Douce psychopathie

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C'était bon, oui, si prodigieux, envoûtant, calmant, exaltant. Elle avait le don de me rendre fou. De me posséder entièrement.

Chaque goutte versée n'était que jouissance. Ce liquide carmin, coulant délicieusement de sa bouche entrouverte à son cou ? Un pur délice.

Oh et ses petits yeux écarquillés dans la peur et la douleur. La crainte de la mort, voilà ce que je lisais dans son regard. Ses cheveux collaient contre les briques humidifiées par le sang et la sueur, sans compter l'odeur d'urine dispersée autour de nous. Si je ne me dépêchais pas, ma compagne risquait elle aussi de se lâcher ce qui gâcherait le tableau enchanteur de l'endroit. Un soupir de bonheur m'échappa tandis que la femme à mes pieds pleurait toutes les larmes de son corps, me suppliant de la laisser partir, qu'elle ne dirait rien à personne. Pathétique. Ses prièrent ne faisaient qu'augmenter ce sentiment de puissance en moi, de force, oui, j'étais invincible.

Je tenais leurs vies entre mes mains. Et quand leurs cœurs battaient à tout rompre, que leur bouche s'ouvrait avec désespérance, que des perles salées roulaient sur leurs joues et que la brillance autrefois présente dans leurs iris disparaissait avec lenteur pour laisser place à la noirceur qui floutait leur vision, laissant la mort les emporter avec alanguissement, je me sentais immortel. Je choisissais mes victimes et possédais le choix de vie ou de mort sur eux. J'étais tout simplement un dieu, aucun être faible ne pouvait m'atteindre, même la "justice" se prosternait face à moi. Mais contrairement à ce que beaucoup pensaient, je n'étais pas un monstre mais un artiste et j'étais fier de mes œuvres, chacune d'entre elles était unique et exceptionnelle. Tuer était pour moi comme une forte envie de chocolat n'importe qui l'aurait comblée sans problème, alors pourquoi pas moi ?

Mes exploits avaient rapidement fait le tour de mon pays, à tel point que tous me connaissaient sous le nom de "Grim Reaper" se traduisant en dieu de la mort, car oui, je côtoyais le dieu psychopompe de près, je tuais et lui prenait les âmes de mes victimes. Ainsi toute personne tombant sous mon jugement était sur du résultat.

Une nouvelle tirade de jérémiades échappa à ma nouvelle muse. Agacé par ses paroles, je claquai violement sa tête sur le mur sur lequel elle était appuyée, une fois, deux fois, trois fois et je ne comptais pas m'arrêter en si bon chemin. Son visage était absolument méconnaissable, des bouts de cervelle coulaient doucement mélangés avec le sang et le liquide lacrymal de ma peinture. La moitié de son visage s'était retrouvé broyé par mes coups. C'était la trente-cinquième.

Un souffle fragile quitta la barrière de mes lèvres pour s'évaporer en petit nuage blanc dans la nuit calme et apaisante. La lune, elle, était ma plus grande amie, elle ne me trahissait jamais et lorsque le dernier souffle de vie s'échappait de la bouche de mes victimes, elle se mettait à briller d'une lumière aveuglante presque rougeoyante, comme ci elle profitait du spectacle. Qu'elle soit pleine ou non elle était là, avec moi. Je sortis un chiffon rouge et essuyai le sang qui cumulait à présent mes gants. L'air frais qui frappait mon visage, m'aidait à calmer l'adrénaline qui coulait encore démesurément dans mes veines. J'entrepris de marcher avec lenteur jusqu'à chez moi profitant du calme plat si rare en cette période de fêtes. Pas d'enfants courant et criant partout, pas d'adultes stressés et à bout par leurs tâches quotidiennes, juste le silence, même les voix s'en étaient allées. L'un des rares moments de répit et de calme que je possédais et chérissais. J'arrivai assez rapidement à ma petite demeure exacte aux autres lotissements alentours, c'est-à-dire confortable et accueillant. Par terre certaines affaires traînaient négligemment, attendant que je les ramasse depuis une éternité. Je retirai machinalement mes vêtements imbibés du fluide de vie de mon nouveau chef d'œuvre et les jetai dans la machine à laver. Lessive, assouplissant et celle-ci se mit à ronronner gentiment. Je fis glisser le rideau de douche et tournai le robinet, laissant ainsi l'eau couler avec douceur sur mon corps endoloris, retraçant mes faibles muscles, couvrant les petites larmes qui roulaient sur mes joues.

DifférenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant