Chapitre second :
Trois ans terrestres s'étaient écoulés depuis ce jour-là, Emilie avait désormais quatre ans, la petite fille n'avait plus rien du bébé nonchalant qu'elle était auparavant, elle avait bien grandi et s'était forgé un caractère enthousiaste et assidue. Elle parlait couramment anglais et avait les mêmes cheveux blonds d'apparence éthérées que ceux de sa mère, comme elle par ailleurs, il y avait en Emilie un petit on ne sait quoi de sorti de nulle part.
Elle se trouvait en dehors de la maison ce jour-là, blottie contre un vaste tesson d'herbes hautes qui s'éparpillaient autour d'elle telles des aiguilles qu'une main géante avait planté là, dans le décor. Son regard songeur était absorbé dans la contemplation de la voute céleste ensanglantée par les faisceaux d'un soleil couchant.
C'était une de ces journées où le ciel offrait la perspective d'un canevas si magique que sa description même frôlait la poésie fantastique. En levant les yeux vers le ciel comme le fait Emilie. On pouvait entrevoir, mêlées entre les étoiles naissantes de la nuit, les deux lunes de Mars instantanément l'une à côté de l'autre, l'une cavalant derrière l'autre dans un abominable jeu d'attrape-moi-si-tu-peux indéfini dont les règles sont dressés par nul autre que le temps, jaloux et orgueilleux. Il ne permettait et ne permettra à jamais à l'une de rattraper l'autre.
« Que c'est triste... Les lunes continueront à se suivre sans jamais devenir proches. » Médita la petite fille en y songeant, à l'horizon, le soleil déclinait et la chaleur s'amoindrissait peu à peu laissant le froid dominer l'atmosphère, un sanglot faillit l'engloutir quand dans son dos, elle entendit un bruissement dans le feuillage puis décela un bruit de pas d'une régularité mécanique, la surprise que cela fit en elle, lui arracha un instant son regard hypnotisé par le ciel, elle se cacha le visage en toute vitesse de ses avants bras puis se secoua dans l'espoir de fuir mais ce fut trop tard, le robot avait repéré sa cachette, une fois la fillette en vue dans la pelouse, il tendit son bras vers elle et s'exclama.
« Trouvée. »
Emilie se leva d'un bond, la mine râleuse et s'écria contre le robot, l'accusant d'avoir triché à cache-cache. « Ce n'est pas du jeu Robin ! Je t'avais pourtant expliquée qu'il ne fallait pas utiliser la vision rayon-x dans ce jeu, c'est de la triche ! »
Le robot, offensé par cette accusation injuste secoua la tête, il n'avait pas de vision à rayon x dans son utilitaire, il avait joué le jeu franc mais n'osai pas, par tact se révolter. Du moins même s'il le voulait, il n'aurait pas pu se révolter ni désobéir, son système cérébrale était programmé de sorte à l'obliger à être tolérant et aimant.
« Allons Robin, ne te fâche pas ! » D'un coup violent elle enlaça contre elle, les pieds métalliques dépourvus de chaleur dans une étreinte affectueuse puis elle les relâcha doucement et recula d'un pas.
Chaque jour et c'était devenu une habitude, elle sortait prendre l'air dans le jardin sous l'autorisation de son père, juste avant le couvre- feu, elle en profitait accessoirement pour cueillir des coquelicots factices ou des roses mécaniques adaptées au processus de photosynthèse. (Comme la végétation était peu abondante sur Mars dû au manque fréquent d'eau on avait décidé dans un esprit purement esthétique de décorer les jardins de toutes les maisons de flore artificielle/intelligente.) Mais principalement, si elle sortait ainsi c'était pour jouer avec « Robin. » son troisième parent non-humain, qui vivait en sa compagnie à l'intérieur de la maison quand ses parents étaient au travail et au dehors quand ils étaient à la maison, dans une sorte de remise non loin de la maison que Mr. Deckerson avait spécialement construite pour lui, Robin sortait de sa maisonnette dès qu'elle entendait le bruit de la voix d'Emilie.