Maman

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Mon tant regretté frère,

Je t'écris ma troisième lettre depuis que tu nous as quitté. Cela fait maintenant 7 ans. Mais je me souviens de ce jour comme si c'était hier. Ça a beau faire bientôt une décennie mais la douleur est toujours là. Je suis heureux mais il me manque une partie de moi, en y repensant je me sens coupable par rapport à ma femme et à notre fils. Coupable de ne pas me sentir complet en leur présence, j'en ai parlé avec elle. Elle m'a regardé, a posé délicatement sa main sur ma joue, m'a souri tendrement et m'a dit que j'étais stupide. T'aurais dû voir ma tête se décomposer. Elle a éclaté de rire, tu sais ce genre de rire qui te transporte, qui te fait te sentir bien. Elle m'a dit que c'était normal, qu'elle comprenait et qu'il ne fallait pas que je culpabilise, que ça ne voulait pas dire que je ne les aimais pas mais juste que je t'aimais trop. Elle a toujours su trouver les mots pour me requinquer, pour me remonter le moral. Elle était devenue un des piliers qui me maintenait debout.

Il y a des moments, des moments comme notre anniversaire, noël, toutes nos fêtes de familles où ta présence manque cruellement. Oh évidement tu me manques tous les jours, à chaque instant. Il n'y a pas un moment où mes pensées ne me ramènent pas à toi. A l'énonciation de ton nom, à la naissance de quelqu'un, à un mariage, tous ces moments auquel tu aurais dû assister et où tu n'es pas. Mais le plus dur, c'est le regard de maman. Son regard quand il se pose sur moi, je sais bien que quand elle me regarde c'est toi qu'elle voit. Et ses yeux deviennent alors humides, exprimant une profonde tristesse. Et alors je m'en veux. Je m'en veux de lui infliger une telle tristesse à chaque visite. Je m'en veux de lui balancer ta mort, ton absence à chaque fois qu'elle pose ses yeux bleus sur moi. Je m'en veux tout simplement de la faire souffrir alors que la chose que je souhaite c'est de la voir heureuse, de la voir sourire. J'avais décidé de m'éloigner d'elle pour atténuer sa souffrance, mais ça a été ma pire erreur et je ne l'ai compris que bien plus tard. Cela faisait plus de deux mois que j'évitai maman, ça me tordait de douleur mais je me rappelai que je faisais ça pour elle. Ma femme n'a pas bien compris pourquoi je faisais ça mais elle n'a rien dit, elle ne m'a pas contredit. Deux mois que je prétextai des rendez-vous fictives, où que le petit était malade, deux mois qu'à contre cœur j'évitai la personne qui avait la première place dans mon cœur. Un jour alors que j'avais encore refusé d'aller diner chez maman et que je préparais le repas, un crac se fit entendre à l'extérieur de la maison. Réflexe oblige : j'ai attrapé vivement ma baguette. Puis j'ai vu maman arriver, les cheveux décoiffé, vêtu de son peignoir, les yeux bouffis et rouge. Je me souviens d'avoir accouru à ses côtes, de lui avoir demandé ce qu'il n'allait pas. Je me souviens encore aujourd'hui de sa réponse, trois ans après. « Toi » qu'elle m'a dit. Après ta mort, ce fut la douleur la plus violente que j'ai pu ressentir. C'est à ce moment-là que j'ai compris qu'au lieu de la rendre heureuse, j'étais en train de la détruire. Alors que je cherchais à la rendre heureuse, je faisais la pire chose qu'un enfant puisse faire à sa mère : la rejeter. La douleur me tenaillait l'estomac au moment où j'en ai pris conscience, je l'ai serrais fort dans mes bras, me suis excusé et ne l'ai plus jamais tenu éloigné de moi.

Ta mort a laissé beaucoup de séquelles dans notre famille, on essaye de les réparer mais avec le temps et surtout beaucoup d'amour on y arrive petit à petit.

On t'aime, Je t'aime.


Lettres à mon frèreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant