Deux.

167 26 0
                                    

Une soudaine bourrasque de vent fit bruisser les feuilles des arbres et s'envoler mon chapeau. Je me suis levée pour aller le récupérer, puis je suis retournée devant la tombe de mes parents. Cela faisait deux heures que j'étais ici et il était bientôt l'heure d'aller chercher ma soeur au parc où elle s'amusait avec ses amis en m'attendant.
Tous les mois je me rendais au cimetière, et tous les mois, Prudence ne restait qu'une dizaine de minute avant de partir jouer à la marelle. Je la comprenais. Les cimetière ne sont pas des lieux où devrait se rendre les enfants, mais moi j'aimais y rester un long moment, car c'était bien l'un des seuls endroits où je n'étais pas soit sans arrêt sollicitée, soit maltraitée par les habitants du village.

J'étais très chargée en ce moment. Beaucoup d'enfants se faisait piquer par des guêpes ou faisaient des allergies au pollen, et pas que des enfants d'ailleurs, et mon atelier ne se vidait pas.
J'ai jeté un regard sur la pierre blanche ou reposait le petit bouquet de chrysanthèmes que je venais de déposer. Heureusement Prudence ne se souvenait pas d'eux. Ils étaient mort, tous les deux, d'une forte fièvre, alors que j'avais 12 ans et Prudence à peine 18 mois. Lui travaillait dans les champs, elle était blanchisseuse, mais quand les placard étaient vides, elle partait dans la forêt cueillir des plantes et faisait des remèdes. Moi je ne fais que ça. Si bien qu'on me considère comme medecin du village.

Mais elle gens se méfient. Il n'aiment pas ça, ils me traitent souvent de sorcière, et quand quelqu'un qui m'avait consulté meurt, la faute m'est entièrement reléguée et il arrive qu'on m'insulte dans la rue ou qu'on me frappe. Toujours est-il que je débrouille très bien et que les morts sont rares. Et c'est bien pour cela qu'on tolère mes activités de guérisseuse.
Je prend ma sacoche, que je transporte partout, et je fais demi-tour. Le soleil commence à se coucher et j'ai peur que ma soeur n'attrapa froid.
C'est quand je descendais la dernière colline qui me sépare du petit portail de fer rouillé qui marque la fin du cimetière que j'entendis le cris. Qui fut suivit par d'autre cris. Des cris d'enfants, qui venait du parc d'en face. Je suis partis en courant, j'avais peur qu'un chien sauvage ou même un ours ne se soit introduit dans le village et qu'il soit en ce moment même en train de menacer la vie des enfants.

Si j'avais su que ce qui m'attendait était tellement pire qu'un simple ours.

J'ai sauté par dessus la petit clôture du cimetière pour ne pas perdre de temps à faire tourner sur ses gonds rouillé la porte et j'ai courus le plus vite que j'ai pu vers le parc. Je n'avais rien pour me défendre mais j'espérais pouvoir gagner du temps jusqu'à l'arrivé des autres villageois.
J'ai déboulé dans le parc et la vision qui s'offrit à moi me fit un tel choc que mes jambes se dérobèrent sous mon poids. L'herbe verte du printemps était couverte de rouge. Il y en avait partout. Et les enfants, étendue immobile à terre. Et une ombre, sur le point de partir. J'entre-aperçus le blason sur le long manteau pourpre, une chevelure noir corbeau, et un regard, sombre, plus que tout, une absence totale de couleur et de lumière. L'ombre détala et mon regard se porta sur les corps inanimés des enfants. J'ai reconnu la robe rose pâle de ma soeur et je me suis précipitée par réflexe vers elle. Je l'ai prise dans mes bras, et j'ai répété son nom, il fallait qu'elle me réponde. Sa peau exsangue son visage déformé par la douleur et l'incompréhension. Elle tenta de prononcer mon nom en me reconnaissant pendant que je m'évertuais à garder mon calme tout en essayant de faire stopper l'hémorragie de son bras où deux trous profond perçaient l'artère de son bras blanc à la peau fine et fragile. Je sortais de ma sacoche tout ce qui pouvait stopper le saignement, mais malgré toutes les mixtures que j'appliquai sur son bras, rien de coagulait. Je me mettait du sang partout, sur mes mains, mon visage, ma robe immaculée, celle que je mettais spécialement pour la visite au cimetière.
Je sentais Prudence se refroidir et se durcir. Je lui caressais les cheveux, je tentais de la rassurer alors qu'elle ne pleurait même pas. Elle ne m'entendait probablement même pas. Ses yeux se vidèrent de leur lueur d'intelligence en même temps que son sang s'écoulait entre mes mains. Et ce liquide écarlate me filait entre les doigts comme sa vie, j'étais incapable de la retenir, parfaitement impuissante. Jusqu'au moment où la dernière parcelle de vie la quitta et que son torse stoppa définitivement de se soulever avec sa respiration. La dépouille de Prudence était toujours dans mes bras quand les premiers villageois arrivèrent. Au début ils ne bougèrent pas, ne parlèrent pas. Moi j'étais choquée. Je ne pouvais plus rien dire, rien penser, j'étais cassée.

Dent pour dent [publication lente]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant