Elle avait peur. Non, elle était terrifiée. On échange l'auxiliaire avoir qui marque la possession, avec la puissance de être. La puissance d'un être n'a pas d'égal, mais ce qui vous appartient peut disparaître. Son effroi, cependant, ne peut la quitter.
Elle était terrifiée, cette jeune fille, courant dans les ruelles sombres de la ville. La pluie battait le pavé, la lune peinait à éclairer l'étroite, morne allée. Le temps retenait son flot, le bruit sourd des gouttelettes se répétait, assourdissant. L'univers était engourdi, emprisonné dans une oppressante torpeur.
Elle était terrifiée, cette fille qui fuyait, comme un lâche se dérobant devant l'épreuve trop ardue. Qui sommes-nous, pour la blâmer ainsi ?
Pauvre enfant... L'avait-on prévenue qu'un journal écrirait à son propos ? Savait-elle seulement qu'elle serait connue comme «l'assassinée des ruelles» ? L'idée l'avait-elle un jour effleurée que la violence de sa mort provoquerait une immense vague de panique dans toute la ville ?
Une si jeune enfant – la quinzaine tout au plus, pourrait-elle concevoir une telle réalité ?
Jamais, dirait-on... Sûrement, comprendrait-on en la voyant. Quelques temps plus tôt, peut-être qu'elle souriait, le regard éclatant, imaginant s'en aller bien tard pour l'autre monde. Mais, à ce jour, cette nuit lugubre, cet instant funeste, elle le savait. Elle savait qu'elle allait mourir. Pourquoi sinon, se serait-elle mise à courir dans les ruelles opaques, par un ciel larmoyant, les yeux ruisselants ? Peut-être voulait-elle vivre encore un peu....
La fatigue cependant, éteignait l'espoir dans ses yeux. Des larmes dévalaient ses joues, tandis qu'elle serrait les dents, frustrée par l'envie d'abandon qui s'insinuait en elle. Ses muscles tressaillants lui faisaient défaut. Pauvre enfant...
Et son assaillant ? Qu'en était-il ?
C'était une ombre, un homme – ou bien une femme, dont on ne devinait que les formes élancées. C'était l'Ombre. L'Ombre ne courait pas ; elle s'élançait de point d'appui en point d'appui, et volait presque. Si elle avait voulue, elle aurait pu rattraper la jeune fille d'un saut agile, furtif. Mais l'Ombre attendait, docile, un ordre silencieux. Peut-être priait-elle une dernière fois pour l'âme qu'elle s'apprêtait à arracher. Mais un être suffisamment détaché pour tuer pouvait-il seulement éprouver cet élan d'humanité ? Pouvait-il avoir une pensée pour cette vie qui touchait à sa fin ?
Soudain, l'enfant trébucha. Elle poussa un petit cri, une sorte de hoquet, et s'écrasa dans une flaque d'eau. D'un geste nerveux, elle se retourna, et fit face à son assaillant, une terreur sans nom dans les yeux. L'Ombre ralentit ; elle était à une dizaine de mètres de sa proie. Il y avait, dans ce spectacle envoûtant et maléfique, un aspect de cette étrange valse que le prédateur offre à sa victime avant de l'achever.
Cette chute, ce fut le signal. Un éclat doré transperça la nuit. C'étaient les yeux de l'Ombre. Un regard vide, perçant, luisant. Le spectre s'avança, d'un pas souple, à peine perceptible.
« Non ! Ne t'approche pas ! s'époumona la victime. »
C'était un cri presque bestial, un dernier sursaut de vie. Elle avait craché, grogné ces mots, pareille à la tigresse blessée, grognant une dernière fois, par honneur, sur le chasseur qui s'apprête à l'abattre.
Mais cette démonstration de courage ne troubla pas l'Ombre. Ses yeux dorés, vides de toute empathie, demeuraient rivés sur la proie frémissante.
L'éclat de courage passa, l'enfant frémissait à nouveau.
L'Ombre s'approchait, lentement, assurément. La jeune fille gesticula, essayant de fuir. C'était en vain, elle se savait condamnée.
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Mystery / ThrillerLa vie est comme un jeu. Chaque matin, on se réveille et on affronte les épreuves correspondant à notre niveau. Puis il y a les bugs. Les bugs modifient le quotidien, et parfois, ils font en sorte qu'on subisse des épreuves plus difficiles que celle...