I. Alejandro

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𝒹ℯ ℳ𝒾𝓇𝒶

Je me retournai une fois de plus dans mon lit, tentant désespérément de trouver le sommeil. Mon esprit ne cessait de me faire revivre la pire journée de ma vie. Je me souvenais encore de tout : la position du corps de mon père sur son lit d'hôpital, la froideur de sa peau sous mes doigts.

C'en était trop ! Lassée par tous ces pensées sombres, je décidai de me lever pour me distraire. L'obscurité dans laquelle était plongée ma chambre ne me dérangeait pas. Je m'approchai de la fenêtre et observai la rue déserte. Deux chats s'amusaient à poursuivre un petit animal près d'une benne à ordure, un rongeur sans doute. L'un d'eux finit par l'attraper et s'enfuit à toute vitesse. Ce spectacle m'arracha un léger sourire.

Une ombre attira soudain mon attention. Je me plaçai sur le côté pour mieux percevoir l'homme qui titubait sur le trottoir. Son passage en dessous d'un réverbère me permit de mieux le distinguer. Un petit cri de surprise m'échappa lorsque je vis son visage ensanglanté. Il s'agissait d'Alejandro le boulanger. Mais que lui était-il arrivé ? C'était pourtant un père de famille sans histoires. Je le regardai disparaitre au coin de la rue avant de retourner dans mon lit. Le voir dans cet état avait suscité en moi un sentiment étrange, un mélange de peur et de curiosité. Je fermai les yeux, sentant enfin la fatigue me gagner après des heures de lutte.

—Il est midi ! s'exclama soudain la voix de ma grand-mère.

J'ouvris les yeux avec difficulté. De quoi parlait-elle ? J'avais à peine dormi quelques minutes. Je jetai un rapide coup d'oeil à mon horloge, les aiguilles affichait midi pile. La nuit avait été tellement courte.

—J'arrive, marmonnai-je en me massant le crâne.

J'attendis qu'elle quitte la chambre avant de me redresser avec paresse. Ma tête me faisait affreusement mal.

La prochaine fois, je prendrai un somnifère, pensai-je avant de me lever.

La chaleur de mon lit me manquait déjà. J'enfilai avec nonchalance une robe de chambre grise par-dessus mon pyjama avant de m'arrêter devant le miroir. Mes grands yeux noirs étaient soulignés par deux énormes cernes. Je recoiffai rapidement mes longs cheveux sombres et tartinai ma peau de crème hydratante. Mon teint, habituellement hâlé, n'avait jamais été aussi terne. Je grimaçai face à ce constat et  descendis dans le salon.

La voix de la voisine me parvint à travers la porte vitrée.

—Il n'arrive même plus à marcher ! raconta-t-elle. Je pense qu'il a une côte cassée vu ses douleurs à la poitrine.

Je pénétrai dans le salon et saluai les deux femmes, assises autour de la table.

—Mira ! Comment tu vas ? me salua notre invitée de sa voix enrouée. Mauvaise nuit ?

Un sourire crispé aux lèvres, je hochai la tête et me servis un verre d'eau.

—C'est complètement stupide de passer par cette route la nuit ! Ça fait des années qu'Alejandro vit dans cette ville, il devrait le savoir, s'énerva ma grand-mère.

Le mystère était enfin résolu :  le boulanger avait eu la malchance de tomber sur un barrage cette nuit.

Depuis des années, notre ville était le centre névralgique du trafic de drogue. Sa proximité avec la frontière américaine en faisait une zone stratégique. Après maintes guerres sanglantes, un cartel en particulier avait réussi à dominer le territoire : le cartel de Los Intocable (les Intouchables).

Los Intocables (sous contrat d'édition chez New Rules)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant