Chapitre 2 - Une étrange rencontre

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Sophie descendit à la gare centrale et continua son parcours à pied. Tandis que la foule des badauds convergeait vers la place centrale de la ville où la fête battait son plein, Sophie choisit de passer par les petites ruelles étroites qui serpentaient entre les habitations pittoresques du centre-ville.

Arrivée à un croisement, la jeune fille sortit un minuscule bout de papier de sa poche et chercha à se repérer. Il est vrai qu'elle n'avait pas l'habitude de passer par les tréfonds de la ville pour circuler. Elle continua de descendre le long de la ruelle, tout en gardant un œil sur son plan.

Soudain, au détour d'un angle, elle tomba nez à nez avec un jeune officier qui trainait par ici, sans doute à proximité de quelque taverne du centre-ville. Celui-ci était très élégant et paraissait fort séduisant. Ses yeux marrons et ses cheveux châtain clair lui donnait un air tendre. Il avait un sourire au coin des lèvres qui le rendait sympathique. Elle s'arrêta net quand il posa son regard sur elle en lui adressant la parole d'une voix qui se voulait à la fois rassurante et amicale et à la fois moqueuse :

« Alors, elle cherche son chemin la p'tite souris ? Elle est perdue ?

— Mais non, pas du tout. Je sais où je vais, répliqua-t-elle en essayant de dissimuler son plan à la vue du soldat.

— Tu as peut-être le temps de prendre une tasse de thé ? lui demanda-t-il, essayant d'engager la conversation avec la jeune fille. On serait ravi de te l'offrir.

— Non merci, je suis pressée et j'ai des choses à faire, lui rétorqua-t-elle d'un ton cassant, sentant qu'elle ne parviendrait pas à lui échapper si elle n'était pas ferme. »

Un deuxième soldat, jusqu'alors resté en retrait, sortit de l'ombre et s'approcha de Sophie qu'il dévisagea un instant. Puis il s'adressa à son camarade en disant :

« Mais c'est vrai qu'elle est jolie la petite souris. »

L'autre reprit d'un ton avenant tout en se penchant vers elle :

« Quel âge as-tu ? Tu habites par ici ? »

Sophie recula d'un pas et fronça les sourcils, bien déterminée à ne pas se laisser intimider par ces deux hommes qu'elle ne connaissait pas, et qu'elle n'avait d'ailleurs pas envie de connaître. Elle lança aux deux soldats un dernier ultimatum chargé de colère. Nullement intimidés, les deux hommes sourirent. Le plus jeune des deux s'adressa à son collègue en se moquant de lui :

« Tu vois ? Avec ta grosse moustache, tu lui fais peur ! ».

Il est vrai que son compagnon portait une énorme moustache qui lui donnait une expression d'homme accompli et quelques années de plus que son collègue. Il répliqua qu'au contraire, il trouvait Sophie encore plus jolie quand elle se mettait en colère, compliment qu'elle n'apprécia d'ailleurs vraiment pas venant de lui.

Soudain, une voix l'interrompit et ils levèrent tous les deux les yeux. Un charmant jeune homme blond venait d'apparaître derrière Sophie. Elle se raidit quand il posa sa main sur son épaule. Elle n'avait pas l'habitude d'être si proche d'un homme, et encore moins qu'il la tenu de cette façon. Troublé par cette soudaine apparition, le plus jeune soldat l'interrogea avec assurance :

« Et vous, vous êtes qui ?

— Son chevalier servant. Et vous, mon petit doigt me dit que vous avez envie de vous dégourdir les jambes, répliqua-t-il d'un air moqueur, un malin sourire sur les lèvres. »

Il leva son index et fit quelques gestes. Aussitôt, au grand étonnement de Sophie, les deux soldats furent animés d'une force qu'ils ne purent contrôlés, et se virent contraints de marcher contre leur volonté dans une direction que le jeune homme semblait leur indiquer. Sophie les suivit dubitativement du regard. Elle leva ensuite les yeux vers le jeune homme qui l'observait.

Il dépassait Sophie de deux ou trois têtes et devait bien mesurer un mètre quatre-vingt. Ses cheveux blonds comme les blés lui tombaient jusqu'au bas du cou. Ses yeux d'un bleu cristallin la regardaient avec attention et tendresse. À ses oreilles pendaient deux petites émeraudes. Il portait autour du cou une chaîne sertie d'une pierre bleue, probablement un lapis-lazuli. D'une large stature, il portait une chemise blanche recouverte d'un curieux manteau rose et gris à haut col dont les manches restaient libres. Enfin, il portait un pantalon et des chaussures d'un noir profond. 

S'adressant à la jeune fille, il s'enquit de sa destination en lui indiquant qu'il souhaitait l'accompagner pour qu'elle ne fasse pas d'autres mauvaises rencontres. Elle lui lança un regard interrogateur et lui indiqua qu'il n'était pas nécessaire de s'inquiéter pour elle, sachant qu'elle était presque arrivée. Elle se rendait en effet dans un établissement de prestige situé non loin de là, sur la place centrale de la ville. 

Elle fut encore plus étonnée quand il lui intima de le suivre et de marcher normalement. Elle ne comprit pas ce qu'il voulait dire mais elle se laissa faire et il lui donna le bras. Ils commencèrent alors à marcher en suivant la ruelle que Sophie avait empruntée pour venir. Sophie ne savait pas quelle attitude adopter envers ce charmant personnage qui l'avait secouru. Elle marcha à ses côtés, ne parvenant pas à se détendre. 

L'atmosphère de la ruelle se fit plus oppressante sans qu'elle sache déterminer la cause de ce mal-aise. Elle ne vit pas surgir des murs derrière elle d'étranges hommes-caoutchouc portant un canotier sur le sommet de leur crâne flasque et difforme. Quand le mystérieux jeune homme s'excusa de l'entraîner dans une histoire qui ne la concernait pas, elle se sentit encore plus mal.

C'est alors que d'autres étranges hommes-caoutchouc surgirent, mais cette fois-ci devant elle. Elle sursauta et agrippa le bras du jeune homme. Ces étranges apparitions sortaient à la fois de partout et de nulle part, si bien que Sophie se demanda si elle n'était pas prisonnière d'un mauvais rêve. Les hommes-caoutchouc s'avancèrent vers eux et l'élégant jeune homme accéléra le pas puis l'entraîna subitement dans une ruelle adjacente. Les créatures difformes et élastiques cherchèrent à s'y engouffrer à leur suite mais ils formèrent une masse compacte qui s'écoula difficilement, telle un torrent que l'on canalise dans un tuyau plus étroit.

Courant désormais pour échapper à leurs poursuivants, Sophie découvrit avec horreur que d'autres hommes-caoutchouc apparaissaient devant eux, formant un mur infranchissable. L'étrange jeune homme saisit la jeune fille par la taille et prit une impulsion pour bondir vers le ciel, juste au moment où la ruelle se terminait en impasse. Elle laissa échapper un cri et ferma les yeux.

Le château ambulantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant