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— Au fait, moi c'est Barral. Et toi ? demande-t-il à Bella, le souffle le court.

Elle lui répond alors qu'ils avancent le long des champs aux étendues immenses auxquels Sol s'est désormais habitué à voir. Le soleil est sur le point de se coucher. Le chemin s'élargit au fur et à mesure qu'ils avancent péniblement, le relief étant très vallonné dans cette région. Un village avec un nombres assez conséquent de maisons se dresse dans la petite vallée en contrebas. Des lumières, très faibles mais discernables, sont aperçues au loin. La capitale pense Sol avec effroi. Ils savent qu'ils n'ont pas beaucoup progressé mais cette proximité avec Vetusturbei les inquiètent énormément.

Barral habite une des maisons les plus grandes de la petite ville. Le style architectural est plus rustre que celui de la capitale mais reste néanmoins très différent de ce que Sol a pu apercevoir dans la Province de la Montagne. Le garçon au teint halé les fait entrer. Son père n'a encore rien dit depuis et Sol le sent très distant. Ils sont accueillis par de nombreux enfants qui les regardent comme s'ils étaient des bêtes de foire. Barral est fier de les présenter à ce que Sol imagine être sa fratrie.

Une femme assez bien portante arrive alors et les salue. Elle les invite à manger et tous se jettent sur la nourriture avec avidité. C'est la première fois que Sol et Bella savourent et profitent de l'instant présent depuis bien longtemps. Sol pense de moins en moins à sa famille mais dès que l'idée de ne jamais les revoir lui vient à l'esprit, il fait de son mieux pour la chasser.

Barral, accompagné de sa mère, emmène Sol et Bella dans leurs chambres respectives. Sol dort dans la même chambre que le garçon tandis que Bella se repose dans la chambre des deux petites soeurs de Barral. Sol est certain qu'à cet instant même, Bella pense à sa propre soeur, qu'elle a revu si brièvement. Elle doit être horrifiée en repensant à la brutalité de leur séparation au Temple.

Sol s'endort assez rapidement et au réveil, il s'active pour aider la petite famille. Ensuite, le reste de la matinée, il se retire avec Bella afin de mettre un plan à exécution, en vain. Bella a proposé à maintes reprises de retourner à Elemons, chez sa tante. Sol refuse car il pense que c'est trop dangereux. Ils s'attendent à ce que l'on vienne. S'ils ont pu nous trouver dans la capitale, c'est qu'ils sont bien informés, trop bien informés...

— Il faut les surprendre, aller là où ils ne penseront pas que nous sommes, reprit Sol alors qu'ils ont terminé leur repas de midi et qu'ils retournent à leur discussion sérieuse. As-tu des idées d'endroit?

— Je pense qu'il faut se baser sur la prophétie. C'est le seul moyen d'avancer désormais. Sol perçoit la tristesse dans la voix de Bella, et se sent responsable de son chagrin.

Il est vrai que chaque mot, virgule et point de la prophétie le tourmente incessamment, tel un chat qui n'abandonnerait pour rien au monde sa proie. Dès qu'ils ont quittés la capitale, il s'est empressé de noter les paroles sibyllines de Lozère et mise tout sur ces quelques phrases qu'ils trouvent encore maintenant aussi mystérieuses qu'à la première lecture. Il espère que l'Empereur n'en n'a pas pris conscience. Car lors de l'attaque du Grand Temple, il se souvient avoir laissé le bout de parchemin. Quel idiot il a été.


— Ta mère est voyante, tu ne pourrais pas m'aider à déchiffrer ce merdier ! dit-il alors qu'ils relisent maintes et maintes fois la prophétie sans trouver une signification possible aux vers mystérieux.

Il regrette aussitôt de s'être emporté si brusquement envers Bella. Elle essaye de cacher les larmes qui lui viennent.

— Désolé, s'excuse-t-il. Je pense qu'on est un peu tous au bord de la crise de nerf.

Elle ne répond rien directement. Mais, une fois calmée, elle dit:

— Seul la voyante qui voit la chose peut l'interpréter. Il y a bien des personnes qui peuvent interpréter une prophétie qui n'est pas la leur mais ce don est terriblement rare et il nous est impossible de trouver un telle personne.

La journée s'achève donc sur cette note qui les rend plutôt irritables. Ils essayent tout de même de rester le plus polis possibles envers leurs hôtes, conscients de l'aide qu'ils leur fournissent.

Cette nuit là, Sol dort mal. Ses proches ainsi que Bella et Lozère flotte dans son inconscient, là, à côté de lui. Puis, les soldats aux crânes rasés font leur apparition, sans aucun bruit.

Sol se réveille en sursaut. Il observe la chambre environnante, calme bien que bercée par le rythme régulier des ronflements de Barral ne dormant pas loin de là.

Le contact avec Bella semble s'être améliorer au matin, alors qu'il la salue. Barral, comme à son habitude rayonne et ne grogne pas lorsque vient le moment d'aller travailler aux champs. Il aide son père , tout comme ses grands frères, dans les travaux d'agriculture qui permet à la famille de manger à sa fin. Une fois par mois, toute la famille se déplace à la capitale et même à Elemons pour vendre leurs produits aux marchés. Je les ai peut - être rencontrés là-bas, qui sait ?.

Peu à peu, la monotonie des journées toutes semblables aux autres emportent Bella et Sol, qui se sentent peu à peu inutiles et même encombrants pour la famille qui ne fait bien sûr aucune remarque quant à leur présence au sein du foyer. Sol sent cependant le visage sérieux du père de Barral se poser sur eux à chaque repas du soir, comme pour leur rappeler le travail qu'il fournit avec ses enfants pendant qu'ils restent là à établir des plans qui n'aboutissent à rien.

Un soir, alors qu'ils vont se séparer pour aller dormir dans leurs chambres respectives, Bella lâche:

— On doit partir. Ce que l'on a prévu à la base ne sert plus à rien. On ne sait toujours pas où aller et on ne le sauras toujours pas en restant cloîtrés ici.

— Tu as raison, répond Sol.

Les journées passées ici lui ont presque fait oublié sa mission pourtant si importante. Son séjour avait réduit la gravité de sa quête qu'à une simple blague. Il doit se ressaisir vite et il heureux de compter sur Bella, qu'il ne remercie pas assez.

— J'annoncerais notre départ demain et nous partirons ensuite. Sois sûr de prendre toutes des affaires.

Facile, j'ai rien à emporter si ce n'est qu'un bout de parchemin contenant le destin de l'île entière.

L'Ile aux DragonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant