Un aboiement lointain fit tressaillir mes oreilles, suivit d'autres de plus en plus près et féroces. Soudain, entre les grands pins empêtrés de ronces, un chien fit son apparition, en tête d'une meute d'une vingtaine d'individus. Ils étaient assez imposants de mon point de vue et pire encore, leurs babines étaient atrocement retroussées, laissant paraître là des canines par centaines. Pourquoi me grognaient-ils dessus ? Je ne leur voulais pourtant pas de mal. Je reculai maladroitement, de crainte qu'ils ne passent à l'assaut. Malgré cela, ils ne bougèrent pas, au contraire, ils campèrent un peu plus sur leur position. Tout-à-coup, un appel résonna parmi les arbres. Les chiens répondirent à cet appel puis, avant même que je ne comprenne de quelle manœuvre il s'agissait, un grand homme surgit des ténèbres. Son visage creusé par la fatigue exprimait néanmoins une profonde résolution, révélant un sourire carnassier. Il me fixa, cruellement exalté puis, dans la seconde qui suivit, braqua son fusil dans ma direction. La peur me saisit aux tripes, me faisant ainsi prendre conscience de l'ampleur de la situation.
Alors, d'un bond que je ne soupçonnais même pas capable, je fuis la mort. La vitesse me grisa. Le vent me sifflait aux oreilles, mes pattes anticipaient naturellement chaque changement de terrain et mes yeux furettaient chaque recoin sombre de la forêt, prêt à m'avertir d'un danger imminent. Je percevais, dans ma fuite précipitée, les aboiements et le piétinement rapide des chiens de chasse, ventre contre terre. Je n'avais nul idée où me dissimuler, car je pressentais déjà que mes assaillants étaient dotés d'une résistante endurance. Ma seule chance de m'en sortir était de trouver un endroit où me tapir. Seulement, il fallait que je choisisse vite et bien. L'adrénaline, au plus fort dans mes veines, me faisait oublier le mouvement de mes longues et fines pattes grises éclaboussées de boue. Je sentais ma colonne vertébrale se tendre puis se courber pour accélérer enfin ma course. L'incroyable mécanisme du loup fonctionnait à merveille. Soudain, je captai une odeur particulière, ou plutôt familière. Elle était semblable à la mienne, mais accompagnée à celle du sang, et vint imprégner mon odorat telle une bourrasque de vent glacial. Alors, sans plus réfléchir, je changeai d'un souple mouvement la trajectoire de ma course, puis m'enfonçai dans une partie de la forêt encore plus menaçante et mystérieuse. Les arbres centenaires, voir millénaires, courbaient leurs vieux bras au-dessus de leurs progénitures, masquant ainsi toute lumière du ciel. Leurs troncs abîmés et pour certains tordus, servaient tous d'accroches au lierre grimpant jusqu'à leurs cimes. Le sol tapissé de feuilles était souple, facilitant ainsi ma course.
Je fuyais toujours la meute qui se rapprochait dangereusement de moi, et je suivais toujours l'odeur qui ne cessait de faiblir, et qui m'attirait irrésistiblement et instinctivement.
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Le Chasseur Chassé
FantasíaDepuis des millénaires, l'homme et le loup sont d'éternels adversaires. Dans cet ouvrage, le chasseur devient la proie et se voit trahir par l'un des siens car lorsque nous sommes différents, certains chercheront toujours à nous éliminer, et ce depu...