23.Elisa

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Après mon craquage, Damien et moi sommes retournés auprès de Mélanie et Connor. Je me sens si nulle de lui avoir dit ce qu'il me bouffait le moral depuis une semaine. J'ai peur que ce soit trop, trop dur à gérer pour moi, trop d'un coup à gérer pour lui, trop rapide. Bref, je me sens pathétique de lui montrer à quel point je suis faible. Sauf que, je ne peux pas être ainsi à chaque fois, puisqu'il partira encore et encore de nombreuses fois. Je ne peux pas lui casser à chaque fois son moral, lui dire à quel point je déprime de savoir qu'il reparte en Lybie ou dans autres coins de monde. Quelle copine ferais-je alors ? Une nana chiante à en crever, qu'il regrettera d'avoir fait entrer dans sa vie.
Après avoir dévorer nos mets, nous décidons de sortir en discothèque. Personnellement, ce n'est pas mon truc, mais j'ai vraiment envie que Damien s'amuse, qu'il profite de la semaine.


Quand nous entrons dans ce lieu que je ne connaissais pas –mais apparemment les hommes, oui- je repère de suite les yeux de quelques filles se braquer sur Damien. Je n'ai jamais été jalouse, jamais ! Et là, un sentiment de possessivité m'habite. Je me colle à lui, lui prends la main, pour que ces femmes comprennent bien qu'il est déjà pris. Notre petit groupe contourne la piste de danse pleine de danseurs et nous trouvons une petite table à l'endroit idéal : entre le bar et la piste.

—J'arrive ! crié-je pour me faire entendre.
Mélanie comprend que je pars aux toilettes puisqu'elle me suit.

Il y a une file assez importante avant d'y parvenir. Je soupire parce que je sens que mon ventre se tord. J'ai l'impression que je vais vomir sur le sol.

—Ca ne va pas ? T'es toute blanche ?

—Je pense que je vais être malade, dis-je en sentant un haut le cœur. Ca doit être la lasagne qui passe pas !

Mélanie hoche la tête sur le rythme de la musique avant de rire.

—Imagine que tu sois en cloque !

Je ris avec elle avant qu'on ne se regarde avec des yeux ronds.

—Non, c'est impossible, dis-je.

Mélanie hausse les épaules et nous avançons dans la file. Je ferme les yeux, tente de trouver mon air pour ne pas vomir ici. J'ouvre brutalement les yeux. Putain. Ma pilule. Je fouille dans mon sac à main, attrape la plaquette...presque entière. Merde. Je panique, j'ai des sueurs froides. Je crois qu'en plus de vomir, je vais m'évanouir. J'essaye de me rappeler la dernière fois que je l'ai prise. Je ne m'en rappelle même pas... Je crois que c'était avant qu'il ne rentre de mission. Oui... Enfin je crois. Mes yeux s'embuent. Je suis encore plus dans le caca, là. Damien va être furieux !

—Elisa ?

Je vais mourir c'est impossible autrement. Qu'est-ce que je vais foutre avec un gosse ? Non, rien n'est sûr. Si ça se peut c'est juste la lasagne. 

OH PUTAIN FAUT QUE SE SOIT CETTE LASAGNE !

—Elisa ? Youhou !

Mélanie agite ses bras devant mon visage, me ramenant à la réalité.

—Tu n'y vas pas ?

—Si, si.
Je passe devant elle, retournée. Je m'enferme dans une cabine, grimace sous l'odeur forte d'urine. C'est incroyable comme cet endroit est dégueulasse. J'ai juste le temps de me baisser, que je vomis dans la cuvette. Je tousse, me revide.

Je tire la chasse, essoufflée. Si jamais... Damien va me tuer. J'éclate en sanglots, désespérée. Pourquoi ai-je zappé cette fichue pilule de merde ? Et moi qui lui ai dit de ne pas se protéger... Putain...
—Elisa ? Ca va poulette ?

J'essuie rapidement mes larmes, me relève.

—Oui, oui.
Je suis dans la merde. Jusqu'au cou.

Quand nous revenons à table, j'esquisse un sourire forcé, mais Damien ne semble pas dupe.

—Qu'est-ce que t'as ?

Il passe son bras par-dessus mes épaules, m'attirant contre lui. Ses lèvres sucrées d'alcool cherchent les miennes mais je détourne rapidement la tête.

—Elle a vomi, crie Mélanie en riant.

—Merde t'es malade ? s'inquiète-t-il.
—Oui, je crois que c'est la lasagne.

—Ou un mini-Damien, dit-elle en riant.
Sauf que Damien ne rit pas, et que moi là, j'ai envie de l'étrangler. Je sais qu'elle a bu trois verres de vin, mais quand même !

—Non, affirme Damien, je n'crois pas.

—On peut rentrer ? Je ne me sens vraiment pas bien.

*****

Damien hoche la tête, toujours aussi sérieux et se lève. Nous disons au revoir à nos amis qui ont décidé de rester encore un peu, et je suis Damien jusqu'à la sortie.
Dans la voiture, il ne dit pas un seul mot, moi non plus. J'ai peur de lui dire pour ma pilule. Il va me haïr. Et je ne veux pas qu'il me déteste.

—Tu crois ?

Je détache mon regard de la vitre et des façades sombres des rues.

—De ?

—Que t'es en cloque ?

Je retiens mon souffle, apeurée. Dis-lui la vérité.

—J'ai oublié ma pilule... Dernièrement.
Il se crispe, ralentit à un feu rouge.

—Dernièrement ? Ca veut dire quand ?

Je me mords l'intérieur de la joue. Mon cœur palpite à un rythme indécent.

—Quand ? crie-t-il en me faisant sursauter. Il ne m'en faut pas plus pour pleurer. Je viens de tout foutre en l'air.

—Depuis que t'es rentré. Je sais pas ça doit faire presqu'un cycle que je ne la prends plus.

—Putain !
Son poing atterrit dans le volant et je me fige, tente de lui expliquer que ce n'est vraiment pas voulu, que je n'ai jamais désiré d'enfant mais il est hors de lui, me demande de la fermer. Ce que je finis par faire. Mon cœur se serre quand je comprends qu'il me ramène chez moi. 

Donc quoi ? Il me quitte ? Mes larmes roulent sur mes joues dans ce silence pesant, lourds de non-dits. Je préférais qu'il m'hurle dessus, qu'il me dise quelque- chose, mais non. Ses mâchoires restent serrées. Il s'arrête devant chez moi, et je descends sans attendre. Je n'ai pas besoin qu'il me parle, finalement. Le message est clair. Il veut bien de moi mais qu'en partie. Si je suis enceinte, je peux rester là ! J'essuie furtivement mes larmes, prie le ciel pour qu'il me suive, pour qu'il me rattrape et me dise que ça ne change rien. Mais rien. Il ne fait rien d'autre que de partir en trombe, faisant crisser ses pneus sur le bitume. Je me dépêche de grimper les marches, de rentrer dans cet appartement que je pensais ne peut-être plus jamais voir. Je referme derrière moi, me laisse glisser contre la porte et pleure toutes les larmes de mon corps. 

Un jour trop tardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant