Chapitre 4 • En Route

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Une sensation agréable de chaleur me caressait la peau, le jour devait s'être levé. Je me sentais épuisée, comme si je m'étais endormie pendant trop longtemps et que j'avais fait un horrible rêve.

Au fond de moi, je savais pertinemment que ce n'en était pas un. En me rappelant les événements de la veille, mon corps se redressa d'emblée et bondit hors du lit où je reposais. En me relevant si brusquement, une vive douleur s'installa au niveau de mes tempes, je ne put m'empêcher de gémir. En regardant autour de moi je remarquais que mes vêtements usuels étaient pliés proprement sur une petite étagère dont le bois était usé au point d'en être noir, tout comme les quelques autres meubles ornant la pièce. Je portais une simple tunique blanche, s'étendant jusqu'au-dessus de mes genoux et couvrant légèrement mes épaules, un peu trop serrée à mon goût. On devait m'avoir changé pendant que je dormais.

Je soulevais sans bruit le tissu blanc que je portais. Il fallait aussi que je vérifie l'état de mes blessures, qui, dans mes souvenirs étaient plutôt douloureuses. À ma grande surprise, sur ma peau, seulement quelques vulgaires coupures, fines au point d'en être insignifiantes y étaient dessinées. Mes plaies que je pensais graves s'étaient presque entièrement refermées, ne laissant pratiquement aucune trace sur mon épiderme maintenant éclairée par de faibles rayons lumineux, se glissant par la seule fenêtre entrouverte de la chambre. Sous le choc, j'effleurais mes fines cicatrices du bout des doigts. Comment auraient-elles pu guérir aussi vite ? Seulement le sang noir était capable d'une telle prouesse. Déjà capable d'offrir l'immortalité, il n'aurait pas été impossible qu'il puisse soigner quelques blessures.

Ma tête se redressa. Mon esprit tressaillit. L'effroi envahit mon corps jusqu'à me prendre à la gorge. J'avais du mal à déglutir rien qu'en y pensant.

Coulait-il dans mes veines ? En ce moment même ? J'étais terrifiée par la réponse. Les battements de mon cœur se faisaient de plus en plus rapides. Il fallait tout de même que je vérifie. J'agrippai d'un geste agile un petit couteau encore accroché à ma large ceinture aux tons sombres qui reposait sur le lit d'à côté. En empoignant vivement le tranchant, je me fis saigner le dos de la main en le piquant. Quelques gouttelettes de sang commencèrent à apparaître. Elles étaient noires. D'un noir absolu, ruisselant à présent sur toute la longueur de ma main tremblante.

Je me retenais tellement de fondre en larmes. Il fallait que je me calme à tout prix si je ne voulais pas me transformer. J'ouvris de nouveau mes paupières tremblantes, mes iris agités contemplaient ma main recouverte de sang... Rouge. Je m'étais trompée. Je laissai échapper un long soupir de soulagement tandis que je m'allongeais lourdement sur le matelas après avoir bandé ma main. J'enfilai mes vêtements puis sorti de la chambre afin de retrouver Sven et Anya. Après tout, ce n'était qu'une d'hallucination, j'étais juste fatiguée. En poussant la porte, je me retrouvais nez à nez avec la petite blonde que je venais de heurter en ouvrant le battant en bois. Elle poussa un gémissement étouffé puis se massa la tête d'un geste répétitif avant de me remarquer.

- Ah c'est toi ! Comment tu te sens ? Me demanda-t-elle en me fixant de ses yeux clairs.

- À part ce mal de tête insupportable ça va, lui répondis-je en portant une main à mon front pour éviter de croiser ses iris perçantes.

En relevant la tête, mon regard rencontra celui de mon frère, plus loin derrière elle. Un sourire m'échappa en le voyant sain et sauf, j'étais si heureuse que je me retenais de lui sauter au cou. Anya me répondit après quelques instants en m'assurant que j'irais mieux si je n'y pensais pas. Comment elle pouvait savoir que ça allait s'améliorer ? En tout cas pour l'instant j'avais mal, et ça me tapait sur les nerfs. Dès que la blonde s'éloigna de moi, Sven se dirigea immédiatement dans ma direction. Il me saisit par les épaules puis me serra dans ses bras réconfortants, en m'étouffant sans le vouloir. Il m'enlaçait si fort que je pouvais sentir son souffle saccadé dans mon dos, il pleurait sûrement, moi, je me retenais. Je me dégageai de son étreinte serrée pour lui demander ce qu'il c'était exactement passé la nuit dernière. Depuis ce matin, c'était l'une des choses qui me démangeait atrocement l'esprit.

- Via, je m'excuse, je ne me rappelle rien, m'annonça-t-il en fixant le sol avec un regard coupable.

- Comment ça ? Jusqu'à quel point ? Repris-je de plus en plus curieuse en saisissant son visage.

- Je suis sorti dehors pour te chercher, c'était la nuit, puis... à partir du moment où j'ai ouvert la porte, tout est devenu noir.

Ça devait sûrement être l'œuvre des Déchus et de leurs techniques, comment dire, inexplicables. Il reprit en constatant mon silence.

- Je ne me suis réveillé que ce matin, c'est là qu'Anya m'a tout raconté, j'ai eu du mal à la croire au départ mais quand je t'ai vu inconsciente, je n'ai pas eu le choix. À part ça toi ça va ? Me demanda-t-il inquiet en prenant ma main entre les siennes.

- Ne t'inquiètes pas pour moi. Lui répondis-je en jetant un regard à Anya assise un peu plus loin qui y répondit par un léger sourire.

Sven lâcha ma main puis pris un ton plus sérieux, qui ne lui allait pas vraiment, je n'avais pas l'habitude de le voir comme ça.

- Nous devrions partir maintenant. Anya vient aussi avec nous, elle allait vers Utopie de toute façon, ça ne pose pas de problème ?

- Non, répondis-je en m'éclaircissant la gorge.

Satisfait par ma réponse, il l'invita à l'extérieur pour lui montrer comment monter un Mystic. A part ce que me disaient mes yeux, je ne savais rien de cette fille. Elle pouvait être dangereuse, même si elle ne le paraissait pas du tout, le monde était plein de surprises, et ce que j'avais vu jusqu'à présent me l'avait bien prouvé.

J'emportais quelques légers sacs sur mes épaules et sortis à l'extérieur pour rejoindre les autres. Mon frère et moi grimpions sur la fourrure bleutée du Mystic d'une grande enjambée et Anya s'assit derrière moi sans bruit. Aussitôt, nos montures détalèrent à toute vitesse. Par reflexe, elle s'agrippa violemment à moi avec ses petites mains ainsi que ses bras fins, pourtant puissants qui m'écrasaient l'abdomen. En l'étreignant on aurait presque eu peur de lui casser quelque chose, le contraire ne s'appliquait apparemment pas.

D'innombrables paysages défilaient autour de nous au fur et à mesure que nous avancions. La verdure abondante de notre ville laissa bientôt place à la sécheresse et au désert. Un relief variant de petites collines à des montagnes gigantesques ornait ce paysage inhabité.

Quelques heures plus tard, le tiers de la route avait déjà été parcouru. Le soleil me brûlait violemment ma peau claire et j'avais atrocement soif, mais il fallait encore continuer. Par un heureux hasard, une légère colonne de fumée s'éleva dans les airs à plusieurs centaines de mètres devant nous, derrière une petite colline. Même si Sven était contre, comme d'habitude, il était hors de question que je n'aille pas voir ce que c'était. Les Mystics cavalaient à toute allure en direction de cette mystérieuse fumée. Mon frère dégaina son épée lentement, par simple précaution, je fis de même en agrippant un grand couteau, coincée dans le harnais de la créature que je montais. Matérialiser des armes était épuisant je ne pouvais pas le faire tout le temps.

Quelques minutes plus tard, nos montures avaient enfin atteint la colline. Aussitôt, Anya s'avança pour déployer ses ailes mais je la retins, il ne fallait pas qu'on nous repère. On n'avait aucune idée de ce qu'il se trouvait derrière cette colline. J'étais de loin la personne la plus discrète d'entre nous trois. Je décidai alors d'aller voir ce qu'il se cachait derrière cet amas de terre. Sans bruit, je grimpais la petite montagne sèche en rampant. La terre presque sableuse se coinçait à l'intérieur de mes ongles et avait déjà salit tout mes vêtements mais c'était sans importance. J'avais enfin atteint le sommet. Mon corps était dissimulé à l'abri de la lumière pour ne pas me faire repérer. Chose inutile, il n'y avait personne. Une sorte de campement semblait être en pleine installation et un petit feu légèrement éteint se situait au centre. En pensant qu'il n'y avait plus aucun danger, je me levai et fis signe au deux autres de venir me rejoindre. En me retournant, la première chose que j'aperçus fut le visage de mes compagnons. Leurs yeux étaient écarquillés et leurs bouches grandes ouvertes prêtes à me crier quelque chose. Ils semblaient terrifiés.

- Ssssshhhhhh... Pas un geste ma jolie...

Une main inconnue touchait mes cheveux calmement. Une autre pointait mon cou avec une lame. Appuyant progressivement sur mon artère principale. Menaçant d'exploser à tout instant.

Les Mystères De La Nouvelle Terre Où les histoires vivent. Découvrez maintenant