Alors que je vivais mon vingt-cinquième hivers, une menace autre que les clans rivaux fit son apparition. Il fallut un peu de temps pour que le clan comprenne que ce qui lacérait nos enfants chaque nuit était un animal immense et affreux. Une bête atroce, et terrifiante, tout en muscle, couverte d'une fourrure plus sombre que les nuits éternelles, des crocs plus tranchants que nos haches, des griffes longues comme nos dagues. Un soir, alors que le monstre se livrait à son carnage habituel, le clan décida de l'éliminer définitivement, et lança ses meilleurs guerriers, moi compris, à l'encontre de la bête.
Le combat fut rude,l'acier volait dans les vents de l'hiver, se battant contre l'ivoire tranchant, le sang tourbillonnait avec les flocons, et recouvrait le sol d'une saillante couleur rouge. Les sinistres échos des coups de griffes contre les lames d'aciers résonnaient dans le froid, accompagnés du bruit écœurant de la chair tranchée et des cris meurtris des vaincus. Très vite, le glorieux combat tourna au charnier, les corps de mes camarades gisaient sur la neige, dans une mer de fer et de sang.
J'étais seul contre ce Loup, immense,au moins aussi haut que moi, et sûrement trois fois plus lourd. Tel deux combattants, nous nous tenions face à face, épuisés, blessés, lassés de cette confrontation sanglante et éternelle. Sa fureur était immense, presque palpable, et la mienne ne cessait de grandir,dans une folie courroucée, nous nous lançâmes tout deux l'un vers l'autre. Le choc fut d'une violence indicible, les chairs s'ouvrirent, le sang coula et recouvrit le givre, je chus, sa fureur fut plus grande que la mienne. Avant de mourir, je laissai s'échapper un hurlement de douleur et de rage.Attiré par ce bruit, les autres membre de mon clan accourcirent, virent le carnage, et la bête toujours en vie. La panique gagna alors leurs rangs, la terreur envahit les plus braves guerriers, ils cédèrent tous à la peur. Je sentais le sol gelé contre ma joue, mon corps brûlant de haine et de rage, une fureur liquide coulait dans mes veines, une rage dévorantes'emparait de moi. Mon courroux ardent m'anima, une nouvelle vigueur parcourait mon corps, ma furie destructrice se matérialisa par un cris grave et puissant.
Je ne me souvins de rien entre ce moment, et celui où je retrouvai mes esprits. J'étais debout, le poing armé, près à frapper. Mon autre main se trouvait dans le monstre, j'avais visiblement percé ses cotes, je sentais son cœur battre faiblement dans ma main. Sa gueule, comme tout son corps,était en sang, il était couvert de nombreuses blessures et hématomes, et une de ses pattes gisait plus loin. Il haletait bruyamment, son agonie semblait horrible, j'y mis fin en resserrant ma main sur son cœur, avant de le déposer à terre.
Ce n'est que là que je vis le véritable carnage qui m'entourait. Des dizaines de carcasses, des masses de chairs indescriptibles traînaient dans la neige, le sang mêlé aux flocons cristallins. Je me demandais quel sorte de bête pouvait réaliser pareil abomination, et c'est seulement quand je vis un enfant du clan me pointer du doigt en hurlant que je compris. Mon courroux autrefois si vénéré était l'auteur de ces horreurs, mon don de rage suprême avait fait de moi un être méprisable.
Plus tard, le conseil des Anciens me jugea pour mon effroyable crime. Ils firent preuve d'une grande clémence en me laissant vivre, ils n'étaient de toute façon pas capable de m'ôter la vie. Ma peine fut donc l'Exil. Sans plus attendre, et en remerciant les Sages de leur bonté, je partis, haïs de tous, avec pour seule compagne ma fidèle hache.
Aujourd'hui j'arpente les lieux les plus dangereux à la recherche d'adversaires valeureux, pour combler l'ennuie, et oublier ma peine et ma douleur dans le sang et les combats, comme certains le font dans l'alcool. Je me suis juré à moi même de faire face à cette rage, de la contrôler, de ne plus jamais la laissé s'emparer de moi.
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Arkos L'Exilé
FantasyCour récit de la triste chute d'un puissant héros, ancien élu d'une sanglante et glorieuse prophétie, aujourd'hui en exil et pénitence