Calcédoine

Deux

Cinq heure du matin. Elle se réveille. Incapable de bouger. Elle ne s'en rend qu'à peine compte. Après tout, elle ne sait même pas ce que ça fait. De se lever.

Avant, quand elle avait dans les dix ans, elle pleurait tout le temps. De chagrin, de rage.
Elle s'en voulait, de rêver, toutes les nuits, d'une elle qui ne pourrait jamais exister.
Car oui, elle pouvait marcher, jouer, sortir, rencontrer, et même voler.
Contrairement à la jeune enfant, malade depuis toujours.

Sa grande soeur lui avait gentiment glisser un livre sous son oreiller.
Au cas où elle serait encore prise de ces insomnies.

Elle se disait qu'elle avait de la chance d'avoir une soeur comme ça, une famille comme ça.
Elle remerciait tout le temps le ciel pour ces précieux cadeaux.

Luna était croyante contrairement à ses proches.
Elle lisait beaucoup de livres, et tombait quelques fois sur des ouvrages religieux.

Cette foie, elle l'a tenait d'un garçon. Un ami d'enfance.

Elle l'avait rencontré à l'hôpital.
Ils avaient peut être sept ans.
Chaque mercredi ils se rencontraient lors des ateliers offerts par des bénévoles.
Il ne se connaissaient alors, que de nom.

Un après-midi. Le vent soufflait une légère brise.
Les bourgeons, devenus rouges, se laissaient transporter à son gré.
Quelques nuages étaient parsemés sur le ciel bleu.
"Bleu jaune d'oeuf" comme aimait le dire Sophia à l'époque.
Luna, buvait alors ses paroles comme des prophéties véridiques.
Le ciel était donc bleu jaune d'oeuf ce jour là.

Les bénévoles de l'hôpital amenaient les enfants malades en promenade.
Le lac derrière l'hôpital myriadait de couleurs.
D'animaux.
De vie.

Luna sur son fauteuil, compagnon fidèle, admirait les merveilles de la nature.

C'est là qu'elle parla pour la première fois à Jean.

Il était maigre, fragile, chétif.
De grand yeux marrons faisait éruption sur ce visage blafard.
Sophia ne connaissait pas sa maladie.
Il ne connaissait pas la sienne.

C'est à ce moment, que Jean présenta Dieu à la fillette.
Les yeux de Luna scintillaient face à tant de grandeur.
Les enfants devinrent amis.
Luna trouvait son camarade de plus en plus beau avec le temps.
Il rayonnait presque.

Un jour le petit mourut.
Luna songe parfois à lui.
Elle se dit que c'était son premier amour.
Qui sait ?

Luna se rendormit, le nez dans son bouquin.

A huit heure sa mère vient pour l'aider à se laver et s'habiller.
Elle lui sert ensuite un petit déjeuner.

_Aujourd'hui l'orthophoniste vient à dix heure.

Luna continue a manger sans répondre.

_Allé ma chérie ! Encore un petit effort, tu parles tellement mieux maintenant !
En lui disant ça sa mère lui ébouriffe les cheveux en lui souriant.

Luna lui répondit par un sourire forcé. Elle n'aime vraiment pas ces rendez-vous. Qu'est-ce que c'était frustrant !
Mais quand elle constate son amélioration, un bonheur inouï, voilà ce que c'était.

Luna s'efforçant à rester optimiste débarrassa son plateau avant que sa mère ne le fasse.
Elle n'était pas si dépendante après-tout.

Un jour peut être... Elle retournera à l'école.

******

Le mois de juin arrive à grands pas.

Il fait chaud.
Sophia est pratiquement tout le temps dehors.
Sa mère a finalement décidé de lui laisser un peu de liberté.

_Qu'est-ce que c'est ennuyeux sans elle !

Luna parle à son nouveau chien. Un labrador fidèle.

_Tant mieux que je t'ai, hein ? Sunny ?

Détrompez vous, ce n'est pas une idée de Luna, c'est un grand hasard.
Un mois auparavant, ses parents ont décidé de lui prendre un animal de compagnie pour combler l'absence de l'aînée à la maison.
La semaine qui suit, la grande-tante des filles ne peut plus s'occuper de sa chienne, Sunny.
Voilà les grandes lignes de l'histoire.

Sophia leur a même écrit une chanson, pleins de jeux de mots bien-sûr. En gros Sunny illuminerai la belle lune qu'est Luna... Ou un truc comme ça.

Luna ne s'arrête plus de parler. Ses rendez-vous avec l'orthophoniste sont terminés, elle parle mieux que la plupart des personnes maintenant. Grâce à son opération à la mâchoire elle prononce correctement les mots et maintenant s'amuse même à chantonner des paroles.
Tous ses professeurs particuliers font l'éloge de ses capacités d'apprentissage hors-norme. Surtout pour une handicapée  comme elle. Son autisme semble en être la raison.

On pourrait croire que son seul handicape serait son incapacité à se lever.
Mais tant de travail a été fournit pour atténuer les autres...

_psst, Sunny. Tu veux que je te révèle un secret ?
Un air joueur se dessine sur le visage de l'adolescente.

_Mon rêve, ce serait d'entrer dans cette prestigieuse école !
Luna pointa un prospectus qu'elle avait imprimé plus tôt.

_Chuuuut ! Ne rie pas, je sais bien que ce n'est qu'un rêve.
Elle se blottit contre son chien en ricanant comme une enfant.

Le labrador indifférent se rassit aux côtés de la jeune fille.

Le ciel se mit subitement a déverser ses larmes.