Une vieille femme vivait toute seule dans une grande maison en pleine campagne. La sombre forêt qui entourait sa demeure rendait l'endroit silencieux et paisible. Un peu trop paisible pour cette femme qui, souhaitant se rassurer et avoir de la compagnie, avait récemment adopté un chien, qui devint très vite un compagnon affectueux et fidèle.C'était la nuit qu'elle redoutait le plus : l'inquiétant moment de son coucher et de celui du soleil était le pire de sa journée. Quand le voile étoilé recouvrait le ciel juste après son dîner, la vieille dame se rendait craintive dans sa chambre, et se réveillait toutes les heures. Elle avait cependant trouvé une parade tranquillisante à cette peur irraisonnée : avant de s'endormir ou de se rendormir, elle laissait glisser sa main le long du matelas pour permettre à son chien, couché à ses côtés, de la lui lécher, prouvant ainsi sa présence et assurant la sécurité de sa maîtresse.
Une nuit, alors qu'elle s'apprêtait à aller se coucher, elle ressentit une présence inhabituelle. Ayant pour coutume de se faire des frayeurs, elle essaya de ne pas en tenir compte et s'allongea dans son lit, tendant la main pour sentir la langue du chien sur ses doigts. Rassurée du geste d'affection de son animal, elle ferma les yeux et s'endormit. Mais un petit bruit régulier vint interrompre son sommeil. Elle crut reconnaître le son de gouttes d'eau qui tombent dans la baignoire. Elle se leva et alla couper le robinet de la salle de bain. Une fois l'eau économisée, elle entendit un bruit suspect et jeta un œil dans sa chambre. Personne. Juste le bruit, léger et apaisant, de son chien qui dormait. Hésitante, elle se recoucha et tendit de nouveau ses doigts à l'intention de son animal. Mais le bruit des gouttes d'eau perturba de nouveau son sommeil, et elle alla une deuxième fois couper le robinet avant de se glisser sous les draps, rassurée par la chaleur de la langue du chien.
Une troisième fois, elle se réveilla. Le robinet gouttait, encore. Se disant qu'il allait falloir appeler un plombier sous peu, elle mit ses pantoufles et se dirigea, épuisée, vers la salle de bain. Machinalement, elle étendit son bras vers le robinet. Mais il était fermé. C'est alors qu'elle aperçut de quel couleur était le fond de sa baignoire : rouge sang. En relevant la tête, elle découvrit le corps de son chien, pendu et éventré, dont le sang gouttait doucement sur le marbre.
D'un geste, alors que son cœur s'emballait, elle se retourna et son regard fut attiré par le miroir au dessus du lavabo.
Quelqu'un y avait marqué « Il n'y a pas que les chiens qui peuvent vous lécher la main » en lettres de sang.