Course poursuite

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Le Con se tenait devant moi,  immobile. Madame Durant était depuis longtemps sortie de la salle, nous laissant en tête à tête.
"- Bouge." J'avais jeté mon sac sur mon épaule et repoussé ma chaise.  Il était toujours immobile, ses stylos en bordel devant lui, une pile de cahiers, les yeux dans le vague.
Je lâchai un soupir et rangeais ses affaires dans l'Eatspack noir universel. Lorsque j'eus fini, je passais ma main devant ses yeux vairons bleu et noir qui fixaient un point indéfini. Aucune réaction.
Deuxième soupir.
Je me barrai en courant avec son cartable.
Un sac sur chaque épaules, je sortis de la salle, du bâtiment, du collège.

Dans le Boulevard Saint Martin, deux ados. Comme au premier jour, l'un poursuivant l'autre, ils riaient aux grands éclats. Les piétons se retournaient lors de leur passage, les dévisageaient avec la moue propre aux imbéciles qui ne supportent pas la différence.
La course-poursuite continua jusqu'à l'immeuble rue du Ponant, grand bâtiment d'HLM.

Essoufflée, je m'arrêtai enfin de courrir. Deux enjambées et le Con était à côté de moi. Nous n'avions pas cessé de rire, encore et encore, comme deux tarés échappés de l'asile psychatrique.
Enfin, alors que mon rythme cardiaque ralentissait, j'inspirai  un grand cou et sorti mon badge pour ouvrir la lourde porte qui bloquait l'accès au local d'entrée de l'immeuble. Le Con s'exclama :
"- Putain Noa j'avais oublié que tu courais comme une gazelle ! Sérieusement, inscrit toi à l'athlé.
- Tu rêve mec. On monte ?
- Nan me dit pas que l'ascenseur est encore en panne ???
- Si... Le premier en haut !
- S'pèce de gamine !"
J'empreintais les escaliers à toute vitesse après avoir laissé tomber le sac du Con. Il le ramassa en un éclair et se lança à ma poursuite, ses basket décathlon rebondissant sur les marches de basse qualité. Nous habitions tout les deux au dernier étage, le 9ème. Alors que j'arrivais au palier du 6ème, le Con me rattrapa pour ensuite me dépasser. "T'as trop cru t'allais gagner toi !!!" Je recommençais à monter le plus vite que mes pauvres jambes brûlantes me le permettaient. 7ème, il a encore 5 marches d'avance. 8ème, plus que 2. Au dernier moment, alors qu'il franchissait la dernière marche de notre longue ascension, je me jettai en avant et atterri en même temps que lui, puis m'écroulais dans ses bras, le souffle court.
"- Égalité. Pffff j'en peux plus. Il avait parlé tout doucement ; lui aussi était au bou de sa vie.
- Je vais appeler le service de maintenance de l'ascenseur.
- Bonne idée. On se voit après mangé ?
- Oép. A tout' !
- A tout'." Il ouvrit la porte blindée après avoir déverrouillé 5 serrure puis disparu dans le couloir blanc et ocre qui conduisait à son salon. Pour ma pars, je poussais la frêle porte d'entrée qui ne fermait plus depuis longtemps. Alors, parmi de nombreux cris d'enfants éxcités, une voix grave retentit:
"- Ah ! Voilà la vermine. Entre ma chérie, j'ai quelque chose à te dire."

Moi, et les fousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant