Changement de plan

Chapitre XII : Il faut qu'on parle

Je suis tellement bouleversée par ce que je viens de voir sur mon portable, que je tombe à la renverse, au sens propre du terme. Je me relève en essuyant mon short sans décrocher un mot, sous le regard attristé d'Alya puis je remets correctement le hamac qui s'était enroulé à cause de ma chute. Je ne peux pas rester là, à supporter le regard insistant d'Alya sur ma personne. J'ai besoin de me vider un peu la tête, il faut que j'aille faire un tour.

"- Je pars, je vais faire un tour, préviens mamie... et surtout n'essaie pas de me suivre. J'ai besoin d'être seule pour digérer tout ça.

- Comme tu voudras. Réplique Alya en s'installant calmement dans le hamac.

- Fais attention, ne tombe pas." Je lui dis en lui tournant le dos.

Je repense à ce que je viens de voir, j'en reviens pas qu'elles aient pu me faire ça. J'avais confiance en elles, mais elles se sont joué de moi. Le pire dans tout ça, c'est qu'elles savent très bien que j'ai beaucoup de mal à accorder ma confiance, à cause d'une certaine personne dont je ne citerai pas le nom. Je relève la tête pour voir où je me trouve, je n'ai fait qu'observer mes tongs depuis que j'ai quitté notre emplacement. Après plusieurs minutes d'observation, je me rends compte que je ne connais pas cet endroit. Je n'y suis jamais allé et pourtant mes pieds m'ont mené ici.

"- Toi aussi tu aimes bien venir là pour réfléchir ?"

Je me retourne brusquement quand j'entends cette voix. Je n'avais entendu personne approcher étant donné que je suis sur le sable. La propriétaire de cette voix, se met à fixer ses pieds, qui apparemment ont l'air de subitement l'intéresser, quand elle sent mon regard se poser sur elle.

"- Milena. Je ne t'ai pas entendu arriver.

- C'est pas grave, tu sais, j'ai l'habitude de toute façon . Et puis ça ne va pas changer grand chose au fait que tu m'ignores depuis presque une semaine...

- Je suis désolée, j'ai quelques problèmes en ce moment mais j'ai pas vraiment envie d'en parler.

- Très bien, je respecte ton choix. Mais par contre j'aimerais savoir pourquoi tu m'ignores. Il y a forcément une autre raison. Il faut qu'on parle, maintenant sinon tu ne me le diras jamais.

- Hum, j'ai peur de te vexer ou pire, de te blesser...

- Il en faut beaucoup pour me vexer, crois-moi. Elle me dit en souriant légèrement.

- Si tu le dis, j'ai parlé avec Calypso, elle... non je n'ai pas envie que vous vous disputiez à cause de moi.

- Elle t'a parlé de quoi ?

- Des tes excès de colère... et de ton traitement. Je lâche dans un souffle en fixant mes pieds, honteuse et gênée.

- Donc tu es au courant de mes problèmes... Je ne comprends pas pourquoi elle te l'a dis, elle ne l'a jamais dit à personne. Même mes amies ne sont pas au courant. Avant que tu ne poses d'autres questions, je vais t'expliquer. On m'a diagnostiqué ça, il y a environ cinq mois. Mes parents m'ont amené voir un spécialiste après une crise, la toute première. Je crois que c'était la pire de toutes. Je venais de sortir du cinéma avec mes parents, tout s'était très bien passé. On était presque devant chez nous quand un des garçons de mon collège s'est approché de moi. Il n'arrêtait pas de me provoquer, il le faisait avec tout le monde en cours. Au bout d'un moment, je n'ai plus supporté ses remarques cinglantes et je l'ai plaqué contre un mur, en l'attrapant par le col et je l'ai frappé, de toutes mes forces. Mes parents m'ont arrêté à temps, il avait seulement le nez cassé et l'arcade d'ouverte. Voilà, maintenant tu connais toute l'histoire.

- Je... ne... sais pas quoi dire. Je peux te poser une question ?

- Tu viens de le faire, mais vas-y quand même, je t'ai raconté le plus important. Me dit-elle en me regardant avec un air de défi.

- Ce garçon...Il n'a rien dit à personne ?

- Non, quand il est parti ce jour-là, il était effrayé. Et puis c'est quelqu'un de très orgueilleux, il ne pouvait pas dire qu'il s'était fait tabasser par une fille. Au collège, il a dit qu'il s'était battu contre un groupe de six personnes, pour protéger sa sœur.

- Tu as de la chance sur coup-là, si on peut dire ça comme ça.

- Oui...Moi aussi, j'ai une question à te poser. Est-ce que tu m'as ignoré parce que je te fais peur ?

- Non, pas du tout. C'est juste que je voulais réfléchir un peu à tout ça, je ne savais pas comment réagir. Je ne savais pas si je devais te dire que je savais pour tes crises. Je me disais que si je t'en parlais, tu le prendrais mal.

- Ok, et toi tu ne veux pas me parler de ce qui te tracasse ?

- Non, j'ai encore besoin d'un peu de temps. Par contre, est-ce que tu pourrais m'indiquer le chemin. Je ne sais pas comment j'ai fait pour arriver ici.

- Décidément, j'ai trouvé pire que moi, niveau mémoire ! Allez viens, dépêches-toi, je commence à avoir faim, moi."

Je me mets debout avec un peu de mal, il faut dire qu'on est restées un moment assises sans bouger. Mes jambes sont toutes engourdies, je vais avoir de sacrées courbatures demain. Le vélo ce matin plus le fait de rester un après-midi entier sans bouger, ça ne va pas vraiment m'aider tout ça. Malgré le fait que je vais avoir de sérieuses courbatures et que ma meilleure amie et une de mes amies d'enfance m'aient planté un couteau dans le dos, je suis heureuse. J'ai pu m'expliquer avec Milena. Désormais, il n'y aura plus de froid entre nous deux. Je vais pouvoir profiter pleinement de mes vacances, si on omet de parler de l'affaire avec ces deux filles. Je n'ai même plus envie de prononcer leurs noms. Elles n'en valent pas la peine, je m'expliquerai avec elles plus tard. J'aimerais seulement que pour une fois, quelqu'un se rende compte à quel point c'est dur d'obtenir entièrement ma confiance et qu'il fasse tout pour la préserver et la conserver le plus longtemps possible...
En fait, j'aimerais juste que quelqu'un me comprenne vraiment.