─ Tu sais que, statistiquement, tu as plus de chances de coucher avec quelqu'un lors d'un mariage que pendant une soirée entre amis ?
La fille à côté de moi a tourné la tête, les sourcils froncés et m'a dévisagé. J'ai sorti mon meilleur sourire de charmeur, et tant pis si on se trouvait devant le sanctuaire de Dieu. Elle était la seule personne de mon âge de l'assemblée. Même si ma technique de drague n'aboutissait pas, il était bon d'établir le contact, histoire d'éviter de terminer ma soirée à la table des enfants, et me de retrouver à avoir la tâche de leur faire manger leurs verrines de poisson. Je parle d'expérience.
Au début, cette fille a détourné les yeux, faisant semblant de ne pas m'avoir vu, ou de croire que je ne m'adressais pas à elle. Je n'avais pas affaire à une personne sociable. Ce n'était pas grave, je pouvais l'être pour deux. Comme je suis ce qu'on pourrait désigner communément, un gros relou, je me suis raclé la gorge pour reprendre.
─ Non, mais mathématiquement, c'est quand même fascinant. Parce que, quand t'y penses, c'est pratiquement que la famille qu'on croise au mariage. Alors pourquoi est-ce qu'on a de plus grandes chances de coucher ? Est-ce que c'est l'ambiance générale d'amour ? Ou le fait qu'on se dise que ça nous arrivera jamais, qu'on sera célibataire toute notre vie ? Du coup, est-ce qu'on serait pas moins regardant ? J'en sais rien ! Je pose la question.
Incapable de m'ignorer plus longtemps, elle m'a fait face. Avec toute la condescendance dont un individu pouvait faire preuve, elle a posé sur moi un regard dédaigneux, avant de m'interroger :
─ Qu'est-ce que tu cherches, au juste ?
J'ai haussé les épaules. Notez que mon sourire charmeur ne s'était pas envolé pour autant de mon visage. La provoc', tout était dans la provoc'.
─ À nouer le contact.
─ C'est ta manière de nouer le contact ? a-t-elle demandé, sans décroiser les bras.
Je ne sais pas si répondre à cette question était la bonne stratégie, mais avorter la mission à ce stade de presque réussite aurait été une grossière erreur. J'ai acquiescé avec désinvolture. La fille a soupiré.
─ Tu aurais très bien pu dire « Est-ce que tu veux qu'on baise ? », je l'aurais compris pareil.
─ C'est un oui ? ai-je tenté.
─ C'est un « Va te faire voir ».
J'ai soufflé sans pour autant m'éloigner. Plus pour le dramatique de la scène que par réel agacement. Si vous pensez que mon ego en prenait un coup, c'est mal me connaître. Je suis un expert en vent, climatologue à mes heures perdues, ma fierté ne pouvait plus en être affectée, trop souvent écrasée pour encore exister. Il aurait fallu que je revois mes techniques de drague – ou que j'arrête de draguer des personnes pas du tout intéressées – mais, qui sait, pour citer un grand philosophe de la culture française : « Sur un malentendu, ça peut passer. »
Quelque peu froissé par la fin de la conversation, j'ai glissé mes mains dans mes poches, et ai fait un tour de la place des yeux. Les personnes affluaient autour de nous, bien habillées, maquillées et couvre-cheffées. J'avais un point commun avec cette fille qui m'avait écarté : on faisait tous les deux taches dans le décor.
Elle portait une robe noire simple, s'étant sûrement trompée entre mariage et enterrement, et j'avais revêtu une chemise bleu clair. Tout le budget de la famille étant passé dans le costume trois pièces de mon frère, je m'étais retrouvé obligé de prendre le bout de tissu le moins cher de Kiabi. Ce n'était pas grave, Mamie m'avait dit que j'étais très beau, et si Mamie était satisfaite, alors le monde était à moi.
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Les 24 états d'âme de Gabin et Agathe.
RomanceGabin et Agathe se sont rencontrés à dix-sept ans au mariage de leurs frères et sœurs respectifs. Qui aurait pensé que les deux familles auraient trouvé en cette soirée de nombreux points communs ? Soudain, Gabin et Agathe se croisent bien plus sou...