Le Chasseur Chassé

Partie 1

  Le bourdonnement d'une abeille près de mon oreille m'extirpa brutalement de mon douloureux sommeil. Lorsque mes yeux s'habituèrent à la puissante luminosité du soleil, perché haut dans le ciel, je fus sidéré de constater que j'étais étendu à même le sol, sur un lit d'aiguilles de pin et cerné d'immenses connifères au tronc noueux.

  Une terrible angoisse secoua mon corps étrangement velu, avec la force d'une vague déferlant sur une mer enragée, puis se brisant sur une falaise abrupte aux roches saillantes. Gémissant de douleur, je relevai tant bien que mal la tête et scrutai les alentours. Quelques oiseaux gazouillaient sur les ramures des pins, accompagnés du bruissement des sombres feuillages. Je voulus me relever mais cela fut un misérable échec. Puis, lorsque tous mes sens me furent revenus dans une cacophonie épouvantable de douleur, une nauséabonde odeur de chien mouillé, d'excrément et de terre violenta mes narines. Sur mon corps je découvris, ébahi, une peau de loup qui recouvrait tous mes membres. C'était une belle bête. Peut-être l'avais-je tué avant de m'endormir ; idée qui me paraissait néanmoins saugrenue. Mais tout cela pouvait s'expliquer par la fatigue endurée depuis deux jours déjà de chasse aux loups. Avec mon ami, éleveur de moutons dans le Jura, tout comme moi d'ailleurs, nous étions partit traquer le maudit loup qui terrorisait notre bétail depuis plus d'un mois, mais sans succès.

  Je cherchai du regard mon acolyte, mais ne vis que l'immensité de la forêt qui se couchait sur encore bien des vallons et montagnes. Malgré ma troublante solitude, je discernai non loin de moi mon fusil qui, déjà, commençait à se recouvrir de déchets végétaux. Je soupirai, exaspéré. Décidément, j'avais été bien fou pour m'endormir au cœur de cette lugubre forêt avec, en prime, un cadavre qui faisait office de couverture.