I: Le feu de mon coeur t'ouvre les bras.

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Ariane♡

     Le soleil se lève tranquillement à l'horizon. Le ciel se teint de merveilleuses couleurs. La lumière traverse la fenêtre de ma chambre pour venir chatouiller mon visage endormi. Je grogne en me retournant dans mon lit. Mais ne réussis pas à trouver tranquillité. Je me résigne donc à me lever. Je m'habille puis me maquille pour être fin prête à commencer cette autre journée dans ma petite vie presque ordinaire.
     Je saute le petit déjeuner, car je veux aller courir avant de poursuivre ma toile que j'ai commencée la veille. Je sors de ma maison, entre dans la forêt qui se situe dans ma cour arrière, puis commence à courir le plus vite que mes jambes peuvent me le permettre. Je ferme les yeux, me concentre et saute le plus haut possible.
     Un vent se lève avant qu'une chose, qui paraîtrait incroyable aux yeux de tous, mais qui est totalement ordinaire pour moi, se produise. Je me transforme en loup. Un loup roux-brun, d'une propreté rare chez ces bêtes poilues
     Je continue de courir à toutes vitesses feignant le cri de mes muscles qui ont du mal à reprendre le rythme de mon entraînement quotidien.

***

     Je rentre dans un bar. Je n'ai pas l'habitude de boire, mais aujourd'hui, j'ai besoin de sentir ce liquide amer descendre le long de ma gorge pour m'apaiser.
     Pour commencer la journée, mon ex-copine m'a plaquée lorsqu'elle a découvert mon secret. Elle a eu peur et a filé à toute allure en oubliant presque les six mois de notre vie commune.
     Puis,mon téléphone est tombé sur le sol de ma salle de bain, juste après que j'ai pris ma douche, créant par le fait même une petite flaque d'eau. Le téléphone a donc rendu l'âme.
     Ensuite, je me suis fait renvoyer de mon bureau parce que je suis arrivée pour une quatrième fois en retard à une réunion très importante avec mes supérieurs. «C'était ta dernière chance m'avaient-ils dit, et tu l'as perdue.»
     Pour continuer, j'ai eu une contravention de la police pour avoir roulé à 60 km/h dans une zone scolaire. Je n'y tenais pas attention, étant perdue dans mes pensées.
     En continuité, j'ai retrouvé un journaliste devant ma maison. Il voulait savoir si j'étais bien un monstre hideux, aux crocs énormes,voulant tout dévorer sur mon passage. Ah! Cette garce n'a tout de même pas balancé ça aux médias en beurrant plus épais qu'il ne le faut! C'est ce que je m'étais dit à ce moment-là. Bien entendu,j'ai nié le fait que j'étais un monstre en admettant que j'avais peut-être un peu de poils aux jambes sans pour autant en avoir plus que la moyenne des femmes de ce monde. Ce qui a déçu le pauvre journaliste à la recherche de potins croustillants.
     Pour finir, j'ai eu ma mère au téléphone m'annonçant que mon grand-père maternel était décédé de son cancer de stade 4 dans la journée. Ma mère m'avait aussi dit qu'elle avait essayé de me joindre en journée, mais qu'elle ne tombait que sur ma boîte vocale, pour enfin m'appeler à la maison sans réponse due à mon absence dans la journée. Je me doutais que mon grand-père allait partir d'un jour à l'autre, mais pas aussi rapidement.
     C'est ainsi que j'ai décidé de finir ma journée. Enchaînant shooter de vodka sur shooter de vodka devant les yeux compatissant d'un barman inconnu.

***

     J'avais perdu le goût de la course et n'avais alors pas couru durant plus d'une semaine. Mais maintenant, je sais que je dois me reprendre en main. Je ne dois pas me morfondre pour des malheurs passagers.
     Je cours en ne pensant à rien. Je fais le vide et profite du moment présent. Voir tout le paysage défiler à la vitesse de l'éclair devant mes yeux bruns foncer. Sentir le vent sur mon poil long, sentir toutes les bonnes odeurs des entourages...
Un loup. Je ralentis. J'écoute attentivement tout ce qui se passe dans les entourages. Ce n'est pas normal, c'est ma forêt, personne n'a le droit d'y entrer.
Je regarde autour de moi à l'aide de mes yeux perçants. Il est là, près du ruisseau, à boire innocemment, feignant ma présence. Il est si indifférant avec son pelage blond-brun.
J'avance furtivement, agilement. Lorsque je suis assez près, je lui saute sur le dos et le mords au cou. Pas trop fort quand même...
     Il se recule, se retourne, me pousse au sol, avant de m'écraser la poitrine avec ses pattes-avants. Ce n'est que maintenant que je regarde ses yeux. Des yeux bleus, pâles comme le ciel lors d'une journée ensoleillée d'été. Ce n'est pas un loup,mais bien une louve. Je me sens vraiment nulle, comment ne l'ai-je pas remarqué?
     Elle me fixe durement avant d'adoucir son regard. Elle me dit alors par la pensée:
- Qui êtes-vous?
- Pourquoi me confierais-je à une louve comme toi?
-Parce que je pourrais vous arrachez la tête en un coup de crocs.
- Tu ne le ferais pas.
-Qu'est-ce qui vous fait dire ça?
- Tu es membre des galmas tu ne ferais pas de mal à une mouche.
-Comment?
-La marque sur ta patte droite, je l'ai aussi.
     C'est comme une marque de naissance. Celle-ci est en fait un triangle noir surmonté d'un autre triangle blanc.
Elle relâche son emprise sur moi en remarquant sûrement que j'ai raison.
- Valérie.
- Ariane
     Je lui souris. Je regarde plus précisément la louve. Son poil brille au soleil, tout comme ses yeux qui semblent lointains.
- D'où viens-tu, lui demandais-je.
- Du sud, là où tout a été dévasté par les flammes, tout même mon coeur.
     J'en ai un peu entendu parler, seulement quelques rumeurs, comme quoi ce serait un homme fou qui chassait des loups, ayant décidé de les achever,par pur élan de folie, avec l'aide du feu.
-Que s'est-il passé?
-Quelqu'un qui... M'en voulait à détruit ma famille. Il a voulu me tuer, mais je m'étais échappée à temps.
-As-tu un endroit où te réfugier?
-Euh... Dans la forêt?
-Je sais, mais lorsque tu reprendras ta forme humaine?
-Je n'ai nulle part.
     Je la regarde. Elle semble plus jeune que moi. Peut-être de dix ans... C'est clair qu'elle ne pourrait pas passer encore trois jours transformée. Elle vient de loin et nous finissons par nous épuiser à la longue, car nous ne sommes pas habitués.
- Viens,chez moi, je te préparerai une chambre.
     Elle semble réfléchir un instant, méfiante, mais hoche la tête réalisant sûrement qu'elle en a besoin.
Nous marchons tranquillement à travers les arbres. J'arrive dans ma cour arrière bien encerclée de feuillus. Je rentre dans mon habitacle en bois que j'ai construit pour être à l'abri des regards lorsque je me transforme. Je reprends la forme humaine. Bien entendu, je n'ai plus de vêtements, mais j'ai prévu le coup. J'enfile un chandail long qui est dans le placard que j'ai lui aussi construis. Puis je me retourne enfin vers Valérie. Malgré son apparence de loup, je peux voir qu'elle est assez gênée. Je souris à cette vue. Je n'ai pas pensé une seule seconde qu'elle pouvait être pudique. Aurais-je dû?
- Tu peux mettre ce que tu veux, moi je rentre te préparer à manger, tu dois avoir faim après ce long voyage.
     Elle hoche légèrement la tête. Je rentre dans la maison pour lui donner son intimité.
Alors que je prépare du spaghetti à la sauce à la viande, elle rentre dans la cuisine.
Je suis hypnotisée par son apparence. Elle est tellement belle. Ses cheveux ont la couleur de son pelage de loup, comme tous les loups d'ailleurs. Ses yeux, pétillant d'un bleu ciel, son visage lisse, pâle comme celui d'un ange. Elle porte un chandail noir beaucoup trop grand pour elle. Elle émoustille quelque chose en moi... Je reprends mes esprits. Je lui souris d'un sourire accueillant. Elle rougit et vient à ma rencontre.
- Elle est grande votre maison!
- Oui, trop grande, parfois je me sens si seule...
-Moi il y avait toujours mes petits frères et petites soeurs dans mes pattes et ma mère s'occupant des plus jeunes. Je devais donc m'occuper des autres petits monstres. Je n'avais malheureusement aucun endroit à moi seule. Alors la forêt était mon refuge. C'est comme ça que j'ai échappé à l'incendie. Je les ai tous perdus...
Je lui sers un regard compatissant.
- Je peux te poser une question indiscrète?
- Oui, allez-y.
- Quel âge as-tu? Il me semble que tu es jeune, je me trompe?
- J'ai 27 ans...
- Oh! Alors je n'ai que six ans de plus que toi dans ce cas.
- Pourquoi vouliez-vous savoir mon âge?
- Tu semblais si jeune...
-Est-ce une mauvaise chose?
- Non, bien sûr que non.
     Il y a un moment de silence un peu lourd sans être trop inconfortable. Je la regarde intensément en en étant consciente qu'après qu'elle a rougi.
-Pourquoi m'avoir accueillie chez vous?
- Par geste de gentillesse. Ce que tu accomplis te sera rendu en triple, tu connais?
- Bien sûr. Tous bons loups savent leurs dictons! Vous pensiez vraiment que je ne suis qu'une débutante, n'est-ce pas?
- Tutoie-moi veux-tu? Je ne suis pas si vieille... Je ne doute pas de ta formation, ce n'était qu'une question.
Et le silence retombe. Je continue de mélanger la sauce avant de tous mettre ensemble. Je lui sers son assiette puis la mienne. Nous mangeons, toujours dans un silence. Je sens son regard sur moi. Je tourne la tête et elle détourne subitement le regard. Que fuit-elle?
-Est-ce qu'il y en a beaucoup, ici?
-Quoi? Des loups?
     Elle hôche la tête
-Nous sommes une petite dizaine, mais nous vivons notre petite vie tranquille seuls. Enfin, il y en a qui sont ensemble, sauf que moi, je suis seule, tu comprends?
Elle hoche encore la tête.
-Pourquoi avoir choisi la solitude plutôt que l'appartenance?
     Je continue de manger sans lui répondre. Pourquoi lui dirais-je la vérité? Elle n'est qu'une inconnue de passage. Mais je sens qu'elle est sincère et loyale... Alors pourquoi ne pas lui dire, je n'ai plus rien à perdre.
-Je... J'ai déjà eu deux personnes dans ma vie, elles étaient parfaites, mais je les ai perdues, j'ai été trop... "Sauvage".
-Comment s'appelaient-ils?
-Elles s'appelaient Rose et Jen...
     Il y a un long moment de silence où l'on entend que le son de nos dents qui mâche.
-Alors... Tu es...
-Oui, je suis lesbienne, est-ce que ça te pose un problème?
-Non! Bien sûr que non. C'est juste que je suis surprise...
-Pourquoi? Je ne ressemble pas au stéréotype?
-Non! Je ne crois pas ces stéréotypes, c'est que... Est-ce que tu te sentais bien en les côtoyant? Pourquoi sont-elles parties?
     Pourquoi me demande-t-elle ça? Qu'est-ce que ça peut bien lui faire? Je la regarde. Elle a une lueur de nostalgie dans les yeux. À quoi pense-t-elle? J'aimerais bien le savoir, je suis curieuse de nature alors... Mais je ne peux pas lui dire, c'est trop personnel. Non?
-Oh! Désolée si c'est un peu personnel, je ne voulais pas vous mettre mal à l'aise...
-Non, c'est correct, ça fait longtemps que quelqu'un s'est intéressé à moi. Je les aimais beaucoup, mais moins qu'elles ne m'aimaient. Elles me rendaient joyeuse. Enfin, Jen parce que Rose me détruisait de l'intérieur. Je crois qu'elles n'ont pas aimé ma force et ma rage. Elles ont du avoir peur de moi, de qui je suis vraiment. Mais jamais je ne leur aurais fait du mal, jamais!

LouvesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant