CHAPITRE 3

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  La porte par laquelle Anna entrait chaque jour était close. J'avais tenté de l'ouvrir dans la nuit, en vain. Elle ne s'ouvrait que dans un sens. Il ne me reste alors que deux solutions. Soit détourner l'attention de l'infirmière et passer par la porte. Soit essayer de trouver une issue en passant par le parc.

  La deuxième solution me paraissait plus adéquate à la situation. Et les probabilités de réussite plus grandes.

  Après le passage d'Anna en début de matinée, je me faufilais dehors. Les plantes étaient toujours aussi colorées que le premier jour où je les ai vues. Je ne savais même pas à quelle saison de l'année nous étions, ni même la date d'aujourd'hui. Il faudrait que je m'informe un peu plus.

  Je parcourus les allées d'un pas lent, aux aguets. Une légère brise flottait dans l'air. Quelques oiseaux chantaient ici et là, formant une mélodie paisible. Je n'étais sûrement pas le seul à pouvoir accéder à ce parc, ni même le seul patient de cet étrange hôpital.

  Tout à coup, j'aperçus une baie vitrée. Une que je n'avais jamais vue auparavant. Elle s'ouvrait sur une chambre similaire à la mienne. Cette dernière était vide. Et ouverte.

  J'entrai. Le lit était soigneusement dressé, comme à l'attente d'un nouveau venu. Je décidais de tenter ma chance avec la porte qui mène à un lieu qui m'est encore inconnu. Avec grand étonnement, la porte s'ouvrit ! Elle donnait sur un couloir obscur, tout en longueur. Une faible lueur illuminait les lieux et me laissait découvrir une série de portes toutes identiques.

  Au bout de cette allée reposait un bureau. Celui-ci était couvert de paperasse, dont de nombreux journaux. J'en pris un et lus à voix haute le titre de la une. « Disparus. » L'intrigue me poussa à lire l'article.

  « Une famille envolée. Julien et son frère Hugo sont portés disparus depuis aujourd'hui 3 semaines tandis que leurs parents sont introuvables depuis 1 mois. La police mène son enquête sur les raisons qui auraient pu pousser la famille à disparaître. Leur logis a été fouillé mais aucun indice n'a été relevé. La police pense que les parents et le frère aîné de la famille sont morts, ce qui impliquerait plus qu'une seule disparition : celle de Julien, 16 ans. »

  Le texte est court. Aucune image n'accompagnait ce dernier.

  La panique me submergea soudainement. Mais que s'était-il passé ? Pour le savoir, il me faudra sortir de ce lieu. Et très rapidement.

  Je déposai le journal à sa place puis relevai la tête pour découvrir un peu mieux l'endroit. Cachée derrière un muret, une porte avec un écriteau « Sortie de Secours ».

  Tout d'un coup, j'eus une idée. Faire un plan d'évasion. En cherchant un peu, je trouvai une feuille vierge et un stylo. Je dessinai ma chambre puis le parc, la chambre vide, le couloir jusqu'à la porte de sortie. Ensuite, je traçai le chemin à prendre pour s'y rendre au plus vite. C'était une question de jours avant que ma tentative de fuite n'échoue.

  Une fois de retour dans ma chambre, j'achevai la préparation du plan en fixant l'heure à laquelle je m'échapperai mais aussi un plan de secours au cas où j'échouerais. Certes, il aurait été possible que je fuis dès que j'eus découvert cette porte mais cela aurait été trop facile. De plus, partir à l'improviste ne me semblait guère une bonne idée.

  Peu de temps après, la fatigue m'entraîna dans les bras de Morphée. Des rêves. Ils étaient présents chaque nuit, me montraient des passages de ma vie antérieure que je ne saurais décrire. Rapides, courts, brefs. Ils ont le mérite de me troubler pendant plusieurs minutes. Une fois je me vois, assis face à une table, lors d'un repas ; l'autre, marchant dans la rue, avec une destination précise. Cette nuit-là, ce fut une tout autre situation. Il me semblait être assis sur un banc dans ce qui paraît être une cour d'école. Une personne était assise à ma droite, je ne pouvais distinguer son visage. Mais il ne s'agissait pas de l'élément le plus important. Étrangement, mon regard était dirigé vers une silhouette plutôt éloignée mais surtout féminine. Je pouvais distinguer une chevelure brune voletant dans la légère brise. Tout comme mon compagnon de droite, son visage était indistinct.

  Soudain, la porte de ma chambre s'ouvrit. Anna entra, un plateau dans les mains. Après l'avoir déposé sur le lit, elle referma la porte.

  Le plateau comportait très peu d'aliments : un pot de yaourt nature, une pomme et la moitié d'un verre de jus d'orange. Autant dire que la faim me tenaillait à peine une heure après chaque repas.

  Je profitai de cette journée pour me reposer autant que possible car il me faudra être en forme pour la nuit. Nul ne sait quand je pourrai de nouveau fermer l'œil alors vaudrait mieux être prudent.

  Je ne comprenais pas pourquoi on m'avait caché de telles révélations. Ma famille entière est portée disparue et recherchée par les autorités ! La situation dans laquelle j'étais était plus qu'étrange. J'ai bien peur qu'apprendre les réponses à mes questions serait pire que rester dans l'ignorance...

  Le soir venu, une fois mon maigre repas avalé, je rassemblai le peu d'affaires que je possédais dans un sac à dos trouvé sous mon matelas. Ayant du temps à revendre, j'avais fouillé chaque recoin de ma chambre et n'y avait trouvé rien d'autre que ce sac noir. Le noir était la couleur idéale pour passer inaperçu.

  Lorsque la lumière de ma chambre s'éteignit automatiquement, j'ouvris dans le plus grand des silences la baie vitrée. Une fois dans le parc, je la refermais doucement. Ensuite, je jetai un coup d'œil à mon itinéraire papier une dernière fois, le chemin bien ancré dans ma mémoire.

  Quelques minutes plus tard, je me trouvai dans cette chambre vide. Je pris le couloir et le parcourus pour arriver devant la porte de sortie. Un dernier regard sur ce lieu, épuré et mystérieux. D'un geste rapide et efficace, je poussai la porte.

  J'avais réussi. La liberté était de nouveau de mon côté.

Cold Silence [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant