Chapitre 2

33 1 0
                                    

Il avait les cheveux courts, ses dreadlocks encore en formation et son visage juvénile laissaient penser qu'il sortait tout droit de l'adolescence, et qu'il entrait tout juste à l'âge adulte. Moi au contraire je paraissais plus mature que mon âge. 12 ans à l'époque on m'en donnait 15. Il faut dire que malgré ma petite taille j'avais déjà une corpulence développée. Mais je m'en fichais, je n'étais pas du genre à chercher les regards par ce genre d'atouts, bien au contraire. Mes traits prononcés et ma carrure plutôt forte et athlétique me donnaient le look d'un garçon manqué. Lui, à l'inverse, avait le visage fin, était mince, grand, clair de peau (et imberbe !). C'est pour ça que quand il s'approcha de moi, il ne m'effraya point. Je pouvais le frapper, je pouvais me défendre, mais certainement pas m'enfuir. Car il était encore en position de force, et habitué à ce genre de situation.
- Ne t'inquiète pas, Kim. Je ne suis pas là pour te faire du mal, au contraire ! commença-t-il.
- Qui êtes vous ?
Il se mit à réfléchir puis reprit :
- Pour le moment ça n'a pas d'importance. Tu sauras ça plus tard.
Il fit un pas vers moi.
- Ne vous approchez pas !
Il faisait nuit et je marchais à reculons tandis qu'il s'avançait vers moi. Ne voyant pas où j'allais, mon pied heurta une grosse pierre, et je trébuchai avant de tomber sur les fesses.
- Tu t'es fais mal ?
Il me tendit la main.
- Non. Laissez moi.
- Je suis désolé, je ne peux pas. Tu dois venir avec moi.
Il se pencha vers moi. Devais-je lui faire un croche pied ? Non ma cheville ne me le permettait pas. Je ne pouvais même pas courir. Il ne me restait qu'une solution :

- LEX !!! LEX !!!

Je ne sais comment, mais il réussi à me kidnapper et à m'enfermer dans cette cellule qui fit l'objet de mes cauchemars et de mes fièvres des nuits entières. Je voulais Lex. Je voulais maman, papa et Machin-Chouette, ma peluche. J'avais douze ans, mais à ce moment là, j'en avais six, et une trouille pas possible.
Je venais tout juste de me réveiller dans cette cellule grise et froide mais j'aurais préféré que ce soit un rêve. Un crissement de porte se fit entendre :

PDV de Reese

Cela faisait déjà un moment qu'elle était avec nous. Il fallait bien lancer la machine ! Pas à pas, nous avions franchis certaines étapes à commencer par la confiance. J'avais réussi à lui faire comprendre que personne ne lui voulait de mal ici et même si je la sentais encore un peu hargneuse, elle avait commencé à me tutoyer... bon début. Très bon début.
Ce soir là, je devais passer à l'étape supérieure qui consistait à tout lui expliquer. Pas facile mais nécessaire, donc je pris mon courage à deux mains.
Son visage était décomposé, ses lèvres tremblantes déjà mouillées par les larmes, comme cela arrivait souvent. Mais je devais le faire ! Personne ne l'aurait fait sinon ! Je pris une grande inspiration.

- Kim-Loan ?
- Je veux rentrer à la maison, laissez moi partir !
Je sentais une tension, un combat en elle même pour ne pas devenir folle. Je lui répondis doucement :
- Je suis désolée Kim. Je ne peux pas te laisser partir.
- Pourquoi ? Pourquoi ? Mes parents... C'est de l'argent que vous voulez ?
- Ca n'a rien à voir, c'est beaucoup plus compliqué... Tu dois savoir la vérité à propos de ta famille.
- Quoi ma famille ?
- Ils...
Je sentais l'impatience s'emparer d'elle . Ça la consumait et moi aussi car je ne savais pas où trouver les mots pour faire s'effondrer son petit monde parfait.
- Disons qu'ils ne sont pas ta famille... Enfin pas vraiment...
Elle me fixa pendant quelques secondes sans rien dire, puis fronça les sourcils.
- C'est une blague, pas vrai ? Si c'est une blague, elle est de très mauvais goût-
Une blague ? Mais qui était elle pour croire que c'était une blague ? J'avais eu toutes les difficultés du monde pour lui avouer ce qu'elle ne savait pas de son passé, et j'en aurais encore eu besoin pour lui dévoiler ce qu'elle saurait bientôt de son futur, et elle, elle débarquait avec son argument de blague ???
- Bordel, Kim ! Je rigole pas ! Tu crois que j'ai le temps de jouer avec les gens ???
Ses yeux s'écarquillèrent sous l'effet de la surprise. Moi qui avais toujours gardé mon sang froid, venais d'élever la voix, agacé. Oui bah écoute... Faut pas pousser!😒
- Quoi ? M-mais... Je ne comprends pas...
Elle porta une main à sa poitrine, en signe de désespoir, comme quand on vient de voir un chaton écrasé.
- Comme la plupart des gens ici, je sais que tes parents sont scientifiques spécialisés dans la biologie humaine. Mais contrairement à cette majorité de personnes j'en sais plus sur leurs motivations, sur leurs expériences, et sur ta vie en parallèle. Il y a peu de temps, j'ai appris que tu n'étais pas vraiment leur fille. Ils t'ont crée, Kim. Ils t'ont conçu, tu es le sujet de l'expérience XY.
Je fis une pause. Je devais y aller doucement. Elle devait probablement me prendre pour un fou, et se dire que ce n'était qu'un mauvais rêve duquel elle se réveillerait bientôt. J'aurais aimé moi aussi.
-Je suis un... Un sorte d'automate ? Ou un type d'humanoïde modifié ?
- Tu es un clone.
Elle se figea un moment, les yeux dans le vide.
- Mais non, souffla-t-elle sans revenir au monde réel. Clone ? De qui ? Pour quoi faire ?
- De Lex. Il y a 13 ans tes parents ont commencé à travailler sur une expérience appelée l'expérience XY. L'expérience consistait à cloner un être humain du genre opposé. C'est-à-dire, que le clone d'un homme serait une femme et inversement. Un peu comme des jumeaux. Ils avaient déjà effectué plusieurs tests sur des volontaires mais sans résultat. Ils étaient à cours d'idées, mais ne voulaient pas lâcher l'affaire. Pour une raison que j'ignore encore. Au même moment, ta mère découvrit qu'elle était enceinte. Ils eurent alors l'idée, de cloner cet enfant, Lex. Ils savaient que l'expérience ne serait pas dangereuse pour l'enfant biologique étant donné qu'elle consistait au prélèvement de quelques molécules d'ADN. Le clone cependant naitrait dans une sorte de couveuse, ou d'incubateur. Et miraculeusement cette expérience fonctionna. C'est ainsi que tu vins au monde, dans l'ignorance que ton frère jumeau n'était pas vraiment ton frère jumeau, que tes parents n'étaient pas tout à fait tes parents, et que ta vie, il te l'avaient accordé. Qu'ils t'avaient tout accordé, sauf le droit de savoir la vérité sur qui tu es vraiment. Je ne connais pas vraiment le but de cette expérience, je pense qu'ils voulaient savoir premièrement si c'était possible de cloner quelqu'un dans le genre opposé, et de voir comment cette personne se développerait et s'épanouirait dans le monde qui l'entoure. Ils t'ont donc pris sous leurs ailes, afin de ne pas éveiller les soupçons. Et ça a fonctionné ! Mais aujourd'hui je sais que tu es assez grande pour comprendre ce genre de choses. Que tu es assez grande, et surtout que tu as assez mariné dans leur mensonge tout fait.

Durant tout le discours, elle ne disais rien. Elle avait gardé la même position un peu désolée, les yeux dans le vide, les mains inertes. Elle me paraissait comme un corps, qui venant de recevoir une balle en plein cœur, regardait sa vie défiler sous ses yeux une dernière fois avant de s'écrouler au sol. Dis quelque chose ... 😕
Rien.
Bouge au moins ! Dis quelque chose ! Regarde moi!😰
Rien.
- Kim ? osais-je enfin.
Une larme roula sur sa joue et finit sa chute sur l'épaule de son tee shirt. À ce moment là, je sus qu'il n'y avait rien à dire. Il n'y a rien à dire quand un monde s'écroule, quand le ciel nous tombe dessus. Quand on apprend ce genre de choses. Je n'osais pas imaginer son état psychologique. Son expression vide et ahurie me suffisait. Enfin, sans bouger le moins du monde, ses yeux flous de sanglots changèrent frénétiquement de direction me fixèrent. Je n'eus pas le courage, et détournai le regard.

PDV de Kim-Loan.

C'était une gradation. Une descente aux enfers.
Au début ma vie me convenait si bien que je n'espérais ni plus ni moins. J'avais des parents aimants, un frère jumeau auquel je tenais énormément, je voyageais, je vivais à Monaco dans une grande maison, j'avais tout ( ou presque tout ce que je voulais ), j'étais heureuse. Mon école, mes amis, mes grands-parents, mon environnement étaient enviables et je le savais. Pourtant je m'efforcerais de rester simple, j'étais reconnaissante envers qui voulait l'entendre de tout ce que j'avais, et de tout ce que je n'avais pas encore. Car mes parents m'avaient promis à un bel avenir, m'avaient inscrit dans une bonne école, et mettaient tout en place pour que je progresse le plus vite et le mieux possible. Le tableau parfait de la famille parfaite. De plus, mes parents étaient très reconnus, car étant scientifiques de renom, travaillant dans la recherche de la biologie humaine, notre famille ne passait pas inaperçue. Les réceptions, les galas, les voyages d'affaire et les rencontres avec de grandes personnalités, des figures emblématiques de notre époque sans parler des privilèges et de tout le respect que l'on m'accordait mais que je ne comprenais pas toujours. Un jour, enfin, un soir, un jeune homme est venu me l'enlever en m'octroyant le droit de savoir que toute ma vie n'était que carton et papier mâché.
- Un clone ? Je suis un clone ?
Je ne pouvais pas m'arrêter de pleurer. L'impression que je n'étais que le pâle reflet de quelqu'un, une copie conforme, de la contrefaçon, avait enlevé en moi toute trace d'identité. Oui c'est vrai j'avais un jumeau, mais j'étais encore "moi". Mais plus maintenant apparement. Je n'étais plus moi mais le deuxième "moi" d'un autre "moi". Je n'étais plus Kim-Loan, mais le deuxième Lex de Lex lui-même. En fait, je n'étais plus personne.
- Mais... Je suis bien quelqu'un ... Je pense, je ris, je pleure ! J'ai mal !
- Le fait d'être un clone ne change rien au fait que tu puisses ressentir des émotions humaines, faire tes propres choix, avoir ta propre personnalité. Tu es juste... (je sentais qu'il avait du mal à finir sa phrase).
- Je suis juste quelqu'un issu de quelqu'un d'autre , c'est ça ? Un bout de Lex autonome !  Une création ! Bah oui je suis inventée !
- J'ai pas dis ça...
- Évidemment que t'as pas dis ça ! Ce serait trop moche de me balancer ça à la figure après m'avoir kidnappé et fais voler ma vie comme un château de cartes fragile ! Mais toi ! Qui es tu ? Parce qu'au fond je ne sais toujours pas ! Et tu dis ne pas vouloir me faire de mal ???
-  Je m'appelle Reese. Reese Cross. J'appartiens à une organisation qui combat ce type de clonage illégal.
- Parce qu'en plus je ne suis même pas légale ?
Il passa une main sur sa nuque, gêné, mais ne répondit pas. Mais c'était déjà une réponse pour moi. Il poursuivit :
- Ca va aller, Kim. On peut les battre ensemble, tu verras !
Battre qui ? Mes propres parents ? 🙁
- Tu ne peux pas comprendre ce que je ressens ! Je veux être seule !
- D'accord...
Il s'éloigna un peu triste.
- Attends... Lex... Est au courant de ça ?
- Je ne crois pas, non.
Il hésita sur le pas de la porte avant de la refermer derrière lui.
Je me retrouvais sans repères avec seulement mes yeux pour pleurer.

L'expérience XYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant