I Guerre

70 8 10
                                    

La guerre
Le fracas des lames et des esprits, la fureur des canons et des âmes
Une lutte entre deux groupes, chacun prêt à briser ses idéaux pour briser l'adversaire

Une planète, voulue par les uns et nécessaire pour les autres

Un déchirement fratricide sans merci, des batailles sanglantes pour un résultat souvent dérisoire
Un affrontement dont on ressort exalté d'avoir survécu

Puis l'on ressent l'horreur de la situation, quand on apprend que les êtres que nous aimons n'ont pas survécu
Et la fatigue, la lassitude, quand on apprend qu'aujourd'hui sera demain, et que demain se répétera encore et encore, jusqu'à ce qu'il y ait trop de monde à pleurer. Ou plus personne pour pleurer
Alors on s'habitue, car on s'habitue à tout. On s'habitue à voir nos amis mourir, tout en sachant qu'un jour, c'est eux qui ressentiront l'horreur, quand c'est nous qui ne verrons pas venir le lendemain

Voilà le quotidien sur Anderya, une planète innocente déchirée par des êtres aux ambitions démesurées. Une planète auparavant paisible, mais désormais la proie de destructeurs inconscients, seulement intéressés par l'endroit occupé par l'astre titanesque

Une guerre nourrie par la rancœur de la défaite, nourrie par la haine née de l'humiliation

Une haine vieille de plusieurs centaines d'années

Une haine tellement enfoncée dans les racines de l'humanité qu'elle semble naturelle

Un affrontement entre deux espèces, une de sang, et une d'acier. Chacune persuadée d'agir pour la bonne cause, chacune persuadée d'affronter un ennemi sans âme.
Une guerre censée protéger les plus faibles, mais qui ne fera que de les achever

Une guerre censée apporter l'union entre tous, mais qui ne fera que de créer la dissension

Une guerre pour un monde, pour une idéologie

Une guerre qu'aucun peuple n'oubliera dans les prochaines ères de ravage et de destruction

La guerre
Rarement bien accueillie, mais souvent  souhaitée

Les gouttes d'acide rebondissaient sur le métal, sans que la plupart des machines ne s'en accommodent. Pour les soldats d'infanterie, il s'agissait d'un danger permanent, car si leur générateur de protection rendait l'âme, ou s'ils restaient immobiles trop longtemps, la pluie aurait raison plus vite d'eux que l'ennemi. Pour les machines de combat, elle n'était une préoccupation que dans le sens ou elle limitait la visibilité. Le lieutenant Steyr abaissa légèrement sa visière, afin d'étudier le mieux possible le terrain qu'elle et ses soldats s'apprêtaient à emprunter.

Le campement établit par les Solariens se trouvait sur un léger talus, entouré de plantes exotiques. Pour l'instant, aucune d'entre elle ne s'était avérée mortelle, et aucune créature n'avait tenté d'importuner les humains, le bruit causé et la taille considérable des machines suffisait à les dissuader.

À son approche, une des sondes se retourna vers elle, comme surprise par sa présence. Durant les dernières décennies, les ingénieurs humains avaient tenté tant bien que mal d'éradiquer toute forme d'intelligence de la part de leurs machines, par crainte de rébellion, mais principalement pour une autre raison. La peur. Malgré tous les systèmes mis en place pour les contrôler, les humains n'avaient pas de réels moyens de contrer une attaque de leurs propres machines. De plus, cela signifierait la fin de l'assistance mécanisée, devenues indispensables à l'humanité.

La sonde repartit à son examen, tâtant le sol avec précaution de ses six longues pattes, afin de ne pas s'enliser. Steyr soupira. Elle aurait préféré envoyer directement ses troupes à travers la plaine, afin de tendre au plus vite un piège à l'adversaire, qui se trouvait à quelques kilomètres à proximité. Mais le major avait insisté pour faire sonder le terrain, histoire de ne pas recevoir de surprise désagréable. Le processus était long, pénible, et rendait les soldats nerveux. Si cela permettait d'éviter un piège retors, comme ils avaient pu en recevoir, alors ils le feraient.

Soudain, une des sondes s'enfonça brutalement dans le sol, comme happée par une force invisible. Aussi vite qu'elle le pu, Steyr se précipita vers la machine, passa ses bras autours du corps mécanique, et tira de toutes ses forces. Elle parti en arrière quand les pattes robotiques parvinrent à s'extraire de la boue. La sonde se releva, s'ébrouant comme un chien, tandis que sa multitude d'yeux observait avec effroi les environs. Finalement, ils se posèrent sur l'humaine qui l'avait sauvée. Elle émit un minuscule son, que le lieutenant interpréta comme un remerciement, avant de repartir à sa tâche.

- Lieutenant! Je peux savoir ce que vous faites? Vous risquez votre vie pour une sonde?"

Derrière la gradée arrivait le major, son armure de bataille entièrement enfilée, lui donnant un air implacable. Sa visière, teintée de blanc, laissait voir ses deux yeux affolés. Concernant l'armure, le major avait tenu à éviter les excès de décoration, bien que cela l'attristât. Sans être réellement vantard, il aimait bien exposer ses exploits aux autres soldats.

- Major, sans cette sonde, nous aurions perdu énormément de temps. Or, du temps, nous en manquons!"

- Je suis d'accord, cependant nous ne pouvons nous permettre de risquer nos vies pour une simple machine!"

- Étant donné que cette partie du terrain a déjà été sondée, je pense que le risque est minime"

- Ils pourraient très bien activer certaines bombes manuellement. Leurs bombes sont peut-être enterrées trop profond pour être détectées par nos sondes."

Steyr observa le major, perplexe. Quelques mois auparavant, il avait toutes les caractéristiques d'une tête brûlée, privilégiant les assauts directs aux attaques méthodiques. Les dernières batailles avaient sévèrement modifié son comportement. Il avait gagné en prudence, même si elle frôlait presque la paranoïa. L'ennemi était vicieux, rusé, ses techniques étaient retorses. Il attaquait sans que rien ne l'indique, et disparaissait sans que personne ne puisse rien y faire. Et il s'adaptait très vite aux nouvelles difficultés, plus vite que les Solariens.

- Major, je comprend votre inquiétude..."

- Je l'espère, suivez moi, il faut organiser le..."

Une puissante déflagration interrompit leur discussion. L'origine semblait être le lieu où les véhicules de transports et de défenses se trouvaient. Les deux humains se précipitèrent vers le lieu, duquel de la fumée s'échappait déjà, exhortant tous les soldats qu'ils croisaient à les suivrent, ils arrivèrent rapidement devant plusieurs véhicules à anti-gravitations, détruits à l'aide d'explosifs.

Derrière la fumée, Steyr pu apercevoir une masse sombre et indistincte se rapprocher avec vivacité de plusieurs Solariens, encore indemnes. Plusieurs tirs touchèrent la forme d'ombre sans l'affecter. Celle-ci frappa à la nuque un des soldats, l'envoyant percuter violemment un container. Avant de la laisser abattre un autre de ses camarades, le major empoigna son fusil, et tira sur l'assaillant. Les autres humains suivirent son exemple, et l'être teinté de ténèbre fut rapidement la cible d'une cinquantaine de soldats. Quelques capsules de gaz rebondirent sur le sol, avant d'obstruer le champ de vision des humains, permettant à l'entité inconnue de s'enfuir.

Alors qu'il commençait à disparaître au loin, il se retourna vers les derniers humains, et son regard croisa celui de Steyr.

Elle le reconnut. Malgré la désertion des lieux par l'ennemi, un guerrier d'acier, seul, restait dans la zone, et organisait des opérations de guérilla contre les Solariens. Son aspect décharné, et ses actions brutales lui avait fait mériter le surnom de "Savage".

Les soldats le reconnurent également, certains exprimèrent leur dépitement. Ils savaient que tenter de le poursuivre serait suicidaire. Lors de ses premières attaques, ils avaient été nombreux à essayer. Ils étaient peu à revenir.

Quand ils parvenaient à revenir.

- On retourne aux préparations! Nous partons à l'aube, quoiqu'il arrive! Dépêchez vous!"

Alors que le major donnait ses ordres, les soldats retournaient à leurs occupations, d'un pas las.

- Ca ne va pas leur plaire major."

- Ca n'a pas à leur plaire, il faut se dépêcher, avant qu'ils ne décident d'attaquer."

Et tandis que la fumée commençait à perdre en intensité, et que le major repartait, le lieutenant se tourna vers la direction prise par Savage. Il avait disparu de son champ de vision, mais nul doute qu'il reviendrait. Il reviendrait, comme à chaque fois.

Anderya Où les histoires vivent. Découvrez maintenant