Partie 1

132 16 17
                                    

Ces derniers temps, mon quotidien se résume à contempler la petite boîte aux lettres fixée sur la porte. Il est vrai qu'en deux semaines, j'ai eu le temps de repérer tous les petits détails que comporte notre entrée. C'est une petite pièce chaleureuse mais pas assez confortable quand on y reste toute une journée. Les murs d'un beau taupe contrastent avec notre porte et nos meubles blancs. Le placard, de même couleur, à droite de cette porte, nous sert de porte-manteau et de range-chaussures. Tous les jours, je me place sur l'escalier à trois marches menant à la sortie de notre maison et je reste, à attendre impatiemment La Lettre qui donnera enfin un sens à ma vie.

    ⁃    Maman ? Tu te souviens quand je t'avais demandé un chien de garde et que tu avais dit non ? Et bien tout compte fait, j'ai réussi à avoir un produit dérivé, se moqua ma grande sœur.

    ⁃    Très drôle Ivy, dis-je avec ironie. Sérieusement, je suis morte de rire.

    ⁃    Tu devrais laisser cette porte tranquille, je suis sûre que tu lui fais peur à l'observer tout les jours.

Je l'ignore.

    ⁃    May, tu sais, c'est pas en restant plantée là que ta Lettre arrivera plus vite. Et puis, depuis le temps tu devrais connaître les horaires du facteur par cœur, je me trompe ?

    ⁃    Ce n'est pas le facteur qui livrera cette lettre et tu le sais très bien. Elle est bien trop importante pour eux, pour risquer de la perdre.

    ⁃    En effet, pauvre lettre, dit-elle dans un soupir.

Ma sœur abandonne l'idée de me faire changer d'avis et tourne les talons pour rejoindre ma mère en cuisine.

Bien qu'on ne soit pas toujours d'accord sur certains points, Ivy et moi nous sommes toujours bien entendues. En tant que cadette, il m'est souvent arrivée de l'envier. Son visage fin s'associe parfaitement avec son corps mince aux formes bien dessinées. Ses yeux bleus et ses longs cheveux blonds ont toujours été un facteur important dans sa beauté naturelle. Elle n'est pas très grande mais juste assez à mon goût. Et sa poitrine a de quoi faire tourner la tête de beaucoup d'hommes.

Je n'ai pas hérité de ses gènes qui viennent de ma mère. Et bien non, il se trouve que ma chevelure brune et bouclée ainsi que mes petits seins me viennent de mon père. Je le remercie tout de même de m'avoir donné ces beaux yeux vert orangés.

Comme le prouve notre récente discussion, ma grande sœur possède un sens de l'humour bien à elle. Malgré cela, c'est une personne très attentionnée et courageuse. Elle a su rester calme dans des moments difficiles et elle nous a aidées, ma mère et moi, à ne pas sombrer dans la dépression ou pire encore.

Il est vrai que ma famille a connu des jours sombres. Il y a un an, mon père a disparu, sans laisser de traces. Rien n'aurait pu prédire cet événement. J'ai toujours eu une très grande confiance en lui, et je sais qu'il ne nous aurait pas quittées sans raisons. Bien que ma mère et ma sœur en doutent parfois, je me laisse à croire qu'il y a été forcé. Je me suis jurée d'apprendre de qui lui était arrivé. Et cette Lettre me permettra de le savoir.

    ⁃    May ! Tu viens nous aider à préparer la table, ma chérie !

Je me lève doucement. J'ai mal au dos et mes fesses me font souffrir. À force de rester assise tous les jours par terre, j'ai attrapé des bleus et c'est pas très joli à voir. Après tout, personne d'autre ne verra mes fesses, mis à part moi, et ce n'est qu'un mal pour un bien.

J'arrive dans la cuisine à pas d'escargot pour éviter au maximum la douleur. On dirait une mémé. Ma mère le remarque.

    ⁃    May, tu vas te tuer à la longue. Pourquoi ne peux-tu pas juste attendre cette lettre en faisant autre chose ? Et puis ce n'est pas si grave si tu n'es pas là quand elle arrivera.

    ⁃    Maman, c'est vraiment très important pour moi, lui dis-je.

    ⁃    Oui et ça l'est pour nous aussi. Mais s'il te plaît n'en fais pas une obsession. Tu dois continuer de vivre ta vie. Ne laisse pas la fuite de ton père la gâcher.

Un silence gênant s'installe, comme à chaque fois que ma mère s'énerve à ce sujet. Je sais qu'elle et ma sœur s'inquiètent de mon état. Mais je ne peux rien faire contre. J'ai besoin de savoir que mon père ne nous a pas abandonnées... qu'il nous aimait vraiment. J'aimerai lui donner de bonnes raisons d'être parti mais comment y arriver quand quelqu'un part sans rien dire ? Beaucoup de personnes dans le quartier pensent ce que tout le monde penserait dans cette situation : il nous a fuit pour une nouvelle vie. Peut être qu'ils ont raison, cependant il reste encore des chances, en lesquelles j'essaie de croire, pour que ce ne soit pas le cas.

Soudain, nous relevons toutes trois la tête. Des cliquetis nous parviennent de l'entrée. Je suis paralysée. Mes jambes ne répondent plus. Je crois que je vais m'effondrer. Je réalise enfin, je vais avoir excès à des réponses. Il me suffit simplement de courir jusqu'à la porte d'entrée et de tendre le bras pour l'attraper. Pourtant je ne bouge pas, je n'y arrive pas, je suis tétanisée. Mon regard est plongé dans le vide. J'ai l'impression que la pièce tourne. Je dois me reprendre.

Ma mère et ma sœur me regardent. Elles voudraient elles aussi se précipiter dans l'entrée. Elles savent que ce droit me revient. Elles attendent donc avec impatience que je fasse un mouvement. Lentement, je me retourne et me dirige vers l'entrée. Je tremble de tous mes membres. Je peux m'effondrer à tout moment. Le trajet de la cuisine à l'entrée fut le plus long de toute ma vie. Et lorsque j'arrive devant les petits escaliers qui mènent à la porte, je me fige. Les murs se resserrent autour de moi. L'air me manque. Je la vois. Elle est là, juste devant moi. Je peux enfin la toucher.

La Lettre est arrivée.

___________________________

Merci d'avoir lu le premier chapitre de ma première histoire. J'aimerai sincèrement avoir vos avis dessus pour savoir ce que je dois changer ou pas. Encore merci et à bientôt pour une nouvelle partie 😉

Laptiteclo

The real gameOù les histoires vivent. Découvrez maintenant