Dix

16 7 0
                                    

   En me préparant pour le lycée, le lendemain matin, je fais l'erreur de demander à Riley de m'aider à choisir un sweat.
   Je lui montre un bleu et un vert.

« Qu'en penses-tu ? »

   Perchée sur la commode, elle incline la tête, pèse le pour et le contre.

« Je peux voir le rose ? »

   Je la fusille du regard. J'aimerais bien qu'elle soit un peu sérieuse pour une fois, qu'elle arrête de tout tourner en dérision.

« Je n'ai pas de rose ! Allez, sois gentille, aide-moi, je ne suis pas en avance. »

 
 Elle se frotte le menton et plisse les paupières.

« Tu dirais quoi toi : que c'est un bleu céruléen ou un bleu myosotis ?
- D'accord, laisse-tomber. »

   Je balance le sweat bleu sur mon lit et enfile le vert.

« Met le bleu finalement. Ça rehausse l'éclat de ton regard ! »

   Je m'interromps, le nez, la bouche et le menton cachés sous le coton, seuls mes yeux son visibles.
   Je suis son conseil, puis fouille dans un tiroir pour retrouver mon gloss, que je m'apprête à appliquer.

« Tu pourrais m'expliquer à quoi rime ce cirque ? Poursuit-elle. Je veux parler de la valse-hésitation à propos du sweat, les paumes moites, le maquillage... Qu'est-ce qui t'arrive ?
-Je ne suis pas maquillée, que je sache, lui dis-je, sur la défensive.
-D'accord, je ne vais pas chipoter sur des détails, Ever, mais le gloss, techniquement parlant, c'est quand même du maquillage. Et toi, ma sœur chérie, tu étais sur le point de t'en mettre. »

   Je range le tube dans le tiroir et attrape mon beurre de cacao, dont je m'enduis généreusement les lèvres.

« Ever ? J'attends une réponse je te signale ! »

   Je sors de ma chambre et descends l'escalier sans répondre, ma sœur sur les talons.

« Bon, très bien, fais comme tu veux. Mais si tu crois que je ne vais pas deviner, tu te goures.
-C'est ça, devine !
-Voyons voir, ce n'est pas Miles, c'est sûr, tu n'es pas son genre. Ça ne peut pas être Haven, vu qu'elle n'est pas exactement ton genre non plus. Donc ça ne peut être que... Bon je crois que j'ai fais le tour de tes amis. Je donne ma langue au chat. Allez, dis moi qui c'est. »

   J'ouvre la porte du garage, monte dans la voiture et appuie sur l'accélérateur.

« Je suis sûre qu'il y a anguille sous roche, s'égosille-t-elle pour couvrir le bruit du moteur. Parce que, excuse-moi de te le rappeler, mais c'était exactement pareil quand tu t'évertuais à mettre le grappin sur Brandon. Tu flippais et tu étais complètement parano, tu te souviens ? Tu n'arrêtais pas de te demander s'il t'aimait bien lui aussi, et bla-bla-bla. Allez, accouche. C'est qui, le malheureux élu ? Ta prochaine victime ? »

   L'image de Taylor surgit devant mes yeux. Il est tellement beau et sexy avec son charme ravageur, c'est si réaliste qu'il suffirait de tendre la main pour le toucher. Je réussis à me contrôler, m'éclaircis la gorge et passe la marche arrière.

« Il n'y a personne, je t'assure. Mais c'est la dernière fois que je te demande ton aide, c'est certain. »


   Quand j'arrive en cours de littérature, j'ai un nœud à l'estomac, le vertige, les paumes moites, bref, je frôle l'hystérie. Mais en remarquant Taylor en grande conversation avec Stacia, j'ajoute la paranoïa à la liste, comme Riley l'a bien vu.
   Les longues jambes musclées de Taylor me bloquent le passage, là où Stacia pose d'ordinaire son sac pour me faire tomber.

« Euh... Excuse-moi », dis-je.

   Mais il fait comme s'il ne m'avait pas entendue, je reste juchée sur le bord du pupitre de Stacia. D'où je l'observe qui tend la main derrière son oreille et en retire une rose.
   Une rose blanche.
   Fraîche, pure, scintillante de rosée.
   Quand il lui présente la fleur, Stacia pousse un cri de joie, à croire qu'il lui a offert un diamant. Et elle se met à piailler en l'exhibant devant tout le monde.

« Oh mon Diiiieu ! C'est incroyable ! Comment as-tu fais ça ? »

   Les lèvres pincées, les yeux obstinément baissés, je monte le son de mon iPod pour ne plus entendre le son de sa voix.

« Je peux passer ? » dis-je entre mes dents.

   Je croise le regard de Taylor qui m'envoie une brève onde de chaleur avant de redevenir glacial. Il finit par s'écarter.
   Je fonce vers ma table. Mes pieds me portant tels de bons petits soldats, l'un derrière l'autre, ou comme un zombie, un robot, un grand machin stupide, sachant bêtement accomplir les mouvements pour lesquels il a été programmé, mais incapable de penser par lui-même. Je m'assieds et poursuis le rituel parfaitement rodé : sortir cahier, livres et stylo, et feindre de ne pas remarquer avec quelles mauvaise grâce Taylor se lève et regagne sa place à reculons, au moment M. Robins arrive.


« Lutin ? Mais c'est quoi ce délire ? »

   Haven repousse sa frange et regarde droit devant elle. Ne plus dire de gros mots est la seule bonne résolution qu'elle ait prise uniquement parce qu'elle trouve drôle de dire ''Lutin.''.
   Miles regarde Taylor faire du charme à toute la clique branchée du lycée, avec sa gueule d'ange, ses stylos magiques et ses roses débiles.

« Je savais que ça ne pouvait pas durer. C'était trop beau pour être vrai. D'ailleurs, je vous l'avez dit dès le premier jour. Vous vous rappelez ?
-Non pas du tout », bafouille Haven dans quitter Taylor des yeux.

   Taylor avale une gorgée d'eau vitaminée.

« Je l'ai dit, pourtant. Tu n'as pas entendu, c'est tout. »

   Je fixe mon sandwich n'ayant aucune envie d'intervenir dans le débat sur ''qui a dit quoi et quand", et encore moins de lorgner dans la direction de Taylor, de Satcia et des autres. Je n'ai pas encore encaissé le coup qu'il m'a fait en cours ce matin, quand il s'est penché vers moi pendant l'appel et m'a glissé un petit mot.

Vous avez atteint le dernier des chapitres publiés.

⏰ Dernière mise à jour : Feb 11, 2017 ⏰

Ajoutez cette histoire à votre Bibliothèque pour être informé des nouveaux chapitres !

Eternels - EvermoreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant