Le restaurant était faiblement éclairé, non pas pour y donner un certain charme et un style défini, mais à cause de l'orage qui faisait rage dehors. Les lampes grésillaient et rendaient l'endroit quelque peu effrayant. Les éclairs, à travers la baie vitrée qui longeait un côté de la salle, le côté rue, illuminaient les tableaux accrochés aux murs, déformant leurs paysages et portraits. Devant toi se trouvait ton assiette pratiquement vide, ta serviette froissée, ton téléphone et ton verre d'eau à moitié plein. En face de toi, un homme dont le corps était présent mais dont l'esprit vagabondait au delà de son regard fixé sur un lampadaire de Londres, son menton posé sur sa main que son coude soutenait sur la table. Cet homme, c'était ton plus fidèle ami, ton bras droit, et celui pour qui tu te faisais un sang d'encre.
« Mika. Parle moi. »
Il ne bougea pas. Tu vis son torse soulever le pull bleu marine qu'il portait à mesure qu'il inspirait un futur soupire. Il décroisa les jambes pour les recroiser dans l'autre sens, mais son regard ne bougea pas d'un millimètre.
« Allez, dis quelque chose, merde! » Tu commenças à t'énerver, tes bras en l'air devant toi s'indignant en parallèle de ta voix. « T'as pas dit un seul mot de tout le repas, j'ai l'impression d'avoir dîné avec un mur. »
Il ferma les yeux, et les rouvrit en se remettant droit devant toi, croisant enfin ton regard. Tu levas les sourcils en penchant la tête, le questionnant sans un mot.
« C'est rien. » Dit-il enfin en retournant la tête vers la route mouillée.
Toute cette attente, ce self-contrôle dont tu avais fait preuve pour ne pas te lasser de la situation, pour récolter une pareille réponse te fit doucement perdre pieds.
« C'est rien. » Tu répétas en te laissant tomber sur le dossier de ta chaise, sentant la tension monter dans ton corps. « C'est rien. Bien. »
Il te lança un regard presque haineux une fraction de seconde avant de se reconcentrer sur le rien qui se passait dehors.
« Tu sais quoi ? C'est pas grave. Puisque c'est rien, je vais te laisser toi et ton reflet, vous avez l'air d'avoir beaucoup à échanger. » Tu fis en te levant d'un bond et commençant à rassembler tes affaires.
Mika bougea sur sa chaise.
« Sois pas comme ça... »
Tu ne répondis pas, les lèvres pincées. Tu en avais plus qu'assez de son comportement et par peur de t'énerver trop fort contre lui, tu préféras partir.
« S'il te plaît... » Souffla t-il en regardant tes mains s'affairer à ranger ton téléphone et tes mouchoirs dans ton sac.
Sa voix était douce, mais presque éteinte, comme s'il n'avait plus l'habitude de parler. Tu t'en allas au comptoir pour payer ta part du repas bien qu'il t'avait invité et sentis son regard suivre tes pas, avant de revenir prendre le parapluie que tu avais déposé. Enfin, tu remis la chaise en place et ne pris pas la peine de lui jeter un œil une dernière fois avant de sortir en trombe du restaurant. Tu ouvris ton parapluie et aperçus dans ta vision périphérique son regard posé sur toi de l'intérieur lorsque tu traversas la rue.
Il t'avait regardé jusqu'au dernier instant, dans l'angle du boulevard en face, l'air vide. Son cœur s'était serré, il haïssait ces situations au moins autant que toi et s'en voulait d'avoir agis de la sorte bien qu'il n'y pouvait rien. Il ne répondait plus de ses actes tant ses pensées l'abrutissaient. Plus sa peine et son mal-être s'agrandissaient, et moins il s'ouvrait à toi.
Cela faisait des semaines que son état se dégradait de jour en jour, sans que tu ne saches pourquoi. Au début, ce fut subtile, il sortait un peu moins, répondait un peu moins à tes messages. Et puis un jour, tu lui avais posé la question, la même qu'il reçu par la suite des dizaines de fois : qu'est-ce qui ne va pas ? Et chaque fois, c'était la même chose. Au début, il t'avait sourit et t'avait assuré qu'il n'y avait rien. Tu l'avais cru. Mais voyant que rien ne changeait, tu te permis de douter de son honnêteté, ce qui avait failli déclencher une dispute entre vous.
