Chapitre 1. Dans le gouffre.

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J'ouvre les yeux. Où suis-je ? Des flashs me reviennent. Un trou noir, une chute, c'est moi, je tombe... Combien de temps ai-je attendu le sol ? Je ne sais pas... Mais je me souviens que lorsque ce dernier est arrivé, je l'ai accueillis à bras ouverts.

Je me redresse, ma tête est comme frappée avec un marteau. Je porte la main à mon front et la ramène pleine de sang. De combien de mètres suis-je tombée ? Je me souviens avoir vu des tas de choses étranges là-haut. Des étagères. Bondées. Notamment une où trônais un pot : "CONFITURE D'ORANGE". Ces détails sont ceux auxquels je me suis raccrochée parce que je pensais que j'allais mourir. Je ne m'attendais vraiment pas à trouver un tel gouffre sous mon lycée...

Et puis d'abord, comment est-ce que je me suis retrouvée en chute libre ? Je rassemble mes souvenirs... Un bal, oui c'est ça, j'étais au bal du lycée... Nous étions déguisés... Mon prof d'histoire était en... Toutankhamon (il a d'ailleurs qu'il nous le précise pour que nos reconnaissions son déguisement)... Nelly... En fée (très jolie d'ailleurs)... Et moi, Alice, j'étais en...  Alice, tout simplement. Alice au pays des merveilles... Mon conte préféré... J'ai dû lire quinze fois ce livre... Autant en français qu'en anglais d'ailleurs...

J'étais donc à ce bal avec ma petite robe bleue volante en ce mois de juin, puis une chose étrange est arrivée. Je cherchais mes amis, Nelly, Alice (nous avons le même prénom), Camille et Sam (déguisé en Barbe Bleue ! Il m'étonnera toujours...) lorsque quelque chose a attiré mon attention. Enfin non, quelqu'un. Un garçon que je n'avais encore jamais vu ici. Haut de forme, veston, montre à chaine... Il avait tout d'un gentleman. Ses yeux bleu cristal m'ont prise de court, je me suis arrêtée. Je le fixait avec une telle intensité que le reste du monde n'était plus. Lui aussi me fixait ; je voulus m'approcher mais aussitôt il fuit. Je décidai de le suivre pour savoir ce qu'il mijotait. Un jeune homme n'étant pas élève au lycée mais étant quand même présent lors du bal... Ca me paraissait plutôt louche. Le plus étonnant, c'est qu'il semblait m'attendre à chaque coin, chaque détour. Je m'étais tellement enfoncée que je n'entendais plus la musique du hall. J'ai continué de le suivre jusqu'à un moment où je le perdis en tournant à un couloir. Comment avait-il fait ? Il n'y avait aucune porte et c'était un long corridor donc aucune échappatoire possible. J'examinais les murs (j'ai parfois des idées farfelues) lorsque je me pris le pied dans quelque chose qui me fit trébucher. Je m'étalai de tout mon long avant de me retourner. Je ne rêvais pas... Il y avait une trappe au sol ! Je l'ouvris pour regarder mais ne vit qu'un noir sans fin. Ma déception était telle que je restai ainsi quelques minutes, à regarder le vide. Soudain je m'aperçus que le trou devant lequel je me tenais n'étais pas sans fin. Une lanterne se rapprochait. Durant quelques instants, j'eu peur de sauter mais une petite voix dans ma tête m'indiquais que si je ne sautais pas, je ne pourrais pas retrouver le garçon qui avait chamboulé tout mon être en un simple regard. Je pris donc mon courage à deux mains et me laissa choir sur la terre sèche qui recouvrait le tunnel. La trappe, à à peine deux mètres au dessus de ma tête, se referma toute seule, sans qu'une main quelconque ne l'y ait aidée.

"De plus en plus curieux..."

J'aimais dire ça. C'était une phrase qui revenait souvent dans le livre de Lewis Carroll.

Au bout du tunnel, le garçon m'attendait, une lanterne à la main. A peine eu-je fais un pas qu'il s'enfuit de nouveau, me laissant dans le noir.

- Attend ! criai-je.

Je n'allais pas le laisser me perdre ! Après quelques minutes je réalisai enfin que si, j'étais perdue. J'allais rebrousser chemin lorsque je sentis la terre glisser sous mes pieds puis le sol se déroba et je tombai en hurlant.

Maintenant je suis sur un tas de feuilles, une blessure à la tête. Je me relève... trop vite. Ma tête me tourne si fort que je me rassois. Le long couloir de dalles noires et blanches se déforme, devient rond, triangulaire, disparait... Lorsque mes yeux voient enfin droit, je me lève et suit les dalles. Au bout, c'est une pièce bordée de portes toutes différentes. J'essaie d'en ouvrir une, verrouillée. Une autre, verrouillée également. Je soupire avec de réaliser où je me trouve.

"Elle se trouvait à présent dans une longue salle basse éclairée par une rangée de lampes accrochées au plafond."

La révélation se fait si soudaine que je manque de trébucher une nouvelle fois. Je me trouve dans la salle d'Alice au pays des merveilles !! Je reviens vers le milieu de la salle et me cogne à quelque chose. Derrière moi, une petite table entièrement en verre est apparue, une clé trône fièrement dessus. Je la prends et m'avance vers un rideau, sûre de moi. J'écarte la pièce de velours rouge et découvre une petite porte m'arrivant à la cheville. Je vais l'ouvrir lorsque je me rappelle le conte.

"Pas maintenant", me dis-je, "D'abord je dois devenir petite.".

Je retourne vers la table. Comme je l'espère, un petit flacon remplit d'un liquide couleur caramel m'y attend.

"Voilà donc ceux fameux BOIS MOI..."

Je prends le flacon, le vide d'une traite, un liquide sucré coule dans ma gorge. Trop sucré. Je tousse, ça brûle le palais. Soudain je me sens différente. Je regarde la salle qui devient de plus en plus grande avant de réaliser.

"Ce n'est pas la salle qui est de plus en plus grande, c'est toi qui est de plus en plus petite ! La clé ! Ne fais pas la même erreur qu'Alice !"

J'ai juste le temps de m'emparer du petit objet de métal avant que la table ne devienne trop grande.

"Et tant pis pour le gâteau qui est censé me faire grandir...", pensai-je, "On ne peut pas tout avoir !".

Je cours jusqu'à la porte, passe derrière le rideau et tourne la clé dans la serrure. Derrière, il y a un long couloir et au bout, Il m'attend. Il n'essaie pas de s'enfuir, il sourit doucement et on devine une pointe d'ironie au coin de ses lèvres.

- Tu as été plus maligne que la dernière fois.

- La dernière fois ?

- Tu ne te souviens pas ?

- Non... Tu... Qui es-tu...?

Je m'appuie sur le mur, face à lui. Il ôte son chapeau haut de forme et s'incline.

- Kyle Collins, pour vous servir, mademoiselle Alice.

- Co... Comment connais-tu mon prénom ?

- Tu ne te souviens vraiment pas alors...

- Non, désolée, je vois pas.

- Bon. Alors laisse moi t'expliquer que la dernière fois que tu es venue, tu as voulu entrer dans ce jardin là.

Il désigne les fleurs et les bosquets qui s'étendent à nos pieds puis poursuit :

- Mais... Tu n'étais qu'une enfant. Tu as fais tout un détour alors qu'il te suffisait de réfléchir deux secondes...

- Mais je... Non... Je suis jamais venue ici...

- Ca c'est ce que tu penses, tu as dû oublier avec le temps.

- ...

Je réfléchis. De quoi il parle... Je ne suis pas la Alice du livre... C'est impossible... Lewis Carroll a vécu au XIXème siècle !

Kyle me fixe toujours, narquois.

- Difficile de se rappeler, hein ?

- Ca tu peux le dire...

-Bon, on bouge ? On a des choses à faire.

J'acquiesce et le laisse m'entrainer dans le jardin, toujours plus loin de mon lycée.

Dark AliceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant