les lettres de Gabriel

4 Janvier

Le lendemain, je me réveille difficilement. J'ai passé toute la nuit à me poser des questions à propos de mes lettres. Et j'avais cherché des excuses à présenter à tante Aude. Je n'avais pas voulu lui parler ainsi j'avais été cruel mais j'étais en colère et j'avais besoin de me défouler. Elle avait été la première personne à croiser mon chemin et c'était donc malheureusement tombé sur elle. Je regrette amèrement mon comportement. Je tiens beaucoup à ma tante et j'ai vu dans son regard qu'elle avait été blessée.

Je me lève et me rend dans la salle de bain. De vilaines traces violette creusent mes yeux. J'allume l'eau de la douche, me déshabille et passe sous le jet d'eau. Je laisse longtemps couler l'eau sur mon corps avant de me décider à me laver.

Une dizaine de minutes plus tard, je descends dans la cuisine. Mon père est installé devant le plan de travail comme chaque matin. Une tasse de café devant lui, toujours intacte.

Je cherche du regard ma tante mais ne la trouve nulle part.

-Tante Aude est partie?

Il lève doucement la tête en soupirant et se masse les tempes avec les doigts.

-Elle est partie précipitamment hier soir elle m'a dit qu'elle n'allait pas très bien. Elle avait besoin de se reposer ne t'en fais pas elle revient ce soir.

J'acquiesce lentement de la tête. Je sens la culpabilité monter en moi. Mais inutile de parler de cela avec mon père. Je ne pense pas qu'évoquer ma mère serait une bonne idée. Voyant qu'il ne touche pas à son café, je lui prend sa tasse pour la boire. Il ne réagit pas et reste la tête entre les mains. Je regarde l'heure.

-Tu dois y aller, papa.

Il se lève de son tabouret, enfile sa veste puis prend sa sacoche.

-À ce soir, lâche-t-il.

En entendant la porte se fermer derrière lui, je verse le café dans l'évier. Il est totalement immonde. Je finis de me préparer puis je vais au lycée.

Une fois arrivé là-bas, je vais en cours de sport. Je vais me changer dans les vestiaires et je retrouve Jonah et Tom. Tous les deux me gratifient d'un sourire suivit d'un salut.

-T'as pas l'air dans ton assiette, me fait remarquer Tom.

-Je vais bien.

-Tu es sûr? Tu n'as pas vraiment l'air bien, affirme Jonah.

-Je vais bien! m'exclamé-je d'une voix sèche.

Les discussions s'interrompent un instant et je sens des paires d'yeux posées sur moi. Je fais comme si de rien n'était. J'enlève mon pull pour mettre un t-shirt. Les discussions reprirent.

-Désolé mec, marmonne Jonah.

Je renifle légèrement en signe de réponse et reste silencieux. Nous allons ensuite dans le gymnase. Aujourd'hui nous faisons escalade. Le professeur nous explique encore et toujours les règles de sécurité puis il nous place en binôme. Je me retrouve avec Kim.

Elle s'avance vers moi d'un pas joyeux. Ses longs cheveux blonds attachés en queue de cheval se balancent dans son dos. Elle place ses mains au creux de ses hanches et me sourit.

-Allez, fais moi grimper au septième ciel! s'exclame-t-elle avec un sourire coquin.

Je lève les yeux au ciel et la pousse du coude. Elle rigole puis s'équipe du matériel. Nous allons tous les deux au mur le plus haut de la salle. Personne ne vient avec nous. Nous sommes seuls. Elle commence à grimper sur le mur et progresse rapidement. Je l'observe depuis le sol et elle arrive bientôt en haut du mur. Elle disparaît un instant puis sa tête apparaît.

-Prêt à me faire descendre?

Je lève le pouce en signe d'approbation. Elle se met en place et se laisse tomber le long du mur pendant que je la sécurise. Nous échangeons nos places et je commence à grimper sur le mur.

-Jonah et Tom m'ont dit que tu n'avais pas l'air très bien d'aller aujourd'hui. Tout va bien?

Je m'arrête un instant et ferme les yeux. Les salauds.

-Je vais bien.

-Tu es sûr?

Je fais comme si que je ne l'avais pas entendu mais elle répète sa question.

-Je vais bien! crié-je.

Ma main se resserre sur ma prise mais mon pied dérape. Je perds rapidement l'équilibre et dégringole. Je tends désespérément mes bras à la recherche d'un appui mais mes doigts ne rencontrent que le vide. Je rentre soudainement en contact avec le tapis et une douleur monte tout le long de mon dos. Je jure entre mes dents.

-Oh mon Dieu, Gabriel!

Kim se précipite sur moi et se laisse tomber à genoux. Elle agite ses mains au dessus de mon corps ne sachant que faire. Son visage est devenu blanc comme un linge, elle panique tellement qu'elle risque d'en faire un malaise. Elle se confond en excuses et plaque ses mains sur sa bouche pour étouffer un sanglot. Je me redresse péniblement. Elle tente alors de m'aider mais je la repousse. Elle tombe sur les fesses et ses lèvres font la moue.

-Fais chier, Kim! Au lieu de faire ta fouille merde tu aurais dû me sécuriser.

-Je suis désolée, Gab.

-Gabriel? Tout va bien? s'écrie le professeur en accourant vers nous.

C'est la fois de trop. Je me dégage de mon matériel et sors du gymnase à grandes enjambées. Chaque pas est un supplice mais je tiens bon.

Au final, mes amis n'ont pas changé. Ils ont toujours pitié de moi. Je l'ai vu dans les yeux de Jonah et Tom dans le vestiaire. Je l'ai vu dans ceux de Kim dans le gymnase. Ils ne font que simuler. Je pensais que tout était redevenu à la normal. Qu'ils me considéraient de nouveau comme le Gabriel d'avant. Mais existe-t-il toujours?

Bien sûr que non. Il est mort en même temps que sa mère. Disparu à jamais. Détruis.

***

Je serre ma lettre entre mes doigts. Mes pieds me guident jusqu'au cimetière. Je vais jusqu'à la tombe de ma mère lorsque je vis une silhouette penchée dessus. Elle a ma boîte posée sur les genoux. Elle pose une lettre à l'intérieur puis la ferme. Elle se redresse et j'ai alors le réflexe de me cacher derrière un arbre. J'avais donc raison? On me prenait vraiment mes lettres?

Puis je réalise que je n'ai pas à me cacher et si quelqu'un est bien en tord ici c'est cette personne et pas moi. Lorsque je sors de ma cachette, la personne a disparu. Je cours jusqu'à la tombe et fais un tour sur moi-même. Plus aucune trace de cet inconnu. Je jure entre mes dents.

Puis je me souviens alors que cette personne avait glissé une lettre dans la boîte. Je me précipite alors dessus. En l'ouvrant je tombe sur une enveloppe rose. Un rire nerveux m'échappe. Une enveloppe rose? Me ferait-on une déclaration d'amour?

Je la prends et je remarque que je tremble légèrement. Je la tourne et retourne dans tous les sens à la recherche d'un nom ou d'un quelque chose. Mais il n'y a rien.

Je l'ouvre alors.

Cher Gabriel,

Je suis tombée par hasard sur ta boîte. Tu dois te demander quel hasard puisque ta boîte était cachée derrière un pot de roses. Tout simplement parce que j'aime fouiner un peu partout et que le hasard a voulu que je tombe sur ta boîte. Étant très curieuse je l'ai ouverte et j'ai lu tes lettres.

Cela a dû être difficile de perdre ta maman. Je sais à quel point c'est dur de perdre quelqu'un que l'on aime. J'ai moi-même perdu des personnes que j'aimais.

Je sais que tes lettres sont adressées uniquement à ta mère mais j'ai été touché par tes mots et ma curiosité veut en savoir plus. Ne me prend pas pour une psychopathe par pitié. Je comprendrais que tu cesses de mettre tes lettres dans cette boîte par ma faute. Mais si tu me le permets, j'aimerais continuer à les lire.

-AXXXX