« Mika, arrête de me prendre pour une conne, je vois bien qu'un truc se passe. »
« Mais c'est rien je te dis, tu me crois pas ? »
« Non, permet moi de douter. Tes mots ont beau dire une chose, tes actes en prouvent une autre. »
« Tu me fais chier. » Avait-il susurré.
« Je me fais du soucis pour toi et tu me dis que je te fais chier ? »
Cette fois-là, tu avais pris sur toi et t'étais simplement éloignée de lui l'espace d'un jour. En te calmant, tu avais réussi à te persuader qu'au fond il n'avait besoin que d'un peu d'espace et de temps pour sortir de sa torpeur. Sauf que ce temps n'était toujours pas venu, et que tes inquiétudes se confirmèrent. Ton meilleur ami n'était pas simplement triste, il était entrain de tomber dans une déprime de plus en plus profonde sans aucune explication, et tu refusas de le laisser seul. Il était comme au second plan de lui-même, comme son propre fantôme, et pendant que d'autres tombaient dans le panneau de ses faux sourires, tu voyais clair en son jeu.
Peu à peu, il avait abandonné l'idée de cacher son état devant toi, mais refusait toujours autant de t'avouer la racine de ses problèmes ce qui avait pour don d'à la fois te mettre en colère mais aussi t'attrister infiniment. Lui qui t'avait toujours confié tout de sa vie, y comprit des choses dont il n'était pas fière, des histoires, mais aussi tout ce qui lui pesait sur le cœur, tu te sentais comme trahie, laissée dans l'incompréhension sans raison apparente.
Etait-ce si grave ? Avait-il fait quelque chose d'horrible ? Avais-tu fait, toi, quelque chose pour mériter d'être à l'écart ? Tu avais conscience que la plupart de tes questions n'étaient pas fondées et ne mèneraient à rien, et une fois de plus en rentrant chez toi, elles tourbillonnèrent dans ta tête.
Tu posas les clés de ton appartement et ta veste sur le canapé, enlevas tes chaussures et soupiras en tenant ton front avant de frotter l'arrête de ton nez entre ton pouce et ton index.
« C'est débile...Débile... » Tu te parlas à voix haute, comme si cela donnait un sens plus profond à tes pensées.
Tu décidas de te détendre et ne plus y penser un instant en prenant une bonne douche chaude et posas ton téléphone sur la table. En passant devant avec tes affaires pour te diriger vers la salle de bain, tu t'arrêtas, considérant de lui envoyer un message, mais tu abandonnas rapidement l'idée et trottas jusqu'à la douche.
Une fois sous le jet, tu laissas l'eau chaude et fumante couler sur ta peau rosie par le froid d'un mois d'avril Londonien, et effacer tes tourments en mettant ton esprit sur pause. Tu soupiras. Tu lavas tes cheveux, ton corps, en profitas pour te raser et une fois sortie appliquer un peu de crème. Cela faisait longtemps que tu ne t'étais pas pris un moment pour t'occuper de toi. Tu souris à ton reflet une fois sèche, la serviette dans tes cheveux tombant toute seule au sol. Après t'être limée les ongles, tu enfilas une culotte et un haut rapidement, et constatas avec bonheur que tu pouvais te balader sans avoir froid dans ton appartement chauffé, jusqu'à t'emmêler les pieds dans du linge qui traînait par terre.
« Putain, faudrait que je pense à ranger ce merdier. » Tu notas oralement en riant toute seule de ta semi chute.
Tu te baissas pour ramasser la chemise et les deux t-shirts en cause lorsqu'on sonna. Tu soupiras et balanças tes affaires avec ta veste sur le canapé, accentuant le « merdier » de ton sanctuaire avant d'aller ouvrir, oubliant totalement ton allure.
Tu fis pivoter la porte et affichas un air mi-horrifié, mi-moqueur, la bouche entrouverte. Mika se tenait devant toi, l'air penaud et hagard, trempé jusqu'aux os.
« Merde. J'ai gardé le parapluie, hein ? » Tu dis, et il hocha la tête.
Tu fis une moue désolée, la situation perdant soudainement toute son humour. Plus que comique, il te faisait surtout de la peine à dégouliner sur ton pallier, grelottant.
« Allez entre, reste pas là. »

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SECRET (version 100% française)
FanficA l'heure où sa carrière est au plus haut, Mika ne reflète pas la joie que cette situation devrait lui procurer, et ce pour une raison que tu ne comprends pas. Tu devrais pourtant le savoir, toi qui le connais par cœur, et tu comptes bien lui faire...