chambre d'ami. » M'annonce ma mère pendant que je prie pourque ce ne soit qu'une mauvaise blague !


Mais ça n'a pas l'air d'en être une.Élias à un gros sac de sport à ses pieds et son petit Oscar tient fièrement son sac à dos rempli à ras bord. J'ai envie de dire à ma mère qu'il n'est pas question qu'ils restent chez nous, que je ne veux pas vivre avec eux, que j'en ai déjà marre qu'ils me regardent de cette façon qui me rappelle que je suis différente, que je suis handicapée et que je fais peur. Mais ma mère vient de perdre sa meilleure amie et je la sens effondrée. Se serait bien trop égoïste de ma part de piquer une crise de colère maintenant. De plus, je n'ai pas treize ans mais vingt ans. Je n'ai plus le droit de me comporter de cette façon. Pourtant, je le prend mal, vraiment mal.Comment ose-t-elle les inviter chez nous ? Pourquoi croit-elle que je ne suis pas sortie de la maison depuis cinq ans ?! Je sens que je suis sur le point de craquer et comme personne ne dit rien, j'agrippe mes roues, leur tourne le dos et pars m'enfermer dans ma chambre.

La magie de NoëlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant