Rachel

2. Normale ? (1)

   Le lendemain Rachel se sentait beaucoup mieux, malgré le réveil matinal. Sa mère était debout : elle était toujours levée avant sa fille pour lui préparer son chocolat chaud, habitude qui durait depuis que Rachel avait six ans. L'écho était toujours là, mais atténué, supportable.

"Bonjour mon chat, comment te sens-tu ?"

- Bonjour mon chat, comment te sens-tu ?

- Bien, beaucoup mieux ! J'avais besoin de dormir je crois.

Elle mangea quatre tartines, bu son jus d'orange et son chocolat en vitesse, comme d'habitude. Ce jour-là elle était doublement motivée : c'était vendredi, dernier jour avant le week-end, et elle avait cours d'Histoire de l'Art avec monsieur Lemier. Elle adorait l'histoire, et elle adorait monsieur Lemier. D'ailleurs, et tous les élèves qui l'avaient eu étaient d'accord là-dessus : monsieur Lemier était certainement le meilleur professeur du lycée. Peut-être parce qu'il était aussi CPE, et que par conséquent son temps était partagé entre les deux fonctions. Il ne passait donc pas toutes ses journées avec des adolescents insupportables qui ne pensaient qu'à manger et à dormir. Je juge, je juge...mais je suis un peu comme ça moi aussi, faut pas se mentir ! Elle embrassa donc sa mère – et au passage Rex, qui s'était installé sur ses genoux pour lécher un peu de beurre sur le doigt de sa maîtresse – et partit.

"Une minute et dix-huit secondes..."

- Une minute et dix-huit secondes de retard, madame Thomas !

- J'ai fait mieux qu'hier, non ? Répondit Rachel, essoufflée.

- Je ne comprends pas comment tu fais ton compte pour être en retard. Tu habites à l'autre bout de la rue, tu devrais être en avance tous les matins !

- Pardon madame Norma, la semaine prochaine je vous le promets, vous n'aurez pas à m'attendre. Je serai là devant la porte, pile à l'heure, avec un café macchiato et un donut vanille !

Rachel ricana gentiment tandis que son amie levait les yeux au ciel.

"Fais gaffe, je vais te prendre au pied de la lettre !"

- Fais gaffe, je vais -

- Héhé, tu pourrais, pourtant tu sais très bien que je ne le ferai pas de toute manière !

"Hé mais... !"

- Hé mais... Tu savais même pas ce que j'allais dire !

- Je te connais bien mieux que tu ne le penses, Normal-girl ! Répliqua Rachel avec un clin d'œil.

Norma leva les yeux au ciel pour la deuxième fois en grognant.

"Arrête de m'appeler comme ça..."

- Ouiii, je sais : "Ce surnom est ridicule, il date du collège, c'est complètement puéril, vous n'avez pas mieux que ce sobriquet débile ?!" Allez Norma, débride-toi un peu quoi, c'est qu'un surnom ! Au fait, je crois que toi aussi tu as battu un record : il est 7h52 et tu as déjà levé les yeux au ciel au moins trois fois ! Alors là, je te tire mon chapeau, je me demande combien de fois tu vas réussir à le faire en une journée entière.

La matinée se déroula sans encombre majeur. Mais Rachel eut beaucoup de mal à se concentrer, l'écho devenait de plus en plus insoutenable au fur et à mesure des heures de cours, et le brouhaha dans sa tête était revenu dès qu'elles étaient arrivées au lycée. Il lui semblait même plus prononcé que la veille. Elle fit ce qu'elle pu pour suivre en sciences éco, puis en littérature et en anglais.

A midi, elle rejoignit les filles au self, mais en arrivant dans le réfectoire, son plateau sur les bras, Rachel réalisa son erreur : il était 12h20, c'est-à-dire l'heure à laquelle le bahut entier va manger à la cantine. Elle s'assit à la table où venaient de s'installer ses amies, se demandant si elle pourrait supporter le bruit très longtemps sans avoir une migraine terrible. En voyant son air abattu, Lilou prit un ton inquiet :