★ Chapitre 7

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Deux de mes coéquipiers, de mes amis, étaient morts ce jour-là, à cause de moi, parce que je n'avais pas su faire le choix de la raison, préférant celui du cœur.

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Je me frottai les yeux, fatiguée de ma nuit agitée. Il était huit heures écart et nous étions déjà dans un chasseur, direction le vaisseau mère Haera. Nolan et Julie, les meilleurs pilotes d'entre nous, étaient aux commandes du vaisseau. Mis à part les cliquetis que produisaient les manettes, aucun son ne se faisait entendre. Comme à chacune de nos missions, mon cœur battait fort dans ma poitrine et j'essayais tant bien que mal de me calmer. D'habitude, c'était davantage l'excitation à l'approche des combats que l'appréhension qui me faisait cet effet-là, mais ce jour-là, la peur que ma cicatrice fasse encore des siennes me prenait à la gorge.

- Ça va aller, fit alors une voix féminine.

Je relevais la tête, que j'avais gardée baissée assez longtemps pour avoir mal à la nuque. Rubis, assise face à moi, me souriait.

- Ne t'inquiète pas, ajouta-t-elle.

Plus facile à dire qu'à faire, mais je lui étais reconnaissante de tenter de me rassurer. Je prenais alors une grande inspiration pour me donner du courage et frottais d'une main ma nuque engourdie. C'est alors que commença enfin à se profiler le vaisseau mère ennemi. Presque deux fois plus grand que ses homologues humains, les étoiles et la Terre se reflétaient sur sa coque noire miroitante, bien qu'il ne possédait pourtant pas le mimétisme. Le mimétisme, c'est cette capacité qu'ont certains objets ou certaines espèces à adapter leur apparence -souvent leur couleur- à leur environnement, comme par exemple les caméléons. C'est donc quelque chose de bien pratique, mais les Haeras ne voient pas l'utilité de camoufler leurs vaisseaux mères, qu'ils doivent certainement juger inattaquables. Et heureusement pour nous, cet orgueil allait jouer en notre faveur.

Comme prévu, nous nous approchions lentement du vaisseau. Notre chasseur, équipé de brouilleurs de radars et du système de mimétisme, était normalement presque indétectable. Mais ceci ne restait que la théorie, qui sait quelles autres technologies pouvaient posséder les Haeras pour nous repérer. Contrairement à nos vaisseaux mères, où l'on accédait au pont d'embarquement par un flanc du vaisseau, les Haeras y accédaient eux par une ouverture ventrale. Nous supposions qu'un long et large couloir conduisait ensuite les vaisseaux au pont d'embarquement, ce qui permettait à ce dernier de ne pas être envahi par des flottes ennemies, mais ceci n'était qu'une hypothèse, puisque personne n'était jamais ressorti vivant de l'un de leur vaisseau, qu'il y soit ou non rentrée de son propre gré. En nous appuyant donc sur des "peut-être" et des "sûrement", nous continuions à nous diriger vers le dessous du vaisseau.

Nolan et Julie restaient extrêmement concentrés sur leur conduite, afin d'éviter de percuter les chasseurs Haeras qui eux ne pouvaient pas nous voir. Mais dans le reste du groupe, la tension était quelque peu redescendue et Paco commençait à raconter une de ses blagues à Rubis. Quant à moi, j'étais incapable de penser à autre chose qu'à mes peurs et aux combats à venir. Ça s'annonçait mal, l'une de mes qualifications était tout de même d'être d'une grande résistance au stress et d'en faire une force plutôt qu'une faiblesse.

- J'ai l'entrée en visuel, annonça Nolan.

- Bien reçu, lui répondit la voix du commandant Archer dans le microphone.

Ce dernier avait décidé de superviser lui-même cette opération. Si on y restait, j'espérais bien qu'il passerait en conseil de discipline pour nous avoir envoyés à l'abattoir, ce sale con ! Techniquement, c'est lui qui avait le plus de pouvoir, mais il n'était pas pour autant exempté d'obéir au Conseil, bien qu'il en soit le chef. D'ailleurs, beaucoup de conseillers s'étaient opposés à cette mission, et ils attendront donc Archer au tournant.

- Vous êtes près ? nous questionna Nolan sans détacher ses yeux de l'entrée, désormais bien visible, tout en faisant ralentir le vaisseau.

Je ne répondis pas, bien que je me doutai que cette question soit particulièrement pour moi.

- Autant qu'on puisse l'être, lâcha Paco de ce ton ironique dont il avait le secret.

- Quand on entrera, ils le sauront, les capteurs de présences de la membrane vont nous détecter, nous prévint notre chef. Mais on a une longueur d'avance : on utilise si rarement le mimétisme qu'ils ne savent pas encore que nous possédons cette technologie.

En même temps qu'il prononçait ces mots, nous passions au travers de la membrane plasmique. À cet instant, Nolan mit les gaz et nous traversions à tout à allure le long couloir qui, heureusement pour nous, existait bel et bien. Aussitôt, des lumières rouges se mirent à clignoter violemment sur les parois du corridor, attestant d'une alerte intrusion. Trois chasseurs ennemis passèrent sur notre gauche sans nous voir. Avec un peu de chance, les Haeras penseront que cette alerte n'était due qu'à une simple défaillance de leur système de défense. Le couloir donna finalement sur une vaste plateforme d'embarquement, au moins deux fois supérieur à la nôtre. Mise à part sa taille, elle était relativement semblable à celle de notre vaisseau mère, ce qui était logique, puisqu'il avait été conçu selon la technologie et les formes des croiseurs Haeras, des copies identiques quoique plus petites de leurs vaisseaux mères.

Les trois chasseurs repassèrent à côté de nous, en sens inverse, et partirent se poser à l'extrémité gauche de la plateforme. L'alerte était passée et une centaine d'Hélios recommençaient à s'affairer, sous les ordres de quelques Haeras. Pour l'instant, ça s'annonçait plutôt bien. Nous supposions que ce schéma serait le même dans le reste du vaisseau : des Hélios nombreux, supervisés par peu d'Haeras. Les Hélios étaient stupides et beaucoup moins redoutables que leurs maîtres, ils seraient faciles à tuer contrairement à ces derniers.

Notre vaisseau restait immobile, tandis que Nolan et Julie réfléchissaient au meilleur moyen de se poser. Il nous fallait de la place et de la dextérité afin qu'il n'écrase aucun ennemi et soit assez à l'écart de toute l'agitation pour ne pas se faire repérer. Il ne manquerait plus que l'un de ses abrutis d'Hélios ne se cogne dans la carrosserie et trahisse notre présence du même coup. Nous devions être sûrs de retrouver notre unique moyen de fuite à notre retour ici.

- Là-bas, dans l'angle, proposa Julie en pointant du doigt une zone dans le coin droit de la plateforme.

Je me levai et m'avançai jusqu'à Nolan afin de mieux voir. La place était libre, mais pour combien de temps ? C'était visiblement une place de stationnement, et dès que l'un de leur vaisseau viendrait s'y garer... Ils comprendront alors tout de suite que des humains s'étaient introduits chez eux. Nous ne pouvions qu'espérer qu'ils préféreraient se poser plus près de l'immense escalier menant à l'entrée. Je soupirai.

- Allons-y.

Nolan et moi avions parlé en même temps et je me mordis la lèvre inférieure en me souvenant que je ne dirigeais plus avec lui cette équipe, et n'avais donc plus mon mot à dire. Il me lança un sourire gêné et un silence de plomb s'installa aussitôt. Je retournai m'asseoir là où était ma place. Nos pilotes approchèrent le vaisseau au-dessus de la plateforme. Le mimétisme renvoyait la lumière, il n'y avait donc aucune ombre visible sur le sol. Julie et Nolan enclenchèrent tout un tas de boutons, dont pour la plupart je ne connaissais même pas l'utilité. Le vaisseau descendit et se posa sans un bruit.

Ça y est, on y était, le moment tant redouté arrivait. Mes mains se crispèrent sur le bord de mon siège à cette pensée et ma respiration s'accéléra. Je sentais le regard de Rubis peser sur moi, chercher le mien, et je savais qu'à la seconde où je la regarderais, elle ferait tout pour me réconforter. D'un sourire, d'un coup d'œil, elle avait ce pouvoir-là Rubis, elle était formidable. Cependant, je n'osais pas lever les yeux vers elle, je n'en pouvais plus de paraître faible, de paraître avoir besoin d'aide, même si c'était le cas. Alors, je jouais la fille forte, enterrant au plus profond de mon âme mes angoisses, mais je savais que ce n'était qu'une boîte de Pandore, prête à tout moment à s'ouvrir.

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J'attends vos avis pour ce chap' ! J'espère que y a pas trop de baisse de niveau par rapport aux autres chapitres, faut dire que ça faisait un moment que j'avais pas écrit Falcon donc j'ai eu un peu de mal à me remettre dedans ^^'

Si vous remarquez que je confonds la terminaison des verbes à l'imparfait et au passé simple à la première pers. du singulier faites le moi savoir svp.

FalconOù les histoires vivent. Découvrez maintenant