Arkos L'Exilé

Prophétie des Neiges

Je suis Arkos, je viens des contrées glacées du Grand Nord, les gens d'ici nous appellent barbares, mais nous avons un nom, choisi par nos ancêtres, nous sommes Les Argehins.

J'arborais jadis fièrement le titre d' « élu », aujourd'hui je ne suis plus que l'ombre discrète et inoffensive du puissant guerrier que j'étais autrefois.

Dans la blanche région où je vivait,une légende courait de bouche en oreille, s'intensifiant par les paroles, s'enjolivant au fil de ses récits, elle parlait d'un guerrier qui terrifiait même la mort, si bien qu'elle n'osa jamais venir s'emparer de lui tant son courroux était dangereux, craint et puissant.

J'étais donc le guerrier de la légende, celui dont la rage faisait trembler la Terre et pleurer le Ciel, celui que nul n'osait défier, celui qui était destiné à mener notre clan vers un avenir radieux de conquêtes et de batailles héroïques, mais les événements ne suivirent pas le fil fantastique de la Légende.

Ce don était en moi depuis mon plus jeune âge, attendant sagement son heure, enfoui au plus profond de mon âme. La première fois qu'il fit surface et qu'il me sauva des griffes la mort, j'avais à peine dix ans. Notre clan est nomade, nous suivons les troupeaux ou poursuivons d'autres clans en fuite. Dans les pays du Grand Nord, le sol est recouvert d'une neige écarlate, rougie par le sang des faibles. Le ciel est toujours noir, assombri par la guerre qui règne en ces tristes plaines. Nous voyagions donc dans le froid, bravant la tempête et les risques du climat.

Ma mère Mina, bien que forte et robuste, était tombée malade, affaiblie par son affliction, elle marchait à l'arrière, lentement. L'enfant que j'étais ne pouvait se résoudre à laisser sa mère mourir de froid, seule dans la neige, c'est pourquoi je désobéis au clan en lui portant secours. Malheureusement son état déplorable nous détacha du groupe.

C'est ce moment que choisit la mort pour venir nous chercher, Elle trépignait d'impatience à l'idée d'accueillir deux nouveaux damnés, si bien qu'elle tira les files du Destin et mena jusqu'à nous une escouade de reconnaissance d'un clan rival. Nous étions deux contre douze, un enfant et une mourante contre douze guerriers, armés et entraînés. Je sentis alors la Colère monter en moi, et voulant protéger ma mère, je me jetais frénétiquement sur un de mes opposants. Il n'eut aucun mal à éviter le coup, et me lança violemment sur le sol glacé, les douze couards coururent vers nous et nous battirent à coups de pieds.

Fou de rage, et aux portes de la mort, mon don fit surface pour la première fois, alors qu'une volée de coups brutaux déferlait sur moi, je poussai un hurlement tellement violent et grave qu'il déstabilisa mes opposants. Les coups encaissés ne me faisaient plus mal, je me sentais parfaitement  bien, mon sang était brûlant d'une fureur indescriptible.

A mon réveil, j'étais allongé aux cotés de ma mère, dans le froid et la neige, douze cadavres déchiquetés gisaient près de nous, je n'avais aucun souvenir du sinistre carnage auquel j'avais participé. Alerté par mon cris, le clan revint sur ses pas et nous trouva, ma mère et moi, seuls. J'étais en vie, mais elle n'avait pas eu cette chance, et ce à cause de ma faiblesse. Si j'avais été plus fort, j'aurais pu empêcher la mort de s'emparer d'elle. C'est pourquoi je jurai à moi même de devenir le plus puissant guerrier ayant jamais foulé les étendues glaciales du Nord. Depuis ce jour, mes yeux et mes cheveux sont blancs, comme la peur que j'inspire à mes ennemies.

Le clan, heureux de compter parmi eux un si farouche combattant m'entraînait sans cesse, les meilleurs d'entre eux se relayaient pour m'apprendre les plus violentes façons de voler une vie. A mes dix-huit ans, j'étais déjà un grand guerrier, un tueur aguerri, et destiné à devenir le chef de notre clan. Ma vie n'était que neige et guerre, et j'usais de mon don pour gagner les batailles, les unes après les autres,inlassablement, jusqu'à ce que mon nom soit craint par tous les habitants de ces terres gelées. Néanmoins, un jour quelque chose vint mettre fin à cette belliqueuse utopie.