Chapitre 5

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Un an plus tard, 1845.

-Arrêtez de vous montrer si charmeur, Dambrey, cela en devint dangereux, murmura-t-elle dans son oreille, alors que le jeune-homme lui offrait un sourire carnassier.
-C'est mon accent qui vous rend si douce, ma Dame? Répondit-il en la regardant par-delà son verre de vin, ses longs cils couvant ses pupilles sanglantes.

C'était le troisième qu'il buvait depuis le début de la soirée. Le goût était toujours aussi insipide lorsque le liquide coulait le long de sa gorge, mais il avait fini par s'habituer.

Peut-être qu'on pouvait s'habituer à tout, tout compte fait.

-Vous avouez donc en jouer pour nous séduire, n'est-ce pas, Viktor?

Son nom sonnait étrange lorsqu'il glissait de ses lèvres. Le vampire avait horreur qu'une demoiselle aussi abrutie s'en serve et se permette d'être si proche de lui. Toutefois, c'était le jeu. Tout n'était toujours qu'un jeu, en attendant que le prédateur puisse se montrer.

-Je n'ai jamais dit ça, ma chère.
-Pourquoi avez-vous quitter la France, cher Viktor?
-Les révolutionnaires m'ennuyaient, répliqua-t-il simplement.

Il laissa un sourire espiègle effleurer ses lèvres, et la jeune-fille sentit son coeur battre un peu plus vite. Viktor aussi pouvait l'entendre, et cela accentua le plaisir qu'il avait à jouer. Il aimait tromper ainsi ses victimes, les perdre dans le labyrinthe de ses pensées. Il avait appris à s'amuser de tout, après tout.

-La France est tombée bien bas, n'est-ce pas? J'aurais été tellement heureuse de connaître la Cour de Louis XIV, s'exclama-t-elle alors.
-Vous n'avez même pas idée à quel point j'envie les gens de cette époque également, rétorqua-t-il et cette fois-ci, il ne parvint pas à dissimuler l'amertume de sa voix.

Cependant, ce n'était pas grave. Lorsqu'on ne parvient pas à cacher un détail, on boit davantage et on séduit un peu plus. Bransac avait suffisamment répété ce genre d'enseignements pour qu'il l'intègre totalement.

-Laisse la jeune demoiselle, Viktor. Elle est déjà fiancée, l'interrompit alors le pirate en passant près de lui, un verre à la main.

La fille en question rougit, comme si elle ne se rappelait de son engagement qu'à présent. Cela amusa Bransac, et l'ébauche de sourire se forma sur son visage. Il tourna alors le regard vers son nouveau protégé, et fut heureux de voir ce même regard calculateur et malicieux qu'il arborait à chaque fois. Si la jeune-fille avait perdu le fil de ses pensées, ce n'était pas du tout le cas du jeune vampire. Celui-ci semblait s'amuser à perfectionner son don sur la gent féminine durant ces soirées entre gens de la haute société. A moins que ce ne soit qu'une distraction pour attendre la fin des festivités.

Si on lui avait dit, un an plus tôt, que Viktor deviendrait ce qu'il était aujourd'hui, il ne l'aurait pas cru une seconde.

Et, certes, il avait fallu du temps. Bransac avait dû répété ses conseils tous les jours, avait dû lui apprendre à comprendre ses capacités et lui expliquer comment gérer sa soif. Viktor avait fini par s'y prendre au jeu, peu à peu. Il était charmeur, charismatique. On sentait comme une aura l'entourant, rendant sa beauté plus mystérieuse encore. De temps à autres, si on prenait garde, on pouvait apercevoir la pointe d'une canine entre ses lèvres... Mais ce n'était pas suffisant pour alarmer les humains qui les entouraient.

-Je vous emprunte mon neveu une poignée de secondes, Adélaïde, continua-t-il alors, et Viktor se leva en s'excusant promptement.

Entre nos crocsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant