Le fer

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La vie au couvent était encore pire que Mary avait pu l'imaginer. Elle ne dormait que quelques heures par nuit, le reste de son temps étant consacré aux prières et aux tâches quotidiennes. Elle cherchait le moins espace de temps dans ses journées pour écrire à Edward, sans forcément le trouver. Elle ne reçut ses lettres pour la première fois qu'au bout d'un mois.

La mère supérieure l'attendait dans la loge d'entrée, lui ordonna de s'assoir sur la chaise en bois dur et ouvrit un casier à son nom. Les enveloppes en coulèrent presque. Elle lui tendit l'impressionnante pile sans un mot et lui ordonna de partir.

Elle s'enferma dans sa cellule, elle avait dix minutes avant la prochaine messe pour en lire le plus possible. Elle en avait une de sa mère qui lui expliquait en quelques mots les dernières nouvelles de Plymouth, les jeunes filles qui s'étaient mariées, les derniers amis de son pères qui étaient décédés. James lui en avait envoyé quatres, une par semaine donc, où il racontait ce qu'il faisait et combien elle lui manquait. Elle les parcourut en moins d'une minute, ne s'attardant pas sur les fioritures de langue de son fiancé. Toutes les autres étaient d'Edward. Il devait y en avoir une trentaine.

Il avait tenu sa promesse... Il ne restait plus qu'à espérer qu'il ait reçu les siennes.

Elle ouvrit la première enveloppe tremblante. Son écriture était maladroite et tremblante. Elle se maudit de ne pas avoir insisté lorsqu'elle avait voulut lui apprendre à écrire. Il lui parlait de tout ce qui leurs plaisait : la liberté, la couleur de la mer à l'aube, les rires des cloches des églises, le goût des tourtes chaudes des auberges. Il disait combien il l'aimait et combien elle lui manquait.

Il n'avait pas signé mais avait dessiné un albatros volant devant un crépuscule à l'encre verte. Comment avait-il pu trouver de l'encre verte ?

Elle en ouvrit plusieurs autres, toutes commençaient par "Mon Hirondelle" ou "Ma chère Hirondelle". Elle pouvait voir les progrès de calligraphie effectués de lettre en lettre. Sur chacune d'entre elles, des nouvelles choses, des milliers de minuscules idées qui lui semblaient si vivantes et si honnêtes quand Edward les lui dépeignait.

Le clocher sonna le début de la messe. Elle était en retard et avait intérêt à se dépêcher si elle ne voulait pas essuyer les remontrances de la mère supérieure.

Ainsi s'écoulèrent les quelques mois qui suivirent jusqu'à décembre où elle reçu non pas une lettre de sa mère mais une de Georges Beckett son nouveau mari qui lui indiquait que celle-ci était enceinte de lui depuis à peu près trois mois et qu'elle ne pourrait plus lui parler puisque qu'elle devait se préserver pour le bébé. Ce serait donc lui qui serait chargé de lui écrire jusqu'à la naissance de l'enfant.

Suite à cela, la jeune fille sombra peu à peu. Au début ce n'était que quelques pertes d'appétit passagères avant que cela ne devient chronique. L'ensemble des nonnes qui la cotôyaient pensaient qu'elle jeûnait pour faire pénitence et saluaient son initiative.

Puis arrivèrent les cauchemars, où elle voyait une prison où des dizaines de malheureux repassaient des oiseaux fantômes, et les crises d'angoisses. Elle n'en parlait à personne et surtout pas au père qui l'écoutait derrière son confessionnal. Elle avait trop peur qu'on la déclare démente et qu'on la pende.

Finalement, au bout de trois mois où elle errait la nuit, dans son habit de nonne, perdue et absente, on l'isola dans une cellule à part, près de la laverie.

Aux environs de mars, elle ne savait plus trop, à cette période elle avait presque perdu la notion du temps, Mary reçut une dernière lettre de son beau père. Sa mère était morte, emportant avec leur enfant. Elle avait atteinte par un mal que les médecins n'avaient pas sû reconnaître.

Elle brûla cette lettre, sans aucune expression. Elle n'avait qu'une envie depuis des mois, quitter le couvent, s'envoler vers d'autres mondes, rejoindre Edward Teague. Un plan germait peu à peu dans sa tête. Un plan immonde digne de ceux qui avaient fait exécuter son père. Plus rien n'avait d'importance à ses yeux, elle voulait juste s'enfuir.

Un jour de lessive, alors qu'elle était chargée de repasser les draps et les nappes elle fit chauffer le fer à repasser dans les braises. Elle était extrêmement calme comparé à l'ampleur de ce qu'elle allait faire. Il y avait une jeune nonne avec elle.

Subitement, Mary prit le fer et l'écrasa sur le visage de sa camarade. Celle-ci hurla tandis qu'une odeur de viande grillée envahit la pièce. Elle la frappa plusieurs fois sur le crâne jusqu'à casser l'os et tuer la jeune fille. Elle laissa tomber le corps sans vie et courut dans les minuscules corridors qui constituaient le couvent. Elle avait un peu de temps pour s'enfuir le temps que tout le monde vienne voir la scène. Elle passa devant la loge d'entrée, déserte comme prévu. Elle ne s'y arrêta pas, continua de courir et sortit de cet endroit qu'elle avait si souvent maudit.

A l'extérieur, la nuit était glaciale. La jeune fille frissonna et s'éloigna le plus possible du couvent en s'enfonçant dans les rues obscures de la banlieue de Plymouth. Contre son coeur elle sentait la douceur du mouchoir de soie qu'Edward lui avait offert. Cela la réconforta un peu. Elle recommença à marcher. Maintenant qu'elle était libre, elle devait retrouver son Albatros.

Pirates des Caraïbes : Pirates' LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant