Chroniques d'Abys : Yaële

Un matin comme un autre ...

Driiiing ! Driiiing !

-P'tain …

Un bras souleva la couette et fracassa le réveil. Son propriétaire, une jeune fille à l'air de zombie mal réveillé, sortit la tête des draps, complètement ébouriffée. Elle se passa la main dans les cheveux, et soupira. De pâles rayons de soleil illuminaient la chambre à travers les rideaux accrochés à la porte-fenêtre. La jeune fille regarda l'heure, et vit qu'il était déjà 11 heures. Elle sourit. C'était le premier jour des vacances de Noël, elle pouvait enfin souffler un peu. Elle ne voulait plus qu'une chose à présent : se détendre !

Une voix la fit sortir de ses pensées.

-Yaële ! Yaëëële ! Il serait peut-être temps que tu te réveilles, ma chérie !

-Ouais, j'arrive m'man !

Elle soupira à nouveau, et se leva. Elle se dirigea vers son armoire, et observa son reflet dans le miroir collé à une des portes. C'était une adolescente maigre et plutôt grande pour son âge. Il n'y avait qu'une chose que Yaële détestait chez elle : ses yeux. Ils étaient d'une couleur rouge sang, aux reflets dorés, comme des flammes. Souvent, les gens la regardaient de travers, la mettaient à l'écart, ou même avaient peur d'elle. Seuls ses proches pouvaient la regarder dans les yeux sans frissonner. Elle se sentait trop souvent anormale, différente … Parfois, en revenant du collège, elle s'était effondrée dans les bras de sa mère en pleurant, en lui demandant pourquoi elle était comme ça. Mais au fil des années, elle avait su prendre du recul, et se détacher du regard des autres. À présent sa devise était « il vaut mieux être seule que mal accompagnée ». Bien sûr, des fois elle craquait, mais à chaque fois elle se relevait. Petit à petit elle se rapprochait de son rêve : devenir majeure, et libre, pour partir faire le tour du monde. Elle espérait réussir ceci depuis sa toute petite enfance. Elle rêvait en permanence de grands espaces et de voyages infinis. Son village, sa région, son collège … Tout cela l'étouffait, la brisait. Mais désormais elle était tranquille pour deux semaines. Après, elle retournerait encore une fois au collège, dans sa classe de troisième, et cela l'angoissait, comme à chaque fois. C'était toujours le même scénario. Elle se rappelait avec horreur sa rentrée en sixième … Les élèves l'avaient insultée, méprisée, regardée avec dégoût ou effroi … Le soir même, elle avait pleuré pendant deux heures, blottie dans les bras de sa mère. Depuis toujours, l'école était pour elle synonyme de torture et de prison. Et de plus, elle n'arrivait pas à comprendre les cours, elle était constamment dernière de la classe. Comme si avoir les yeux du Diable ne suffisait pas, il fallait aussi qu'elle soit trop stupide pour pouvoir ramener une seule bonne note à la maison ! Parfois, elle détestait réellement sa vie. Elle en voulait à ses parents de l'avoir fait naître comme ça. Ses parents … Ils étaient toujours là pour la soutenir. Jamais ils ne la frappaient, ni même la grondaient pour ses mauvaises notes ou pour son comportement à problèmes ... Ils avaient très vite découvert que Yaële était claustrophobe, et qu'elle avait une peur panique de la foule et des contacts physiques. Malheureusement, ses camarades l'avaient eux aussi vite compris, et ils trouvaient cela extrêmement amusant de se servir de ses phobies pour la traumatiser. Sauf qu'ils ignoraient la violence des réactions de la jeune fille. Quand elle sombrait dans la terreur, elle devenait plus proche de l'animal que de l'humain. Elle se métamorphosait en bête sauvage, agressant tous ceux qui tenteraient de l'approcher. Une fois, alors qu'elle était au CP, un garçon de CM2 l'avait enfermé dans les toilettes, qui ne possédaient aucune fenêtre. Rendue folle par l'angoisse, la gamine avait défoncé la porte et sauté sur l'enfant. Ce jour-là, elle avait failli le tuer, en lui fracassant la tête contre un mur. Depuis, elle était vue comme la gamine possédée, l'animal sauvage ... Ses parents souffraient de cette situation, elle le savait, mais personne ne pouvait rien pour elle, et cela, tous en avaient conscience.