Une fois dehors, Emma prit une profonde inspiration pour essayer de retrouver le contrôle de ses émotions. Son monde s'effondrait, et personne ne s'en souciait. Un furieux sentiment d'abandon s'abattit sur elle. Le constat de sa solitude lui oppressait la poitrine. Plus de boulot et, bientôt, plus de logement. Alors que, le matin même, elle avait tout pour être heureuse. C'était comme si la vie lui avait tout pris en l'espace de quelques minutes.
Une boule douloureuse lui obstruait la gorge. Comment aurait‑elle eu le courage de dire au revoir à toute l'équipe, dans ces conditions ? Les sourires de façade, les adieux gênés, les regards apitoyés : tout cela, elle ne pouvait le supporter, c'était au-dessus de ses forces pour l'instant. Le désespoir menaçait de la submerger, aussi se dépêcha-t‑elle de rejoindre l'arrêt de bus, la tête baissée pour dissimuler au mieux son chagrin.
Elle presque toujours les transports en commun pour se rendre au travail. Cela lui évitait d'avoir à tourner des heures en quête d'une place pour sa voiture, dans le quartier très fréquenté de la Bourse. Ce jour-là, elle aurait pourtant mieux fait de prendre son véhicule. Elle aurait pu échapper aux regards des autres pour se lamenter sur son sort, plutôt que d'attendre ainsi dans la rue. Vidée de toute énergie, elle s'écroula sur le banc de l'aubette déserte et commença à faire le point sur sa situation.
La priorité était de trouver un endroit pour se loger avant le lendemain. Certes, elle avait des amis, comme l'avait évoqué Zoé. Seulement, l'inconvénient de se faire des relations lors de saisons touristiques, c'était que tous étaient disséminés dans le pays. Et étaient‑ils assez proches pour accepter de l'héberger, à l'improviste, pendant les fêtes de Noël de surcroît ? Elle aurait pu encore y croire une heure auparavant, sans la défection de Zoé qui était pourtant devenue une grande amie depuis un an.
Elle rejeta également la possibilité de prendre une chambre d'hôtel à cause de sa perte d'emploi. Elle ne pouvait pas se permettre une telle dépense, n'ayant pas un centime devant elle et ne sachant pas quand elle percevrait à nouveau un salaire.
Restait sa famille, qui vivait à des centaines de kilomètres. C'est vrai qu'elle n'y était pas retournée depuis très longtemps. Pourtant, quelque chose la retenait. Aînée de sa fratrie, elle était un exemple d'indépendance et d'autonomie pour ses petites sœurs. Revenir à la maison sans logement ni emploi serait comme un aveu d'échec à mener sa vie comme une adulte.
Déçue et déboussolée, elle sentit la mélancolie arriver. Comme parfois, lors de moments de découragement, elle pensait à son père et à cette vie qui aurait pu être, mais qui ne serait jamais.
Son père était mort dans un accident d'avion lorsqu'elle avait deux ans. Elle n'avait aucun souvenir de lui, mais sa mère lui avait maintes fois parlé de lui et de leur courte vie commune.
Ses parents s'étaient aimés follement. Benjamin, pilote de profession, blond, le sourire irrésistible, avait charmé Flora, qui était immédiatement tombée amoureuse. Un vrai coup de foudre. Quand, un an plus tard, la mère d'Emma, qui n'avait alors que vingt‑deux ans, avait appris qu'elle était enceinte, cela avait été une vraie surprise. Benjamin l'avait demandée en mariage dans l'instant, sans réserve. Ces quelques brèves années avaient été, selon sa mère, les plus intenses de sa vie.
Emma imaginait parfois l'existence qu'ils avaient vécue tous les trois, à l'étroit dans leur petit appartement, mais tellement heureux.
Jusqu'au jour où Flora avait reçu un appel l'informant du crash aérien. Le monde s'était alors arrêté de tourner : à vingt‑cinq ans, elle était veuve avec un enfant de deux ans à charge. Il lui avait fallu faire face et être forte pour elles deux.
Très vite, Flora avait décroché un boulot de vendeuse dans une quincaillerie, dont le patron avait eu un peu pitié d'elle. Cependant, pour Jean-Paul, le fils du patron, ce n'était pas la pitié que lui inspirait Flora. Durant plusieurs mois, il lui avait tourné autour subtilement, tentant de lui rendre le sourire et le goût de la vie. Sa patience et sa gentillesse avaient été récompensées : leur relation, au départ amicale, avait évolué lentement vers des sentiments plus ambigus. Flora avait cru à nouveau en l'amour, un amour peut‑être moins passionnel mais solide. Un amour durable, puisqu'ils étaient mariés depuis vingt‑cinq ans. Flora était encore jeune à l'époque, et il était naturel qu'elle refasse sa vie. Pour Emma, Jean-Paul avait été la seule figure paternelle jamais connue. Ce dernier avait réussi à apprivoiser la toute petite fille écorchée qu'elle était et à se faire une place dans leur vie. Rapidement, une petite Enora avait agrandi la famille. Puis, quelques années plus tard, ça avait été Sidonie.
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Opération guirlandes, sapin et chocolat chaud Tome 1
ChickLitJe retire les chapitres pour cause de signature chez un éditeur. Celui qui résistera à son plan spécial esprit de Noël n'est pas encore né ! Emma est une éternelle optimiste. Pour elle, le monde est peuplé de gens généreux et bienveillants. Et c'es...