Ma Réalité.

Seule ?

Un garçon ?!

Je me retournais les yeux grands ouverts. C'était un jeune garçon qui devait être à peine plus vieux que moi. Il était métisse et avait des cheveux noirs bouclés. Ses yeux étaient aussi noirs que ses boucles, il affichait un léger sourire.

" Je ne t'ai jamais vu ici. "

Je souris légèrement, me levant pour aller à sa rencontre.

Je suis normale.

Il fut visiblement heureux que je ne sois pas trop timide et que je me lève pour aller le voir.

"Moi non plus je ne t'ai jamais vu."

Il me fit de nouveau un grand sourire.

" Je viens tout les jours ici, au fait, je m'appelle Yassine et toi ?"

Camélia : Je m'appelle Camélia
Anastasia: Chut c'est à moi qu'il parle, je te laisserais être amie avec d'autres personnes.
Lina: Tu lui parleras de moi hein !!
Anastasia: Je ne peux pas parler de vous tu le sais...

Son regard insistant coupa net ma conversation intérieure et silencieuse.

" Excuse moi j'ai des moments où je ne suis plus réellement ici, c'est de naissance"

Mensonge.

"Et je m'appelle Anastasia. "

Je savais si bien mentir depuis le temps que je le faisais chaque jours. Yassine ne posa aucune question et s'assit sur un banc que jusqu'alors je n'avais pas vu. Voyant que je ne bougeais pas il m'invita de la main à le suivre. Je m'exécutai alors.
Il regardait le ciel avec les yeux d'un rêveur, moi je tentais d'empêcher Camélia de prendre le dessus pour râler à cause du vent froid.
Je lâchais un petit bâillement sans faire attention. Yassine se tourna vers moi le regard légèrement inquiet.

" Tu es fatiguée ? Tu devrais rentrer chez toi."

En réalité, j'étais épuisée. Mais parler avec quelqu'un d'autre que Camélia et Lina me faisait tellement plaisir. Je ne voulais pas que cela se termine maintenant. Je voulais rester avec lui.
Mes mains se mirent à trembler légèrement.

Non.

" J..je ... En fait j'ai peur d'être seule..."

Lina !

Lina avait effectivement prit le contrôle du corps. C'était si rare qu'elle le fasse d'elle même. Mais pourquoi maintenant ?!

" Je peux te raccompagner si tu veux."

Le garçon métisse ne prêta pas attention au changement soudain de façon de parler de la fille qu'il avait à côté de lui. C'était incroyable, jamais on ne m'avait pas fixé d'un mauvais oeil après une perte de contrôle. Il était le premier.

Lina sourit alors et sortit timidement notre téléphone de notre poche. Je la laissé faire, je ne sais même pas comment elle arrivait à le faire.

" O...on pourrait échanger n..nos numéros ? E..enfin si ça ne te dérange pas !! "

Yassine fit un sourire et prit lui aussi son téléphone, il énuméra son numéro que Lina s'empressa d'écrire. Comme si les nombres allaient s'enfuir et qu'elle ne pourrait plus jamais lui parler par la suite. Elle lui envoya immediatement un message. Une petite clochette retentit et Yassine fit un encore plus beau sourire.

" Hop ! C'est parfait. "

Lina me rendit alors le contrôle après avoir bégayé un merci. Lina avait pour habitude, quand elle prenait le contrôle, de placer une mèche derrière son oreille. Camélia elle, gardait la frange devant l'oeil gauche. Quand à moi je rabattais ma frange sur le côté. C'était le seul moyen physique de nous reconnaître.
Après avoir marché dans le froid et la ville assez bruyante, on s'est arrêté devant une grande maison, assez grisâtre et sale. J'ai eu honte sur le coup.

" C'est ici... "

Yassine ne releva pas mais fixa la maison presque triste pour moi. Puis il se tourna vers moi.

" À bientôt alors. "

Mon sourire se montra lui aussi.

" À très bientôt ! "

Il sourit de plus belle puis disparu dans les ruelles du centre ville. Partout autour de moi des klaxons retentissaient, des gens hurlaient leur désaccord, des enfants pleuraient , des chiens aboyaient, et portes se claquaient. Je me précipitais à l'intérieur de ma maison, de la sueur froide sur le front. Camélia était hors d'elle et avait envie d'ouvrir la fenêtre pour insulter tout le monde. Lina mourrait de peur. Et moi j'avais un mal à la tête invivable. J'avais toujours eu une angoisse dévorante pour la ville, le bruit et la foule. Mais je n'avais pas d'autres choix que de vivre ici. Seule. Parce que personne ne connaissait mon existence dans cette maison abandonné. Il y faisait froid mais ça restait supportable car le vent n'y rentrait pas. Je m'étais habituée à l'ambiance grise et pauvre de cette maison. C'était mon chez moi. Les anciens propriétaires avaient laissé des meubles. J'avais juste besoin de voler... D'acheter , de la nourriture.

Je suis une fille normale.
Je suis une fille normale.
Je suis une fille normale.
Je suis une filles normale.

Je m'effondrais à genoux les mains sur le visage et me mis à hurler et à pleurer. Personne ne m'entendra. Il y a tant de bruits que personne ne m'entend jamais. J'étais seule. Totalement seule. Je n'avais jamais eu de parents, et j'avais réussi à quitter l'orphelinat à mes 16 ans, prétendant que j'avais trouvé un métier. L'orphelinat était si négligeant qu'il n'avait  pas cherché plus loin.

Je ne suis pas normale.
Je suis seule.
Je suis ratée.
Je suis rien.

Une clochette retentit. Je n'étais pas habituée à ce son. J'avais... J'avais un message ...

" Hey, salut ! Au fait, tu vas à quel lycée ? "

Mes larmes s'écrasèrent au sol, et un sourire vint éclairer mon visage .
Je m'armais du téléphone tactile pour répondre à Yassine. Le nom de mon lycée figurait à présent dans les messages envoyés.

Je ne suis plus seule.