Epilogue

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Un an plus tard...

Le temps est quelque chose de précis, dit-on. Personnellement, je ne trouve pas. Pour moi ces douze derniers mois m'ont paru longs, interminables. Lorsque j'entends les gens dirent « oh, ça fait déjà un an ! Ça passe vite », j'ai envie de leur sauter à la gorge.

Non, ça ne passe pas vite. Pas pour moi. Cela fait douze mois que mon monde s'est écroulé. Je ne vis plus, je mange par nécessité, je survis seulement pour le petit-être qui est né il y a presque quatre mois.

Je n'arrive pas à remonter la pente, je n'arrive pas à redevenir celle d'avant. Ce trois septembre restera à tout jamais le pire jour de ma vie, celui où on m'a pris l'homme que j'aimais. Je n'arrive pas à effacer son image de mes souvenirs. Je le vois encore froncer ses sourcils sombres quand on discutait par webcam, et puis avec le temps, j'ai fini par comprendre : il avait entendu la première bombe. À la seconde, il avait compris et m'avait dit son dernier "je t'aime".

Je me sens seule, atrocement seule. Je vis dans ce petit appartement qui m'appartenait déjà, comme celui de Damien, n'est plus celui de Damien.

La seule évocation de son nom m'arrache des sanglots tant la douleur reste vive. Je ne pense pas pouvoir un jour faire mon deuil, je ne me sentirai jamais prête à le faire, je crois.

Faire son deuil, c'est accepter la mort. Je n'accepte pas la sienne, même si après autant de mois, cela semble évident. Mais l'armée cherche encore, alors je me préfère m'accrocher à cela, me disant que ce n'est pas définitif. Je ne parviens pas à me dire « c'est terminé ». Non, je ne veux pas y croire.

La douleur et la dépression éloigne fortement votre entourage, les gens ne comprennent pas votre peine à rallonge, ni le pourquoi vous ne parvenez pas à sourire à leur blague. Et surtout, ils ont besoin de voir la vie continuer, et que le monde tourne aussi dans la joie et la bonne humeur.

Sauf le mien, il s'est arrêté ce trois septembre-là.

L'anniversaire d'une mort est quelque chose d'insurmontable. Je ne sais même pas pourquoi on appelle cela un anniversaire. C'est un triste instant, un peu plus douloureux que les autres jours de l'année. Je n'ai pas besoin de ça pour me rappeler, comme les journaux télévisés. Revoir les images plus tôt dans la journée a été une réelle torture...Mais je me suis infligée cette souffrance.

J'essuie mes larmes et détache mes yeux de cette case sur mon calendrier. Il y a un an que les Etats-Unis d'Amérique apprenait l'attaque des navires de la Navy Seals.

Acte terroriste revendiqué, déclaration de guerre contre l'armée américaine qui a osé s'attaquer à une célèbre figure d'Al Quaïda.

J'apprends à respirer loin de lui, à mille lieux de savoir où il se trouve. Parce que, son corps n'a jamais été retrouvé, ni celui de d'une dizaine d'hommes de son escadron. Je frémis en pensant à son sourire. Pleure. Je n'ai jamais réussi à ne plus pleurer en pensant à lui, à nous.

Lorsqu'on vous dit : plus le temps passe, et plus c'est facile ; c'est un mensonge.

Non, ce n'est pas plus facile, bien au contraire.

L'espoir nous fait tenir au début. L'espoir de revoir la personne, de la retrouver en vie quelque part. Et plus les jours passent, et plus l'espoir nous quitte, nous abandonne à la triste réalité.

Je suis malheureuse depuis un an. Je ne dors presque plus pour éviter aux démons de mes cauchemars de surgir, de me ramener un Damien en sang, le visage explosé, défiguré.

Un jour trop tardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant