Une journée un peu moins ordinaire ...

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La jeune fille resta plantée là, sur la route. Tout était recouvert de cendre autour d'elle. Ses yeux s'emplirent de larmes, qui ne pouvaient couler. La jeune fille ne voulait pas les sentir ruisseler sur son visage, cela aurait donné une dimension réelle au cauchemar qui s'étalait devant elle …

Sa maison brûlait. Les flammes dévoraient les murs, et brisaient les fenêtres. Le verre volait autour d'elle, accompagné par les rugissements du feu.

Yaële était seule. Totalement seule. Ni sa mère, ni son père, ni sa sœur ne se trouvaient à côté d'elle, pour pleurer avec elle. Elle était seule. La souffrance se décida enfin à couler le long de ses joues, lui arrachant un cri de douleur mêlé de rage. Le ciel se teintait de rouge et de noir, couleur de sang et de mort. L'adolescente se leva et se précipita devant le bâtiment en se mettant à crier :

- MAMAN !! PAPA ! JUN !

Les larmes se transformèrent en torrent, qui emportait toute la douleur de la jeune fille avec elles. Elle hurlait à en perdre la voix, s'arrachant les cordes vocales. Elle pénétra dans la maison en flammes, écartant les portions de murs et les poutres avec la force du désespoir. Son cœur battait à tout rompre, sa respiration s'affolait, sa peau commençait à se couvrir de cloques et d'entailles, mais elle persistait. Elle refusait de croire que sa famille avait pu mourir. Ils ne pouvaient pas l'abandonner, ils n'avaient pas le droit ! La terreur obscurcissait son esprit, l'empêchant de raisonner correctement et de se rendre compte que la bâtisse pouvait s'effondrer d'un moment à l'autre. Elle monta à l'étage et se rua dans la chambre de sa sœur.

Yaële s'obstinait à chercher, quand un craquement retentit au dessus de sa tête. Une poutre massive tomba juste devant la jeune fille, soulevant une gerbe d'étincelles et l'aveuglant momentanément. Le sol s'ouvrit sous ses pieds, et elle chuta à travers les débris. Elle atterrit violemment, miraculeusement épargnée par le feu. Sa tête heurta une brique, et l'adolescente poussa un bref cri de douleur. Elle peina à se redresser, sentant ses jambes trembler sous son poids. Tout son crâne la lançait, parcouru par des éclairs de souffrance pure. En se relevant, elle sentit un liquide chaud couler le long de son ventre. Lentement, elle souleva son t-shirt en lambeaux, et retint un hoquet d'effroi. Une plaie hideuse barrait son abdomen, laissant son sang s'écouler hors d'elle en même temps que sa vie. La douleur arriva ensuite, comme un coup de fouet, et elle cria. Ses jambes cédèrent, la laissant tomber dans la cendre. Elle plaqua ses mains contre sa blessure, pour tenter de contenir le flot écarlate. Un gémissement ténu franchit ses lèvres, puis les ténèbres l'emportèrent. Des cris emplissaient sa tête, tantôt haineux, tantôt mélancoliques. Petit à petit, ils baissèrent en volume, pour finir en murmures incompréhensibles. Le froid l'envahit, et seul un battement de cœur régulier et puissant rythma la pénombre …

Bip. Bip. Bip. Bip. Bip. Bip. Bip. Bip.

Ce bruit régulier la sortit de son coma. Ses paupières se soulevèrent faiblement. Elle voyait flou, et n'arrivait pas à aligner une seule pensée cohérente. Elle n'arrivait même plus à bouger un seul doigt. Tout son corps la faisait souffrir.

Elle referma les yeux, priant pour la douleur cesse. Elle sombra à nouveau dans ses rêves étranges, lui accordant un repos éphémère.

La jeune blessée se réveilla à nouveau quelques heures plus tard. La douleur s'était un peu atténuée, lui permettant de réfléchir à peu près normalement. Elle ouvrit à nouveau les yeux, et observa l'endroit où elle se trouvait. Elle était couchée dans un lit, recouverte d'un drap blanc. Les murs aussi étaient blancs, tout était blanc, de la table de chevet jusqu'aux rideaux accrochés à la porte-fenêtre. Elle comprit que le bruit qui l'avait réveillé provenait d'un moniteur cardiaque posé sur la table.

Chroniques d'Abys : YaëleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant