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Il fait froid, vraiment froid. Un frisson désagréable a pris possession de son corps et il se sent comme paralysé. Derrière ses paupières, il peut deviner qu'il baigne dans une douce lumière. De l'eau. Louis s'est endormi dans son bain. Il hésite à bouger ; l'onde de son mouvement dans le liquide risque de lui retourner des caresses glacées. Or, il ne peut pas rester là. Il se redresse et ce qu'il a craint se produit. Il tremble. Lorsque ses lèvres se descellent, sa bouche émet un son ventousé. Louis ôte le bouchon de la baignoire et observe avec attention le petit tourbillon qui emporte le fluide avec précipitation. Lisse et cristalline, pense-t-il.

Lorsqu'il sort, Louis se dirige vers sa cuisine. Il a affreusement soif. Il s'installe sur le tabouret le plus proche de lui. Sa peau colle au cuir du siège. Il a oublié d'enfiler un caleçon. Son corps courbé vers l'avant, il soupire. Ses cils s'embrassent plusieurs fois et il baille silencieusement. Si sa mâchoire n'était pas aussi solide, elle se serait probablement décrochée. Son regard électrique porte avec difficulté des anneaux de fatigue.

Quelque chose vibre quelque part. C'est léger mais Louis peut distinguer le bruit. Il se lève péniblement. Il n'a pas bu,finalement. Ses tympans sur leur garde, il avance avec lenteur, appréciant le relief du carrelage sous ses pieds nus. Sur la droite se trouve le salon, lieu d'où provient le tapage. Un écran allumé danse sur la grande table. Il attrape le cellulaire avec précaution. On l'a appelé deux fois. Il s'agit de sa mère.Bien qu'il ne soit pas très habile de ses doigts sur l'appareil, il décide de lui écrire un message. C'est bien la seule qui a le droit à cet effort. Cependant, il le fait pour lui, et pour cause, il ne supporte plus le rappel incessant de sa mère.


Désolé. Je suis occupé.


Son message à peine envoyé, le téléphone chatouille sa main. Il ne décrochera pas. Ni aujourd'hui, ni demain. Elle est trop accrochée aux règles de la société et il préfère avoir le choix. Il sait qu'il n'a pas toujours eu raison et qu'elle a souvent été de bons conseils. Simplement, plus il y pense, plus cela l'irrite. Il souhaite être seul, quitte à faire des erreurs. Elle s'est trop imposée dans sa vie.


Que tu ne veuilles pas me parler, ok Louis. 

Mais je te rappelle que tu n'es pas mon seul enfant. 

Tes sœurs te réclament.


Un pincement au cœur et ses pupilles sont aussitôt bateaux sur un océan de larmes refoulées. Il sait qu'il ne fait que fuir et oublier. Le manque fait bien trop de mal. C'est sa faute, évidemment, ses actions ont leurs conséquences, il le sait plus que personne. Il se sent déchiré entre l'envie de revoir ses petites sœurs et le dégoût d'entrer à nouveau dans la vie de leur maternelle. La maison est assez grande pour les accueillir. Seulement, elles vont rapidement se lasser.


Je viendrai dimanche.


Louis active le mode silencieux et verrouille son portable. Ensuite, il entreprend de s'habiller. Un vieux jean qu'il portait au lycée et un haut troué suffiraient. Il ne va nulle part et ne rencontrerait personne d'important. Ce coin de campagne est presque inconnu des gens de la ville d'à côté. Et il doit y avoir une trentaine d'habitants. Enfin, plus pour longtemps, puisque la mairie a décidé de construire une dizaine de maisons, non loin de chez Louis. Le seul espoir qui l'habite avec cette nouvelle, c'est que les voisins respectent l'environnement rural. Il ne supporterait pas de fêtes, de cris d'enfants, et encore moins des barbecues collectifs.

Il enfile ses baskets usées, qu'il garde spécialement pour aller au fleuve. Pour une fois, il n'est pas envieux d'y tremper ses pieds, sûrement parce qu'il a déjà passé la nuit dans l'eau. Il compte simplement aller voir les pêcheurs. Peut-être discuter avec eux, si son courage ne le quitte pas. Mais il sait déjà qu'il n'en aurait plus le moment venu. 

Lorsque les étoiles sont tombéesWhere stories live. Discover now