Prisonnier de la folie

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Le silence avait le règne, il était un tyran qui rendait le coeur lourd de toutes personnes vivant dans cette demeure.
La vieille dame s'accrochait à sa chaise qui basculait avec un grincement de vieux bois, elle avait peur que la mort vienne la chercher.
Quelque fois, elle criait dans cette pièce silencieuse; sa voix chevrotante perçait le calme qui aimait l'effrayer, et ces mots très clairement prononcés: ténèbres, ne venez pas, il n'y a pas de folie chez nous.

Il n'y a pas si longtemps, cela était devenu un rituel qu'elle criait toutes les heures. Cela la rassurait. Cela la rassure toujours.
Cette dame âgée de 80 ans sort de chez elle. L'affaiblie sentait son heure arriver, comme à son habitude.
Cette crainte viscérale de mourir la suit, et malheureusement, elle ne s'en défait pas. Cette petite lui colle à la peau.

Elle s'en va alors, exaucer toute seule ses dernières volontés.

"J'aimerais parler à mon fils..."

Ses mains ridées tremblaient, provocant alors un bruit des plus stressant: le déambulateur qui bougeait en même temps que son corps et qui faisait résonner les roues grinçantes sur le parquet.

"Hélas madame cela ne sera pas possible. Votre fils ne séjourne plus ici

-Comment ?"

Cette femme vieillissait mal. Beaucoup de personnes de 80 ans gardent une santé plaisante à voir à notre époque, mais cette pauvre femme n'entendait presque plus.

"Madame... Je disais que votre fils n'est plus ici.

-Quel fils ?

-Écoutez vous me mettez dans l'embarras, ne veniez vous pas pour votre fils, qui se prénomme Yvann P...?

-Moi... ? Me connaissez-vous ?"

C'était un homme qui travaillait, et son soupir suivit d'un affaissement d'épaule trahissaient son agacement.
Il avait l'habitude de cette dame, il avait l'habitude de ces pertes chroniques de mémoire, il avait l'habitude de tout lui répéter.

"Bon... vous venez souvent ici, il s'agit d'une prison. Vous suivez ? Bien. Vous avez un fils. Tout le personnel ici à finit par le savoir. Aujourd'hui, moi, je vous dis que votre visite afin de voir votre fils ne pourra pas avoir lieue. Il n'est plus ici. Non, j'anticipe vos propos, il n'a pas été libéré, il sera toujours surveillé. Il a été transféré dans un asile.

-Comment...?

-Ça suffit madame partez.

-Écoutez, nous ne sommes pas fous... nous ne sommes pas fous. Mon fils n'est pas fou, il n'est pas fou.

-Je vous en prie...

-Non ténèbres, ne venez pas, il n'est pas fou."

Le gardien regardait le drôle d'énergumène qui déblatérait des incantations qui n'avaient pas de sens pour lui.
Un coup elle criait des mots au hasard, un coup elle traînait en longueur des voyelles avec sa voix cassée, digne d'une sorcière vaudou.

"Pars ! Pars foliiiiiiie. Folie tu ne nous auras pas ! Nooon ! Et pas mon fils ! Mon fils est libre et saint d'esprit ! On me le diiiiis ! Je le ressens au fond de mon âme."

Cette scène commençait à être longue et bien moins drôle au bout d'un certain temps, il éconduit donc galamment cette dame, qui l'importunera toujours.

La fausse sorcière vaudou était revenue dans sa maison vide et silencieuse.
Son fils n'était plus en prison mais... était-il toujours prisonnier ?

Que ce soit en asile, que ce soit dans un parc, que ce soit dans une ruelle, il le sera toujours, prisonnier de sa folie qui le ronge.

La vieille chassait aussi sec cette pensée et se flagelle dans sa tête, répétant une centaine de fois tout en se basculant à la manière d'un macchabée:

Il n'est pas fou, il n'est pas fou, il n'est pas fou...

Du sang sur les mursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant