29. Damien

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Après avoir revêtu mon uniforme, je remonte en vitesse sur le pont. Les trois premiers jours sont toujours plus cools, parce qu'il faut qu'on s'installe, qu'on reprenne le rythme. Sauf qu'aujourd'hui, le capitaine en a décidé autrement et moi aussi. 

Il est midi quarante-huit, j'ai fini de faire le carnet de bord pour aujourd'hui, sauf si le capitaine veut y ajouter des choses. A vrai dire, ça me gonfle de faire ça: noter notre position, la vitesse du vent, sa force et sa direction. C'est très technique et c'est bien la tâche que j'aime le moins. En plus, pour couronner le tout, je suis d'une humeur de merde, je suis tendu, nerveux. Elle me manque et ça me fout les nerfs de ne pas savoir gérer cela.
Nous les Seals avons un mental d'acier, on ne flanche jamais. Mais putain, Elisa a fendu cette armure d'un seul sourire, et le fait qu'elle soit déjà à des milliers de kilomètres de moi ne m'aide pas de tout.

—Allez les mecs !

Je hurle en tapant sur chaque porte, faisant soupirer et sursauter ceux qui se reposaient. Ils ont intérêt à se magner le cul s'ils ne veulent pas se prendre quarante séries de pompes.

Dès que je suis sur le pont, le vent pousse mon képi que je redresse. Je regarde l'antenne de l'OPS, immobile depuis qu'on s'est arrêté. 
Les mecs arrivent, un à un, s'alignent devant moi en une rangée nickel. S'ils pensaient se la couler douce, ils se gourent. Je vais leur en faire baver. Ils veulent faire partie de l'élite ? Ils n'ont qu'à mériter leur place. Je suis passé par là, moi aussi et mon instructeur ne m'a jamais épargné. Je suis mort? Non. Alors eux non plus n'en crèveront pas. 

Je les regarde, impassible quand ils se redressent et me saluent de leur main contre leur tempe. Aucun sourire irrespectueux, aucune lassitude. C'est bien. 

—Repos.
Leur bras s'allonge le long de leur corps droit.

—Aujourd'hui, dis-je sèchement, je veux que vous sachiez sauter dans les canots. Le plus rapidement et enfin, vous jetez à l'eau pour nager sur cinquante mètres.

—Oui, chef.

Je me tais, regarde l'océan qui nous entoure et le pneumatique au loin, qui attend qu'ils arrivent.

—Vous attendez quoi ? Que je vous lace vos lacets ?

Dans un remue- ménage, ils se dirigent tous vers les canots qu'ils apprêtent pendant que d'autres enfilent leur combinaison noire.
Je m'appuie sur la rampe, ferme les yeux. Putain j'adorerais lui parler maintenant. Deux jours sans entendre sa voix, c'est trop. J'ai beau relire sa lettre encore et encore en sentant un foulard qu'elle m'a donné, ce n'est pas la même chose. Je voudrais qu'elle soit ici, avec moi, que je puisse me blottir dans ses bras, respirer son parfum à même sa peau.

J'enlève mon képi, enfile ma combinaison de plongée et rejoins les gars.

—T'es de mauvaise, toi.

Je regarde Connor en haussant un sourcil. Il est canonnier et donc, dispensé de cet exercice, tout comme moi. Sauf qu'il faut que je bouge si je ne veux pas devenir dingue.

—Ca se sent tant que ça ?

—Ouais Dam. Je sais que c'est dur mais tu la reverras. Elle t'attendra, tracasse pas.

—Je sais qu'elle m'attendra, je n'ai pas de doute là-dessus. Mais elle est enceinte et seule. Et ce bâtard... Bref, j'ai la trouille qu'il l'emmerde alors que je ne suis pas là pour la protéger.

—Il ne lui fera rien Dam, allez va jouer au méchant commandant.

Je lui file un coup de poing dans l'épaule en riant et il me le rend. Il a de la chance qu'il est mon ami, sinon je pourrais le faire suspendre rien que pour ce geste. Et oui, c'est quand même classe d'être un des supérieurs.

Je saute par-dessus bord, atterris dans le canot que les mecs ont libéré.

—L'eau est à quinze degrés les mecs, dis-je, on a connu bien pire.

—C'est clair, dit Sammy. On se jette comme ça ?

Sammy Pulis est nouveau, il a eu de très bons résultats à ses tests  de recrutement mais sa question plus que stupide me fait douter : Il est con ou bien ?

—Sauf si t'as de la crème solaire et ton maillot Pulis.

Les mecs rient alors que je secoue la tête d'agacement. Je m'assois sur le bord du canot quand il touche l'eau. 

Je remonte la tirette, me laisse tomber en arrière dans l'étendue d'eau. 

Un jour trop tardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant