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     J'ouvrais les yeux, réveillée par le son de mon téléphone qui m'indiquait qu'il était déjà cinq heures du matin. Je n'ai pas l'impression d'avoir dormi. Dans environ une heure, je serais à l'aéroport, qui me fera prendre un tout nouveau départ. Je ne sais pas qui, entre mon père et moi, est le plus content de mon départ. Quoi qu'il en soit, je suis la seule éveillée dans l'immense appartement de Los Angeles, où j'y laisse mes empreintes de pas pour la dernière fois. J'aime quand la maison est endormie et que je suis la seule qui observe le réveil de la ville. Dans cet appartement qui domine la ville, ça me rappelle un peu plus que je ne suis rien, ici.

     Arrivant dans la cuisine, j'allumais les lampes qui diffusaient une légère lueur, assez douce – heureusement pour mes yeux. Avant de partir de cet endroit où je suis insignifiante pour quiconque, je laisse un dernier cadeau à ma belle-mère en utilisant sa vaisselle préférée. Elle hurle chaque fois que quelqu'un d'autre qu'elle l'utilise. Cette fois, elle criera sur quelqu'un d'autre que moi.

     Je finissais de manger tout en contemplant les premières lumières de la ville s'allumer, les voitures commencer à s'agiter, le soleil se lever. Quand quelques heures, je ne verrais plus jamais cette côte californienne s'animer.

- Je ne devais pas t'emmener à l'aéroport ?

     Mon père se réveillait à peine, à cinq heures et quart, et Dieu sait combien de temps il lui faut pour prendre son café. Je le connais tellement, je savais très bien qu'il ne se réveillerait pas à l'heure pour m'emmener.

     Sans lui répondre, je le contournais pour me rendre dans ma chambre et me préparer pour ces trois heures de vol. Je risquais de toute façon de dormir. Je me laver les dents, brosser mes cheveux puis m'habillais. Ne me maquillant pratiquement jamais, aujourd'hui n'allait pas être une exception. J'empoignais ma valise close que j'avais fermée la veille, et allais dans le grand salon où s'était installé mon père avec sa tasse de café encore fumant. Il me relooka de haut en bas, avec cet air qui lui appartenait si bien, puis me dit un simple au revoir. Les au revoir, ce n'était pas son truc. En revanche, les abandons l'étaient.

      Le bus passait normalement à six heures moins le quart, il était d'ailleurs cinq heures trente-cinq. Pile dans les temps. Comme toujours.

- Si tu veux récupérer ta voiture, tu diras à ta charmante épouse de t'emmener à l'aéroport.

- Mais, Olympe, tu ne sais pas conduire !

- Les garages, tu connais, père ?

     Sur cette dernière phrase, je claquais la porte derrière moi et appelais l'ascenseur qui se trouvait être tout en bas de l'immeuble. Moi et mes blagues de dernières minutes. Je suis pratiquement sûre qu'il m'a crû. J'allais finalement partir de cet appartement, de cette ville, de cette famille. Et je pense que je n'aurais absolument aucun remords. C'est blessant de se voir être rejetée par sa famille. Au départ, j'ai été rejetée par ma mère qui voulait recommencer sa vie. Et maintenant, je suis rejetée par mon père qui en a également commencé une nouvelle. J'ai un sentiment amer en me rendant en fait compte qu'aucun de mes deux parents ne voulaient de moi. Et puis, on finit par s'y habituer, pas vrai ?

     Finalement, partir maintenant m'arrange plus que je ne le pensais. Je m'étais dit qu'à mes dix-huit ans je partirais. Je le fais avant, donc la vie m'a en fait fait un cadeau. Autant le prendre comme ça que comme un rejet.

***

     L'avion n'était finalement pas si désagréable que ça, si on omet le fait qu'il y a un enfant quelques sièges plus loin qui n'arrête pas de crier. C'est dans ces moments-là que j'apprécie tout particulièrement la compagnie de mes fidèles écouteurs, qui m'ont sauvés dans bien des situations. De toute façon, trois heures et demie de vol, ça passe vite, non ?

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⏰ Dernière mise à jour : Nov 02, 2018 ⏰

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