Chapitre 1 partie 1

8 0 0
                                    


Mercredi 23 mai 17 h 36   :        Je remercie le chauffeur et descend du taxi, ma valise à la main j'avance dans la cour de la maison de mes grands-parents.

- Mamie ! m'exclamais-je en m'élançant vers elle, oh mamie, je suis venue par le premier train, je suis désolée je n'avais pas pu lire tes messages plutôt.

- Ne t'inquiète pas ma chérie, ça a été, mais maintenant que tu es là ça ira mieux. Tu sais je ne suis pas seule, tes oncles et tantes arriveront demain et, oh ma chérie je suis si contente que tu sois arrivée...déclare-t-elle d'une voix faible, imbibée de sanglots dissimulés, qui me broya le cœur.

Soudainement je vis son sourire apparent s'effondrer et laisser place à un visage ravagé par la douleur profonde d'un mari perdu trop tôt. Des larmes jaillirent et inondèrent son visage aussi brusquement que j'avais vu son sourire s'effacer. Sa douleur me rappelait la mienne tout en stimulant et en m'obligeant de ne pas pleurer pour la soutenir. Douleur d'un mari choyé et aimé, douleur d'un grand-père servant de père, disparu.

21h40 Dormir je ne pouvais pas, manger je n'y arrivais pas, penser à autre chose je ne voulais pas, c'est donc le ventre vide que je me dirige vers ma chambre une fois ma grand-mère couchée. Je saisis mon ordinateur et commence à rassembler dans un dossier les photos et vidéos de famille où il est encore là avec nous. Je me laisse bercer par mes sanglots sans fin tout en réalisant un diaporama pour la soirée d'adieu de jeudi soir. Il est presque une heure du matin lorsque je reprends conscience du temps et de ce qui m'entoure. Je commence à écrire quelques lignes dédiées à mon grand-père pour la cérémonie, je me noie aussitôt en larmes, oui, mon cerveau a entendu qu'il est décédé, mes glandes lacrymales se sont mises à fonctionner automatiquement dés l'annonce de la mort. Mais ce n'est que maintenant en écrivant ces lignes au passé que je réalise réellement, mon grand-père est mort ; plus jamais je ne lui parlerai, plus jamais je ne lui prendrai la main, plus jamais quelqu'un ne m'expliquera les fractions comme lui, plus jamais je ne le verrais. Cette dernière phase analysée par mon cerveau finit de me faire comprendre : mort c'est commencer les phases par « plus jamais ». Je décide finalement d'écrire un discours au présent, il sera présent à jamais dans nos souvenirs ce qui est une excellente raison pour lui parler directement. Les premières lignes me donnent l'impression d'enfoncer un couteau dans ma chair, puis l'idée de lui parler comme s'il était face à moi me calme et apaise ma douleur.

Jeudi 24 mai 7h53

Je me réveille avachie sur le tapis du grenier mon ordinateur posé à quelques mètres, des cartons m'encerclant, je me suis attelée au rangement de la maison et notamment du grenier, après avoir rédigé mon discours. Le reste de la famille devrait nous rejoindre en fin de matinée et je dois donc préparer un buffet avec grand-mère ; Je retrouve cette dernière dans le jardin, les yeux embués une photo de mon grand-père posée sur les genoux. Je la serre tendrement dans mes bras et m'empresse de préparer un petit-déjeuner. Quelques instants plus tard, après quatre oranges pressées et une boite de céréales vidée je m'installe à ses côtés. Nous déglutissons avec lenteur, puis je retourne au grenier finir mon travail de la nuit précédente. Je découvre un lourd carton portant mon prénom, n'y prêtant pas attention, je continue de ranger puis je descends préparer un semblant de repas pour le déjeuner. Une heure et demie plus tard, deux tantes et mon oncle arrivent bientôt suivie de leur troisième sœur, les enfants autour d'eux. Les plus jeunes sont insouciants et se tirent la langue en riant et les plus âgés restent immobiles après les embrassades, gênés par les circonstances de retrouvailles. Je suis très proche d'une de mes cousines, Justine, qui me sert longuement dans ses bras, sans prononcer le moindre mot. Pendant le repas Justine a été placée à la table des adultes, ayant un an de plus que moi. En revanche je suis chargée de la table des enfants, interrompue par moments par un petit cousin qui ne sait pas couper sa viande, le reste du temps, perdue dans mes pensées j'ignore mon environnement.


Quelques grains de sableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant