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Aidann marchait en tête du groupe bruyant. La tête endolorie, desireux de calme - notion qui semblait etrangère aux habitants de Kraaal -, il se dirigea dans l'epaisseure lumineuse de la forêt, et fit un signe au couple.

- Je m'éloigne quelques instants, leur lança-t-il.

Et il s'éloigna. Il constata que la mousse, malgré ses bosses et ses creux, avait partout la même douceur épaisse, qui semblait l'aspirer et le pousser tout en même temps. En quelques instants, il déboucha dans une petite clairiere sèche, brulée de soleil - qui etait la raison de cette luminosite entre les troncs -, qu'il traversa bien vite: il préferait l'ombre des branches. Enjambant les ruisseaux, ses bottes se couvraient de boue et ses mains trouées d'epines s'appuyaient sur la mousse humide lorsqu'il trébuchait. Agacé par la douleure, il s'assit sur le sol de coussins verts et entreprit d'enlever une a une les épines de sa paume avec ses ongles.

Il percut alors une respiration légère - lorsqu'il leva sa tête, il n'était plus seul.

C'était la troisième fois de sa vie qu'Aidant rencontrait un être aux cheveux pales. D'abord, il y avait bien sûre son frère qui, déjà enfant, était une véritable statue de marbre, blanche et froide comme la glace, a la peau si pâle qu'on apercevait de légères veinures au travers, pareilles aux fissure d'un nacre fragile. Puis il y avait eu cette étrange apparition du désert, qui au contraire avait la peau brune comme le miel brulé, et les deux yeux comme deux lacs limpides.

Devant lui se tenait donc, ce troisième être, tout juste sortit de l'enfance. Les cheveux pâles semblaient très fins et moussaient autour de sa tete, se fondant presque a la blancheur de la peau. Mais contrairement a son petit frère dont la couleur maladive ne revêtait jamais aucune nuances, celui la était tinté de rose aux pommettes et aux paupière - et avait la bouche si fortement rouge, qu'Aidann le cru fardé: il semblait incarner tout ce que la santé et la jeunesse pouvait offrir a un être fait de ruisseaux et de soleils. Le grand enfant était entièrement nu, et il s'enfuit comme une brume évasive. La mousse verte et rebondie avait laissé la fraicheur des petits pieds encore présente, et de l'eau fine vint s'infiltrer dans le creux des empreintes, comme si la verdure humide, une fois pressée par un poids - bien que léger -, crachait son nectar translucide et l'appliquait en baume sur ses blessures tout justes marquées. Aidann, saisit par cette apparition dont il ne retenait plus que le souvenir troublant d'un regard clair, grimpa sur le haut de la colline et balaya du regard l'étendue émeraude des arbres et des doigts mêlés de l'eau entre les mottes de mousse. En bas, ses pieds roses dans l'eau, l'enfant magnifique semblait l'attendre.

Il descendit sa petite colline, et s'approcha du garçon, hésitant. Ce dernier le regardait s'approcher, impassible - il s'assit au pied 'un ronc rugueux. Aidann marquait de courtes pauses, et veillait a ne pas marcher droit vers lui comme un prédateur. Finalement, il s'agenouilla silencieusement - tout proche, de sorte qu'il puisse touche une des mains posée sur le lit vert. Il l'effleura simplement du bout des doigts, et l'étranger qui avait baisser ses yeux pour contempler le contact, releva ses prunelles jades. Un silence absolu s'installa entre eux, interdisant le moidre bruit, la moindre parole inutile à ce tableau muet. L'inconnu baissa de nouveau son regard, et a l'aide de son doigt écrivit sur la mousse - qui absorbait les contacts comme une feuille de buvard l'encre - un mot en lettres universelles:

"Bloem"

Aidann comprit, et - sous le rire d'oiseaux étranges et verts, dont les plumes énormes se confondaient aux feuilles charnues des arbres - il traça:

"Aidann"

Alors, Bloem sourit, se leva et resta un instant, puis grimpa sur les branches de l'arbre contre lequel il s'adossait. Aidann le regarda faire avec étonnement. Il constata que la peau du jeune garçon marquait comme la mousse: partout ou l'écorce effleurait trop fort le tissu fin et nu, des marques rouges comme des baisers apparaissaient. Les arbres, tout comme les feuilles et les oiseaux qu'ils logeaient, étaient énormes. Bloem disparut dans le creux d'une branche. Aidann ne jeta même pas un regard derrière lui, vers ses compagnons qui surement devaient le chercher, et monta - avec bien plus de difficultés - jusqu'au creux de la branche. Celui-ci ressemblait a une gueule ouverte, niché là où la branche épaissse fusionnait avec le tronc. On aurait dit que l'écorce avait éclatée, laissant apparaitre le trou béant du corps végétal vide comme une coquille. Aidann risqua sa tête a l'intérieur, et n'aperçut rien que de la pénombre.

Le poème du sable dans les fleursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant