« Ils l'ont emmenée hier dans la soirée, murmure-t-elle entre deux sanglots. Et depuis plus rien... »
Ma conscience chancelait entre la douleur, la haine et le vide. Mes yeux brulaient du au sel abondant de mes larmes. Mes poings se contractèrent violement sans que je l'aie demandé. Mon esprit, lui, voguait sur le gouffre du néant. Rien de cohérent de ne sortait de ma tête jusqu'à ce que deux pensées me vinrent à l'esprit. La première fut de tuer Altair, la seconde de me tuer.
« C'est de ma faute » furent d'abord les seuls mots que je parvins à prononcer. Non sans difficulté, je poursuivis : « J'ai défié Altair ». Chaque son qui s'échappait de ma bouche tremblante enflammait ma gorge et rendait les suivants d'autant plus douloureux. Mes ongles lacéraient tant mes paumes enfermées sous mes poings que des gouttes de sang perlaient au bord de ma chaire ouverte.
« Il m'avait prévenu Perla, il m'avait dit que si je... Enfin si je ne... Mais j'ai pas réussi à... »
Les mots se coinçaient, se bousculaient et s'emmêlaient sans qu'aucun final compréhensible ne soit tissé.
« Maan, tu l'as sauvé, me rassura-t-elle, glissant doucement sa main pour essuyer la peine qui affleurait sur mon visage.
- Si...
- Il n'y a pas de si, me coupa-t-elle. Si nous t'avions tous écouté plus tôt, nous serions déjà loin, sain et sauf. Tu ne peux pas porté le poids d'un village à toi tout seul. »
Alors que je m'apprêtais à répondre, la trompette impérial beugla son brouhaha au milieu du ramassis de misérables que nous constituions. Tous se turent. L'hortator commença alors à battre un rythme mortifère sur ses tambours, le vacarme guidant nos pas et cadençait notre marche de l'aube au soir.
Les jours se suivaient et se ressemblait comme la rigueur d'un monotone qui ne laissait place à l'imagination. Au gré des coups, viols et exécutions, l'espoir lunarien se distillait peu à peu. A la tombé de la nuit, j'étais séparé du groupe et attaché avec les chevaux sans rien à me mettre sous la dent. Au levé du jour, la brume recouvrait la vallée et infiltrait mes vêtements humide et sales, laissant mon corps frissonnant. La faim me cisaillait l'estomac tandis que la peine et le remord me rongeait un peu plus chaque jour. Le temps s'écoulait douloureusement et le seul réconfort que je trouvais se tenait dans Erèbe qui la nuit se serrait contre moi, réchauffant faiblement mon corps et mon cœur.
Cinq jours passèrent et le moral de Perla s'amenuisait à vue d'œil. Elle sombrait dans la mélancolie et ne vivait plus que dans le passé malgré mes nombreuses tentatives pour la faire sourire à nouveau. Qui pourrait lui reprocher ? Elle persistait à me dire que je n'y étais pour rien mais je ne parvenais à m'y convaincre. Je voudrais parler à Altair, qu'il me le dise de but en blanc que j'étais responsable mais j'avais peur. Porter le fardeau de la mort d'un être chère me terrifiait. Cependant, depuis notre altercation je ne l'avais plus vu. C'est donc ça ? Il me menace, la tue et disparaît ?
J'étais tant perdu dans mes pensées que je n'avais pas senti la petite de l'autre fois approcher. Elle serrait contre sa robe pastel une pomme. Je ne connaissais ni son âge ni son nom, rien. Qui était-elle au juste ? Timidement, elle me tendit sa pomme ce qui lui valut un regard interrogateur de ma part. Elle répondit en chuchotant à ma question silencieuse, comme si elle craignait que l'on nous voie :
« J'ai l'impression que personne ne te donne à manger et j'ai pensé que tu devais surement avoir faim. »
Je ne pus m'empêcher de sourire face à la candeur du geste. Je pris la pomme en prenant soin de remercier la jeune inconnue d'un sourire et la dévorai d'une traite. La sensation de sentir quelque chose glisser le long de mon oesophage me fit renaitre. J'étais tellement affamé que je dévorai même le trognon sans y accorder de l'importance. Je remerciai ma sauveuse qui s'était assise en face de moi.
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Au-delà de toi [BxB]
RomanceDans un monde bercé par la violence à l'encontre du peuple Lunarien, les Solariens vivent en maîtres. Leur jeune héritier, Altair, âgé de 19 ans dévoue au peuple lunaire une profonde haine. Maan, après 17 ans d'existence, ne connaît que son village...