Sac

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Après l'assomant cour de Monsieur Durant, les imbéciles sont tous sortis de la classe.
Il ne restait que moi.
Et le con.

Je le connaissais depuis plus de 11 ans.

Deux petits paumés de trois ans dans une immense cour de recréation remplie de sauvages, l'un boudeur, l'autre consternée. La mère du premier avait oublié de lui mettre un goûter dans son sac et un imbécile miniature n'avait pas voulu lui prêter le sien. La seconde était simplement étonné qu'une pareille quantité de gens comme elle puissent exister. Une chose était sûre : elle ne voulait pas devenir comme tout le monde.  Elle décida donc de se démarquer. 
Elle remarqua le boudeur, s'avança dans sa direction :
"- Bonjour. Tu fait quoi ?
- Je boude. Vas-t'en." Pas très sympathique, celui-là. Elle tenta une autre approche :
"- Je veux pas être comme les autres.
- Fait comme tu veux. Moi je boude". Agacée, la petite saisit le sac du boudeur et partit en courant. Elle contourna un arbre, sauta par dessus une balançoire puis alla se percher au sommet d'une petite maisonette.
Le boudeur arriva au pied de cette dernière, essoufflé :
"-Rends-moi mon sac ! Il avait crié de toute ses forces.
- Hum... Je sais pas trop. Comment tu t'appeles ?
- J'te dirais pas. Il croisa ses bras sur sa poitrine et rentra sa petite tête dans ses épaules.
- Je t'appelerais Mulet. Fière d'elle, elle souriait d'un air narquois.
- Fait ce que tu veux. Mais rends moi mon sac, voleuse !
- Je ne  m'appele pas voleuse. Si tu veux ton sac, il faudra que tu trouves mon prénom. Il la dévisagea, perdu.
- Comment tu veux que je trouve ton prénom ? Aller, rends moi mon sac. 
- Pas question. Obstinée, la petite regardait le Mulet s'énerver.
- Bah si c'est comme sa, je vais chercher la maîtresse !
- Noa. Elle avait lâché le mot dans un soupir.
- Quoi Noa ? Elle s'appele Elodie, la maîtresse.
- C'est mon prénom imbécile de Mulet ! Tiens, ton sac. Noa descendit de son perchoir en un grand saut, puis atterrit devant le boudeur, à qui elle rendit le sac.
- Merci, Noa.
- De rien. Elle lui lança un paquet de biscuits. C'est mon goûter mais j'aime pas. Aller viens on va jouer."

Ce n'est que sept ans plus tard, alors que ma théorie des imbéciles était en pleine émergence, que son surnom définitif apparu : le con.
A l'époque, je croyais encore qu'il y avait plusieurs types d'imbéciles, plus ou moins méchants. Alors je les classait en trois catégories : les stupides, ceux qui ne se rendaient pas compte du mal qu'ils faisaient, les imbéciles classiques et les cons, ceux qui essaient de faire le minimum de dégâts autour d'eux sans se laisser faire pour autant. Le Mulet était un des rares cas que j'avais classé dans la catégorie "cons".

Quelques mois après, je me suis rendue compte que tout les imbéciles étaient pareils, au fond. A part le Mulet.
C'est le seul qui est resté con, et qui le seras tant que je serais en vie.

Moi, et les fousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant